Qualité de l’eau potable : la FNCCR lève le voile sur les critères des captages sensibles

Attendue depuis deux ans, la définition des captages sensibles devrait enfin aboutir mais sans doute pas avant la fin du second semestre 2026. À l’occasion, ce 22 octobre, d’un point presse consacré à la qualité de l’eau potable en France, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) en a esquissé les contours au regard des critères sur la table des discussions au sein du groupe national Captages, auquel elle participe, et évalué à 7.638 les captages qui devraient relever de ce statut. La Fédération appelle l’État à s’impliquer activement aux côtés des collectivités pour la protection des captages, déplorant une "inversion de la chaîne de responsabilité au détriment des communes".

Avec un nouveau président à sa tête depuis début juillet, en la personne de Jean-Luc Dupont - "un ancien nouveau" comme se qualifie lui-même celui qui était déjà vice-président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) depuis 17 ans -, l’organisation, qui regroupe notamment plus de 500 collectivités ou groupements dans le domaine de l’eau, compte maintenir la pression pour mobiliser l’État sur les enjeux de préservation des ressources en eau, d’anticipation des menaces pesant sur sa qualité et sur l’accompagnement des collectivités. Les travaux toujours en cours dans le cadre du groupe national Captages, et au sein duquel l’État s'est mis "un peu en retrait", l’invite à ne pas baisser la garde. "L’État renvoie vers les collectivités les responsabilités en matière de protection. Disons en gros, ‘c'est vous qui gérez donc débrouillez-vous’. [Nous pensons] à la FNCCR que le ministère de l'Environnement et qu’un certain nombre d'outils devraient être mobilisés par l'État pour être à la fois plus contraignants mais aussi plus efficients sur les mesures qu'on met en place au travers de ces actions", a clarifié Jean-Luc Dupont à l’occasion, ce 22 octobre, d’un point presse consacré à la qualité de l’eau potable en France. 

Des collectivités lâchées en rase campagne

C’est en tout cas le sentiment partagé par les maires des villages des Ardennes et de la Meuse, qui se disent "abandonnés" par l’État, après la découverte l’été dernier d’un taux record de PFAS ou "polluant éternels" dans l’eau du robinet. Le président de la FNCCR observe malgré lui cette tendance. "(…) ça glisse gentiment mais durablement, d’une responsabilité qui était dans un domaine régalien de l'État et qui demain va vers les régies distributrices d'eau potable ou globalement on leur dit ‘vous devez assurer à vos usagers-clients une qualité conforme, et si elle ne l'est pas, c'est vous qui êtes responsable, vous devez mettre tous les moyens en œuvre’". Et donc in fine les financer et porter le poids politique des augmentations du prix de l’eau. "C’est une forme de transfert à la fois de la responsabilité pénale mais aussi des charges financières qui incombent normalement à celui qui pollue", appuie-t-il. 

Il déplore également une "forme de laxisme" et d’inconstance des pouvoirs publics pour mettre en application une mesure dans la durée. Sur le périmètre de protection des captages, "il n’ y a pas d'instantanéité et d’immédiateté (…). Ce n’est pas de la politique TikTok ou Instagram, ce n’est pas pour faire 2 heures ou 3 jours. C'est pour faire 50 ou 60 ans. Et donc cela veut dire qu'il y a besoin d'une continuité, d'une constance si on veut que cela soit efficient". Suite à l’impulsion donnée par les Assises de l’eau, "tout le monde s'est engagé à se mobiliser fortement pour accompagner et soutenir les collectivités dans la mise en œuvre de la protection des captages, en disant ‘il faut à tout prix avoir plus de fermeté dans l'application réglementaire’ [de la directive-cadre sur l’eau], ‘on doit faciliter l'activation du droit de préemption des collectivités dans les aires d'alimentation des captages’", rappelle-t-il. Mais pas de baguette magique. C’est d’ailleurs "un outil un peu ultime, c'est un peu la dissuasion nucléaire. Vous l'avez, mais la volonté, c'est ne de jamais appuyer sur le bouton", reconnaît le président de la FNCCR, remontant des discussions parfois tendues avec le monde agricole. Il faut donc à ses yeux privilégier "un dialogue constructif" et travailler sur des objectifs et des analyses propres "captage par captage" pour "bien cibler, là aussi avec une question d’efficience de l'argent public". 

Des critères pour définir les captages sensibles se dessinent 

La parution du bilan de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) sur les contaminations aux PFSAS notamment dans l’eau de consommation (lire notre article) ne fait que confirmer l’urgence de faire atterrir la feuille de route captages qui a donné en particulier au groupe national dédié la publication de deux livrables, un arrêté interministériel fixant les critères de définition des points de prélèvement sensibles et un guide méthodologique à destination des préfets et des collectivités pour définir les mesures de gestion appropriées à déclencher selon la situation du captage. 

Les collectivités en charge de la production d’eau à partir de ces points de prélèvement sensibles devront contribuer à la gestion et à la préservation de la ressource en eau en élaborant et en mettant en œuvre un plan d’actions "volontaire". "L’objectif c’est bien d’anticiper la dégradation de la qualité de l'eau pour mettre en place des actions de reconquête avant de devoir mettre en place un traitement de l'eau ou de pouvoir se passer des traitements à moyen terme", souligne Cyrielle Vandewalle, chargée de mission à la fédération. Un dispositif - issu de la directive eau potable qui prévoit de renforcer les contraintes en cas de dépassement d’une limite de qualité dans les eaux brutes - pour l’heure suspendu à la définition réglementaire des captages sensibles attendue depuis deux ans. Et pour cause, le nouvel arrêté qui cernera les paramètres conduisant à considérer un point de prélèvement d’eau potable comme sensible est toujours à l’état de projet. 

Plusieurs critères sont en cours de discussion au sein du groupe national pour classer un captage en point de prélèvement sensible. D’abord la nature des analyses sur lesquelles on va se fonder. C'est-à-dire celles issues du contrôle sanitaire, de la directive-cadre sur l'eau, des données des agences régionales de santé (ARS) sur les eaux brutes. Sur les paramètres de qualité, ce serait la même liste que celle du contrôle sanitaire. À savoir, l'arrêté du 11 janvier 2007 modifié, dont une nouvelle version entre en vigueur le 1er janvier 2026, avec la prise en compte des PFAS. Sur la chronique de données, on prendrait en compte six années glissantes. 

La France pourrait compter 7.638 captages sensibles

Si les analyses dépassent deux fois 80% de la norme eau distribuée appliquée aux eaux brutes, alors le captage est un point de prélèvement sensible. En appliquant ce ratio de 80%, "7.638 captages pourraient être des points de prélèvement sensible", d’après le calcul de la FNCCR. Contrairement aux captages prioritaires desquels il n'était pas possible de sortir de la liste, il y aurait une possibilité pour les captages sensibles de sortir du statut si sur ces six années glissantes, on a moins de deux dépassements, "en miroir des critères d’entrée". 

"C’est à la fois sur les paramètres pesticides interdits et le seuil de 80% de la norme eau distribuée appliquée aux eaux brutes où clairement c'est compliqué à négocier avec la profession agricole qui est évidemment tout à fait contre ces critères-là", explique Cyrielle Vandewalle. Par ailleurs, "le gros sujet" sur lequel il est difficile de s'accorder "c'est sur la décision ou le signalement d'un nouveau point de prélèvement sensible. Est-ce que cela doit faire l'objet d'une décision ou pas ? comment c'est signalé ?", rapporte-t-elle. Sur ce point, la FNCCR souhaite que les services de l'État tiennent une liste à jour des points de prélèvement sensible sur chaque département et au niveau national. Elle demande également que ce soient les services de l'État qui informent de l'entrée dans le statut. Ce n’est toutefois pas ce qui est prévu. "La procédure de signalement se ‘ferait ‘- toujours au conditionnel - par un outil bancarisant toutes les analyses". 

Autre information obtenue récemment par la FNCCR : le statut de captages prioritaires (actuellement au nombre de 1.100) disparaîtrait. Que deviendront-ils? Et de quels financements disposeront-ils?, s’interroge, Cyrielle Vandewalle. Car parmi ces captages prioritaires certains ne rentreront pas dans les critères des points de prélèvement sensible, et deviendront donc des "captages lambda". Au vu du nombre de captages (7.638) qui pourraient être "points de prélèvement sensible" et au regard des financements "qui vont devoir suivre sur l'ensemble de ces captages", il semble "difficile de poursuivre une politique de protection assez efficace sur les autres captages", remarque-t-elle. 

Pas question que l’État se défausse

Nombreuses sont donc les attentes sur l’implication active des services de l’État au coté des personnes responsables de la production et distribution de l'eau (PRPDE) pour rendre efficace la politique de protection des captages, à travers notamment le rappel des obligations réglementaires pour les activités susceptibles de contribuer à une dégradation de la qualité de l’eau, la participation au comité de pilotage des plan d’actions, le déclenchement de l’outil ZSCE (zone soumise à contraintes environnementales) ou une révision de déclaration d'utilité publique (DUP) lorsque la PRPDE le justifie et en concertation avec elle. 

D’autres pistes sont sur la table et pour certaines partagées par d’autres associations de collectivités comme le réseau Amorce. La FNCCR invite à revoir les modalités d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des polluants, pour y inscrire des interdictions d’utilisation des molécules les plus problématiques dans les aires d’alimentation des captages. Car la facture pourrait s’avérer très salée pour la "potabilisation", et pourrait atteindre jusqu’à 1,80 euros le m3 pour les petits captages, et ce sans prendre en compte le devenir des résidus de polluants, relève Régis Taisne, chef du département Eau de la fédération. 

Sur les outils financiers, la politique agricole commune "doit davantage être mise à contribution" dans les démarches de protection des captages. Et côté industriels, la FNCCR propose d’établir une responsabilité élargie des metteurs sur le marché de substances susceptibles de polluer les ressources en eau et d’augmenter les recettes de la redevance pour pollution diffuse avec un fléchage vers les actions préventives et curatives. Force est de constater que le budget 2026 n’en prend pas le chemin…

Enfin, sur le levier foncier, l’acquisition foncière à l’amiable et par préemption par les PRPDE dans les aires d’alimentation de captages doit être "facilitée". "Aujourd'hui, on a un droit de préemption sur les aires d'alimentation de captages qui est particulièrement difficile à mettre en place et à faire accepter localement et sur lequel on a beaucoup de refus de la part des préfets", remonte Cyrielle Vandewalle.

 

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