Un moratoire sur l'éolien et le solaire fait dérailler l'examen de la proposition de loi de programmation énergétique à l'Assemblée

Les députés ont achevé ce 19 juin l'examen de la proposition de loi de programmation de l’énergie, initiée par le sénateur Daniel Gremillet, qui comporte désormais un moratoire immédiat sur toute nouvelle installation éolienne et photovoltaïque. La filière des renouvelables a vivement réagi, dénonçant un "texte d'irresponsabilité énergétique".

Après un passage en commission déjà marqué par une grande confusion (lire notre article), l’examen en séance à l’Assemblée nationale de la proposition de loi de programmation de l’énergie initiée par le sénateur LR des Vosges Daniel Gremillet (lire notre article) s’est achevé ce 19 juin par un coup de théâtre. Face aux bancs dégarnis de la gauche et des groupes du bloc central (EPR, Horizons, MoDem), un amendement du député LR de l’Orne Jérôme Nury instaurant un moratoire sur le développement de nouvelles installations éoliennes et photovoltaïques a été adopté dans l’après-midi en réunissant les voix de la droite et de l'alliance d'extrême droite RN-UDR.

"Catastrophe économique et industrielle", "sabotage délibéré"...

Le rapporteur du texte Antoine Armand a demandé une suspension de séance après le vote, déplorant dans cette décision une "catastrophe économique et industrielle" et en imputant la responsabilité à la droite. À la reprise, les orateurs PS, écologiste et LFI se sont succédé pour dénoncer ce vote, et demander le retrait du texte. "On vient d'assister (...) au sabotage délibéré, organisé par un parti du gouvernement, contre le gouvernement, contre l'intérêt du pays", a notamment pointé le député LFI de Loire-Atlantique Matthias Tavel.

"C'est dévastateur", a commenté plus tard le ministre de l'Industrie, Marc Ferraci (Renaissance). "Ce qui a été adopté, je le dis avec gravité, avec solennité, est parfaitement irresponsable. (...) Chacun assumera ses responsabilités. Le gouvernement assumera les siennes jusqu'à la fin de ce texte, dans le respect de nos procédures démocratiques", a-t-il poursuivi, rappelant que l'examen du texte n'était "pas terminé". Un vote solennel sur l’ensemble de la proposition de loi est en effet prévu mardi 23 juin.

Avenir du texte incertain

Tout au long des débats, le Rassemblement national n'a eu de cesse de dénoncer l'éolien et le solaire comme des énergies coûteuses et "intermittentes" et s’est réjoui de l’adoption du moratoire, après avoir auparavant engrangé une victoire avec l'introduction dans le texte du redémarrage de la centrale nucléaire de Fessenheim, fermée en 2020.

Le texte "est désormais une menace grave pour le climat", a fustigé pour sa part le groupe écologiste dans un communiqué, dénonçant une assemblée ayant sombré "dans l'absurde".

L'avenir du texte, qui acte par ailleurs une relance massive du nucléaire, est désormais incertain. La proposition de loi est censée servir d'indicateur au gouvernement pour finaliser un décret fixant la nouvelle feuille de route énergétique de la France pour la période 2025-2035, en mettant le pays sur la voie de la neutralité carbone en 2050. Le gouvernement avait toutefois prévenu qu'il publierait ce décret avant la fin de l'été. Soit a priori avant l'adoption définitive de ce texte, qui doit revenir en deuxième lecture les 8 et 9 juillet au Sénat, où la droite est majoritaire.

Levée de bouclier de la filière des renouvelables

Les acteurs du secteur des énergies renouvelables sont pour l’heure vent debout contre le moratoire. France Renouvelables, organisation professionnelle spécialisée, a aussitôt dénoncé un amendement représentant "un des plus grands plans sociaux décidés à l'Assemblée" avec "en ligne directe la destruction de 80.000 emplois". L'ensemble des filières représentées par le Syndicat des énergies renouvelables (SER) ont, elles, appelé les députés ce 20 juin à rejeter la proposition de loi. "Le texte tel qu'il ressort de la phase d'examen à l'Assemblée nationale hier n'a plus aucun sens", a déploré Jules Nyssen, le président du SER. "Il met plusieurs dizaines de milliers d'emplois en danger et sacrifie notre avenir énergétique au-delà des dix prochaines années." "Au nom de la sécurité énergétique de notre pays, au nom de sa compétitivité et de sa crédibilité, au nom de tous les emplois de la transition énergétique, au nom de l'avenir des générations à venir, nous appelons solennellement les députés, cette fois, à se mobiliser fortement pour rejeter ce texte incohérent qui fait honte à la France", a-t-il ajouté.

Pour le SER, les amendements adoptés jeudi en séance en ont fait un "texte d'irresponsabilité énergétique" en prévoyant la réouverture de la centrale de Fessenheim, fermée en 2020, le centrage du système énergétique français "autour de la seule énergie nucléaire", la suppression des objectifs de développement des biocarburants, le moratoire sur le solaire et l'éolien, l'affaiblissement des efforts d'efficacité énergétique et de rénovation des bâtiments, etc.

Le SER, qui regroupe plus de 500 adhérents, estime que le texte "menace de rayer également d'un trait de plume les 160.000 personnes qui travaillent aujourd'hui dans le secteur des énergies renouvelables en France."

 

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