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Prévention des risques - PPRT : une ordonnance lâche du lest aux entreprises riveraines des sites Seveso

Très attendue par les collectivités soucieuses de prévenir fermetures et délocalisations sur leur territoire, la publication de l'ordonnance relative aux plans de prévention des risques technologiques (PPRT) lève les difficultés rencontrées par les activités riveraines dans la mise en oeuvre des mesures foncières ou des prescriptions de travaux.

Présentée lors du dernier Conseil des ministres, l'ordonnance relative aux plans de prévention des risques technologiques (PPRT) a été publiée le 23 octobre au Journal officiel. Ce texte, mis en consultation publique en mars dernier (lire ci-contre notre article du 6 mars 2015), adapte les conditions de mise en œuvre des PPRT, principalement pour les entreprises situées dans les périmètres de risque des sites industriels classés "Seveso seuil haut". L'association Amaris, qui fédère plus de 100 collectivités concernées par les risques technologiques majeurs, s'est immédiatement félicitée de cette adoption "permettant aux entreprises d’appréhender plus sereinement la question de la réduction de leur exposition aux risques". Les entreprises implantées à proximité des sites à risque peuvent désormais mettre en œuvre des mesures alternatives aux mesures foncières d’expropriation et de délaissement (travaux de renforcement substantiel du bâti par exemple), tout en bénéficiant du financement tripartite (Etat, collectivités territoriales et industriel à l'origine du risque) - réservé jusque-là aux mesures foncières -, ce dans la limite du "coût total de la mesure foncière évitée". Mais des questions se posent à présent "quant aux moyens de sensibiliser et d’informer les entreprises et de les accompagner" dans la mise en œuvre de ces mesures alternatives, relève l'association Amaris. Certes, le texte étend de un à deux ans la durée de validité de l'enquête publique relative à l'utilité publique des expropriations (dans le cas où cette enquête est réalisée conjointement avec celle organisée en vue de l'approbation du PPRT). Permettant ainsi aux acteurs de bénéficier de plus de temps pour étudier les éventuelles mesures alternatives.

Devenir des biens préemptés ou délaissés

Le financement tripartite des acquisitions par l'exercice de la collectivité du droit de préemption urbain est lui aussi limité au coût total de la mesure foncière évitée. Il est par ailleurs à noter que le droit de délaissement sera également ouvert en secteur d'expropriation. En outre, la collectivité peut à présent déléguer le soin de réaliser l'acquisition, par convention, non seulement à un établissement public, mais également à une entreprise publique locale. Les biens objet d'un délaissement, d'une expropriation ou d'une acquisition par préemption ne doivent en général plus être occupés ou sont démolis. Toutefois, le texte aménage la possibilité de les réemployer "pour un autre usage que l'habitation", s'ils sont aménagés et utilisés en conformité avec le règlement du PPRT. Ces biens peuvent être ensuite cédés par la collectivité, auquel cas leur évaluation tient compte de la dépréciation résultant des restrictions d’usage, servitudes et prescriptions issues du PPRT. Le produit de la cession est reversé aux financeurs de la mesure foncière d'origine (collectivités, Etat, industriels), au prorata de leurs contributions respectives à l'acquisition du bien. Ces biens ne pourront plus faire l'objet de nouveau d'un délaissement, d'une expropriation, préemption ou mesure alternative.

Durée de réalisation des travaux

Les prescriptions de travaux sont dorénavant limitées aux seules habitations, permettant aux activités de mettre en sécurité les salariés par d’autres moyens, via par exemple des mesures organisationnelles relevant des autres réglementations applicables (code du travail, législation des établissements recevant du public…). Concernant les habitations, l'ordonnance augmente de cinq à huit ans, à compter de l'approbation du plan, la période pendant laquelle les travaux doivent être réalisés pour bénéficier des contributions des collectivités et des industriels (ou avant le 1er janvier 2021 si le plan a été approuvé avant le 1er janvier 2013). Pour rappel, la participation minimale, répartie en deux parts égales entre les industriels et les collectivités "est de 50% du coût des diagnostics et travaux, sans pouvoir excéder 10.000 euros par logement". En l'absence d'accord, les collectivités participent au prorata de la part de contribution économique territoriale (CET) qu'elles perçoivent des exploitants, y compris celles qui ne perçoivent qu'une partie de la CET. Précision importante : c'est l'année d'approbation du PPRT qui fait référence pour la répartition au prorata de la CET. En revanche, l'ordonnance ne mentionne pas le plafond de prescription de travaux au regard de la valeur vénale du bien concerné et renvoie à un décret. Les plafonds, qui étaient pertinents en cas de prescriptions de travaux sur des locaux d'activité (exprimés en pourcentage du chiffre d'affaires ou du budget annuel) sont quant à eux supprimés.
Enfin, l'ordonnance introduit une nouvelle procédure de révision simplifiée des PPRT (sans enquête publique) : si "l'économie générale du plan" n'en est pas altérée ou "si la portée des mesures n'est revue qu'à la baisse", notamment en cas de diminution du risque. Par ailleurs, pendant la procédure de révision ou modification (voire d'abrogation), le préfet peut suspendre "totalement ou partiellement" l'application du PPRT. En cas de disparition totale et définitive du risque, le PPRT peut enfin être abrogé.
Le projet de loi de ratification de l’ordonnance sera déposé, dans un délai de six mois, au Parlement.

Philie Marcangelo-Leos / Victoires-Editions

Référence : ordonnance n°2015-1324 du 22 octobre 2015 relative aux plans de prévention des risques technologiques, JO du 23 octobre 2015, p. 19701.