Programmation énergétique : la proposition de loi Gremillet largement rejetée par les députés
Lors d’un vote solennel ce 24 juin, les députés ont rejeté la proposition de loi du sénateur Daniel Gremillet sur la programmation énergétique, par 377 voix contre et 142 pour. Le texte doit être transmis au Sénat pour une seconde lecture prévue à partir du 8 juillet mais la navette pourrait être perturbée si le gouvernement publiait d’ici là son décret sur la programmation pluriannuelle de l'énergie.

© Capture vidéo Assemblée nationale/ Marc Ferracci
L'Assemblée nationale a largement rejeté ce 24 juin en première lecture la proposition de loi Gremillet sur la programmation énergétique de la France, profondément remaniée par le RN et la droite lors de son examen dans l'hémicycle la semaine dernière (lire notre article).
142 députés ont voté pour, 377 contre. Le RN et son allié, l'UDR, ont fait face au front uni de la gauche et des groupes de l'ancienne majorité présidentielle (Ensemble pour la République, MoDem, Horizons). Ces derniers avaient annoncé la veille voter contre le texte d'origine sénatoriale, fustigeant notamment l'inscription d'un moratoire sur les énergies éolienne et solaire, à l'initiative de LR et du RN. LR s'est de son côté très majoritairement abstenu.
Le texte, dont l'ambition est de dessiner le futur énergétique de la France à l'horizon 2035, proposait dans sa version sortie de la chambre haute en octobre une relance ambitieuse du nucléaire, et des objectifs en matière d'énergies renouvelables (lire notre article). Mais son examen a déraillé à l'Assemblée, en commission puis dans l'hémicycle. Après avoir voté dès l'entame des débats pour la "sortie des règles de fixation du prix du marché européen de l'énergie", les députés ont approuvé la réouverture de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin), puis le fameux moratoire, qui a suscité l'indignation de toute la filière électrique mais aussi du principal syndicat agricole, la FNSEA.
Rejet "nécessaire" après le moratoire sur les énergies renouvelables
Les explications de vote ont spectaculairement démontré les divergences entre les groupes macronistes et la Droite républicaine de Laurent Wauquiez. Le ministre chargé de l’Industrie et de l’Energie, Marc Ferracci a affirmé "prendre acte" au nom du gouvernement d'un rejet du texte "nécessaire", après l'adoption de mesures "industriellement absurdes" et d'autres "dévastatrices pour nos territoires".
Auteur de l'amendement de la discorde sur le moratoire, Jérôme Nury (LR) a assumé la position de son groupe. "Le bon sens, c'est (...) se préoccuper de la souveraineté de notre électricité et de sa robustesse, tout en veillant au montant de la facture d'électricité des Français et des entreprises", a-t-il défendu, raillant les "cris d'orfraie" de ses contradicteurs.
La gauche, elle, a fustigé un texte d'inspiration RN, et la "désertion" des macronistes. Alors que Gabriel Attal avait déploré lundi "un nouveau recul" pour l'écologie, accusant les groupes LR et RN d'avoir soutenu ces derniers mois "tous les retours en arrière majeurs sur l'environnement", l'écologiste Julie Laernoes s'en est prise avec virulence à l'ancien Premier ministre. "Vous annoncez voter contre ce texte. (...) sachez que ce vote ne vous absoudra pas. Depuis trois ans, vous avez gommé tout ce qui s'apparente de près ou de loin au climat et à l'écologie", a-t-elle tempêté. Le député communiste Julien Brugerolles a, lui, pointé les "conditions" du débat, avec un texte mis à l'agenda tardivement et sous pression du RN, et n'ayant pas été précédé d'une "étude d'impact" comme le sont les projets de loi.
Mobilisé comme jamais sur ce texte, le RN peinait à cacher son amertume, après avoir engrangé des victoires la semaine passée. "La victoire idéologique de Marine Le Pen est à la hauteur des aveux de tous nos adversaires défaits, ici réunis", a fustigé le député Jean-Philippe Tanguy.
La balle dans le camp du gouvernement
Le texte partira pour une deuxième lecture au Sénat, les 8 et 9 juillet. Mais le gouvernement pourrait publier sans attendre la fin de la navette parlementaire le décret sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE3), attendue par les acteurs de la filière, comme l'a dit à plusieurs reprises le ministre Marc Ferracci. Le président du Sénat, Gérard Larcher (LR), a dit à l'AFP ce mardi "espére(r) que le gouvernement attendra la conclusion de ce débat pour publier son décret". "Sans quoi ce décret sera fragile", a-t-il prévenu. Il a également qualifié d'"erreur", l'adoption à l'Assemblée de l'amendement LR instaurant le moratoire sur le solaire et l'éolien, estimant que la version sénatoriale était "équilibrée, entre nucléaire et énergies renouvelables".