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Quartiers défavorisés - A quoi sert la politique de la ville ?

Optimistes. Après avoir étudié et tenté d'évaluer pendant un an les aides en faveur des quartiers défavorisés, les députés François Goulard (UMP, Morbihan, maire de Vannes) et François Pupponi (PS, Val-d'Oise, maire de Sarcelles) "restent optimistes". Le tempérament de ces deux rapporteurs doit y être pour quelque chose. Car à parcourir ce rapport de 600 pages (300 de texte, 300 d'annexes) déposé à l'Assemblée nationale le 21 octobre dernier, les bonnes nouvelles ne sont pas légion.
En substance, les 8 députés (4 de droite, 4 de gauche) chargés de ce travail estiment qu'en "dépit de 30 ans de politique de la ville, on ne note pas d'amélioration globale de la situation des quartiers sensibles". Les différents acteurs publics ont mis de l'argent, mais on est "incapable d'avoir une vision claire des montants engagés, et encore moins des effets de ces politiques". "Les dispositifs ne s'inscrivent jamais dans la durée, ils viennent toujours des ministères pour être appliqués uniformément sur des situations locales très différentes." Et encore faudrait-il que les différents ministères ciblent leurs politiques de droit commun sur les quartiers en difficulté et qu'existe une véritable coordination interministérielle. Ce qui est loin d'être le cas. Bref, au moins sur le plan de la cohérence, de la transparence et de l'efficacité de l'action publique, le constat est "accablant". D'où le titre du rapport : "Quartiers défavorisés ou ghettos inavoués : la République impuissante."

Cucs, internat d'excellence, carte scolaire, Dalo… une succession de paradoxes

Heureusement, il y a l'Anru. Pour les parlementaires, voilà un exemple de ce "qui marche". Si elle a rencontré des difficultés les premières années, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine créée en 2004 est désormais "un outil efficace". Cela n'est pas le cas de sa petite soeur, l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé), "ballotée" au gré des vents politiques. Elle "gère des crédits, est soumise à des contraintes infinies" pour finalement "n'apporter aucune aide aux acteurs locaux". Les deux députés s'interrogent donc sur l'utilité d'avoir deux agences. Ils se montrent également sévères sur les contrats urbains de cohésion sociale (Cucs) signés en 2006-2007 pour trois ans et prorogés depuis, qui sont "tout sauf des contrats". Ces Cucs "témoignent surtout du formalisme administratif" imposé aux quartiers défavorisés par "une administration tatillonne". Comme le groupe UMP de l'Assemblée nationale il y a quelques jours  (voir notre article ci-contre), les parlementaires appellent à la conclusion de véritables contrats, contraignants, entre l'Etat et les collectivités territoriales. Ces contrats de ville pourraient intégrer l'ensemble des politiques de droit commun (et par exemple la sécurité et l'éducation) et permettre un véritable pilotage par les acteurs locaux.
D'autres dispositifs récents sont sous le feu des critiques : les internats d'excellence, "qui ne font qu'accroître les difficultés de certains établissements dans la mesure où les meilleurs élèves ont vocation à les quitter pour aller en internat", la réforme de la carte scolaire "qui aggrave la situation" en faisant partir les classes moyennes vers des établissements plus cotés, etc. Les parlementaires pointent également l'incohérence de certaines aides économiques : ainsi les zones franches urbaines cessent de produire leurs effets quand le programme de rénovation urbaine arrive à son terme. Quant au droit au logement opposable (Dalo), "tous les ministres du logement ont été alertés sur le risque de recréer des ghettos par des attributions dans des quartiers déjà pauvres". D'où une contradiction flagrante entre les objectifs de mixité sociale et ceux du droit opposable au logement.
Ainsi, les parlementaires s'interrogent sur les objectifs mêmes de la politique de la ville. "Ont-ils été bien définis ? S'il s'agit de réduire les écarts, cela passe-t-il par une 'mixité sociale' accrue s'appuyant sur un brassage organisé des populations ou faut-il s'appuyer sur une distribution des moyens privilégiant les populations les moins bien dotées ?" Une manière polie - ou réaliste, c'est selon - de constater l'échec des politiques visant la mixité sociale.

 

Hélène Lemesle

 

 

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