Pour un encadrement des loyers durable et renforcé

Après des mois d'auditions, les députés Iñaki Echaniz et Annaïg Le Meur ont livré un rapport dense et pragmatique sur l'expérimentation de l'encadrement des loyers, qui s'achève dans un an. Loin de vouloir enterrer le dispositif, ils proposent de le pérenniser, mais à travers une réforme d'ampleur visant à le simplifier, le rendre plus juste et à combler ses nombreuses failles. Un nouvel équilibre est recherché entre la protection des locataires et la sécurité juridique des bailleurs.

Instauré par la loi Elan, l'encadrement des loyers est sur la sellette. Alors que l'expérimentation arrive à son terme, une mission parlementaire menée par les députés Iñaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques) et Annaïg Le Meur (Finistère) a été chargée d'en évaluer les effets et de dessiner son avenir. Le verdict des deux rapporteurs est clair : le dispositif a produit des effets positifs et doit être pérennisé.

D'emblée, le rapport s'attache à tordre le cou à certaines idées reçues. Non, l'encadrement ne serait pas la cause de la baisse de l'offre locative, un phénomène qui touche aussi les villes non concernées et s'explique par une crise plus large (crise de la construction, meublés de tourisme, hausse des prix de l'immobilier). Surtout, les députés rappellent son objectif premier, souvent mal compris : "L’encadrement des loyers n’a pas pour but de faire baisser les loyers et de fausser le marché, mais au contraire d’établir la réalité des prix de marché et d’éviter les loyers excessifs au regard de ces conditions de marché. À cet égard, l’encadrement des loyers a rempli son objectif, et ce alors même qu’il n’est pas toujours parfaitement respecté."

Cette régulation est jugée essentielle, notamment pour les jeunes et les étudiants, dont 17% abandonnent leurs études faute de logement. Les maires l'ayant testé, toutes étiquettes politiques confondues, en réclament la poursuite.

Simplifier la procédure et redonner le pouvoir aux maires

Le premier chantier est administratif. Les rapporteurs dénoncent une procédure actuelle "trop centralisée, trop lourde, trop lente". Aujourd'hui, une commune éligible doit obtenir l'accord de son intercommunalité (EPCI) puis un décret ministériel - un parcours du combattant qui peut prendre des années.

La proposition est radicale : permettre aux communes volontaires où s'applique déjà la taxe sur les logements vacants (TLV) d'appliquer directement l'encadrement des loyers, après une simple consultation de leur intercommunalité. En cas de désaccord, la commune aurait le dernier mot. Pour inciter les villes à prendre en charge le contrôle, souvent délégué au préfet, le rapport suggère de leur transférer le produit des amendes et de doubler les montants de celles-ci (jusqu'à 10.000 euros pour une personne physique).

Le complément de loyer : mettre fin à "l'open bar"

Le cœur du problème et des abus réside dans le complément de loyer, ce supplément qui permet de dépasser le loyer de référence majoré pour un logement aux caractéristiques exceptionnelles. "Pour caricaturer, rien n’empêche expressément de doubler le loyer au motif qu’il y aurait une terrasse ! La loi interdit tout complément de loyer dans certains cas et, pour le reste, c’est 'open bar'", constatent les députés.

Pour sortir de cette logique, ils proposent de réguler le niveau du complément de loyer. L'une des pistes majeures consisterait à intégrer les surfaces annexes (terrasses, caves, balcons) dans le calcul du loyer via un coefficient de pondération, ce qui permettrait de les valoriser de manière objective et non plus via un complément discrétionnaire. Par ailleurs, les plateformes d'annonces pourraient être obligées d'indiquer le motif justifiant un complément de loyer, renforçant ainsi la transparence et le contrôle en amont.

Colocation, "coliving", faux baux civils : s'attaquer aux autres contournements

Le rapport n'oublie pas les autres stratégies de contournement. Il propose notamment de clarifier les règles pour la colocation, car il reste difficile pour un seul colocataire de contester le loyer. La solution serait de calculer un loyer de référence individuel basé sur la surface privative et une quote-part des parties communes. Pour le coliving, qui contourne l'encadrement via des charges de services élevées, le rapport préconise une transparence totale des charges et la possibilité de refuser certains services individuels. Enfin, pour lutter contre les baux civils utilisés abusivement pour des résidences principales, les locataires concernés se verraient accorder les mêmes droits de recours que ceux bénéficiant d'un bail classique.

Un nouvel équilibre entre droits des locataires et sécurité des bailleurs

Soucieux de présenter des solutions "équilibrées et pragmatiques", les rapporteurs proposent un nouveau pacte.

D'un côté, les droits des locataires se verraient renforcés. Une procédure unique et simplifiée serait créée pour contester le loyer, et le délai pour contester un complément de loyer ne serait plus de seulement trois mois. Surtout, le locataire serait protégé contre les congés abusifs en cas de procédure : un propriétaire ne pourrait plus donner congé dans les 12 mois (location vide) ou 6 mois (meublée) suivant le début d'une contestation.

De l'autre, les bailleurs gagneraient en sécurité juridique. En contrepartie du renforcement des recours en cours de bail, le délai de prescription pour une action sur le loyer serait réduit de trois ans à un an après la fin du bail, évitant une "épée de Damoclès". Ils pourraient également revaloriser le loyer à l’indice de référence (IRL) au renouvellement du bail, y compris si cela dépasse le plafond, à condition que le locataire reste en place. Par ailleurs, le juge pourrait reconnaître un complément de loyer justifié, même en l’absence de mention explicite dans le bail. Une souplesse aujourd'hui inexistante.

 

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