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Enfance / Jeunesse - Pour une politique structurée des temps et lieux tiers de l'enfant

"L’accès à des activités structurées, structurantes est fortement inégalitaire", pour le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), qui rendait public le 6 avril son rapport sur les "temps et lieux tiers" (TLT) des enfants et des adolescents. Pour les enfants qui ne partent pas en vacances, ne se rendent à aucune activité extra-scolaire, passent trois heures par jour sur les écrans la semaine et cinq heures le weekend, le HCFEA demande la mise en oeuvre d'une politique coordonnée de ces TLT, ce qui représenterait un effort annuel de 600 à 750 millions d'euros par rapport aux dispositifs actuels.

Les "temps et lieux tiers" ("TLT") occupent 25% du temps disponible des enfants et adolescents et constituent en cela un "troisième éducateur", après la famille (30% du temps disponible est celui du "faire en famille", "auquel s’ajoute le temps à la maison sans activité avec la famille") et l'école (32% du temps disponible). Le Conseil de l’enfance du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) a remis le 6 avril 2018 à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, un rapport sur ces TLT.
Agrégeant de nombreuses données, le HCFEA propose d'abord un état des lieux détaillé. Les TLT sont classés en trois types : les espaces et temps instaurés (activités proposées et organisées par différents acteurs, dont les communes dans le cadre du périscolaire), les espaces et temps semi-ouverts (ludothèques, médiathèques, accueil en centre social ou maison de quartier…) et les espaces ouverts (jeux et socialisation entre pairs, dans des espaces tels que la rue ou le bas de l'immeuble, les squares, ou à travers les pratiques numériques). L'autre grille d'analyse est thématique, avec six champs d'activité identifiés : sport et bien-être corporel, art et culture, sciences et technologies, engagement, aménagement d'espaces ouverts, vacances "notamment en groupe".

Des inégalités d'accès, mais aussi des domaines peu investis tels que les sciences et les pratiques d'engagement

Globalement, "56% des enfants âgés de 3 à 10 ans (74% à 10 ans), pratiquent chaque semaine au 
moins une activité encadrée dans un club, une association, une maison de quartier". Autre résultat jugé significatif : 
"un quart des enfants passent plus de 3 heures par jour sur les écrans en période scolaire 
et plus de 5 heures par jour pendant les week-ends et les congés".
"L’accès à des activités structurées, structurantes est fortement inégalitaire", observe le HCFEA, qui cite plusieurs exemples. Ainsi, "chez les 11-17 ans, près de quatre enfants sur dix accèdent à une pratique artistique et culturelle régulière formelle ou informelle, mais un quart ne se sont jamais essayés à une pratique artistique". Autre réalité inégalitaire bien connue : "25% des enfants ne partent pas en vacances malgré les mesures existantes, des services sociaux et des entreprises".
En dehors des inégalités - territoriales, sociales, entre garçons et filles, liées au handicap -, le HCFEA pointe le fait que certains champs sont en France délaissés : "moins d’un adolescent sur dix a une activité régulière scientifique ou technologique", les pratiques d'engagement ne concerneraient de la même façon qu'un enfant sur dix. Autre enjeu : celui de la prise en compte dans l'aménagement de l'espace public des besoins - de mouvement, de sécurité… - des enfants et adolescents, une approche "encore [balbutiante] et variable selon les territoires".

Créer 700.000 places de TLT pour les moins de 11 ans et 300.000 places pour les ados

Pour "ouvrir des possibles, pour tous", le HCFEA plaide pour la mise en place d'une "politique publique structurée et cohérente" des temps et lieux tiers de l'enfant. S'inscrivant dans l'approche d'investissement social aujourd'hui promue par le ministère des Solidarités, le HCFEA indique qu'une telle politique permettrait, outre de "mieux équiper les enfants", d'avoir un impact "sur le soutien à la parentalité, les inégalités, et les trajectoires scolaires des enfants".
Concrètement, 700.000 places de TLT seraient à créer pour les moins de 11 ans, 25% d'entre eux n'ayant actuellement accès à aucune activité encadrée. Il s'agirait de consolider les projets éducatifs territoriaux, de "développer le plan mercredi en veillant à en développer les quatre piliers (sportifs, culturels, scientifiques et d’engagements)". Les territoires "les plus dépourvus en TLT (territoires ruraux, périphériques et prioritaires)" seraient particulièrement ciblés. Un barème national permettant de moduler les tarifs en fonction des revenus des familles "pour l'ensemble des pratiques périscolaires et extra scolaires" serait étudié.
Pour les plus de 11 ans, "300.000 places a minima sont à créer" dans les clubs.

24 propositions chiffrées entre 600 et 750 millions d'euros par an

En tout, 24 propositions sont formulées pour mettre en œuvre cette politique, qui représenterait un surcoût de 600 à 750 millions par an par rapport aux dispositifs éparses actuels.
Le HCFEA chiffre d'ailleurs précisément ses propositions, en indiquant des financeurs et pilotes possibles pour chacune. Un pass-colo universel de 200 euros pour les 6-14 ans coûterait ainsi 112 millions d'euros et pourrait être pris en charge par la Cnaf, l'Etat et les régions. L'installation de 7.000 référents TLT, chiffrée à quelque 200 millions d'euros, serait l'affaire de l'Etat et des départements. A l'échelle d'un bassin de vie, ces référents animateurs auraient "une double mission de médiation entre les jeunes, leur famille et les TLT sur le territoire - en lien avec les partenaires locaux - et de développement/animation d’ateliers".