Raccordements à la fibre, le plan qualité de la dernière chance

Face à l’exaspération des élus, la filière annonce un nouveau plan d'action pour tenter de mettre fin aux échecs et problèmes de raccordements à la fibre. Un dossier qui sera sur le haut de la pile pour un gouvernement invité à légiférer s’il n’y a pas d’amélioration.

Une fois de plus, l’essentiel des débats du Trip de printemps de l’Avicca, organisé à Paris les 1 et 2 juin 2022, aura tourné autour de la qualité des raccordements à la fibre. Des problèmes que l’association de collectivités attribue encore et toujours au mode Stoc, à savoir la sous-traitance des raccordements par les opérateurs commerciaux. "Ce n’est pas par idéologie mais parce que ce mode 'machin' dont on ne veut plus que je prononce le mot ne marche pas", assène le président de l’Avicca, le sénateur Patrick Chaize. Un propos tenu alors que défilait à l’écran "le festival des films d’horreur" : armoires ouvertes aux quatre vents, fibres arrachées et autres infrastructures câblées en dépit du bon sens…

Le mode Stoc pas seul en cause

"On ne peut pas dire qu’il y a des améliorations", concède de son côté Laure de La Raudière, la présidente de l’Arcep. La limitation à deux rangs de sous-traitance et la mise en place d’un compte rendu d’intervention, décidées en novembre 2021, n’ont visiblement pas suffit à inverser une tendance que l’Arcep refuse cependant toujours de quantifier. "Les indicateurs que nous avons élaborés sont en cours de fiabilisation", botte en touche la présidente. Cette dernière tient cependant à nuancer le constat de l’Avicca : "il y a des endroits où cela se passe mieux que d’autres et le mode Stoc n’est pas le seul responsable des problèmes". Et de mentionner, entre autres, le sous-dimensionnement d’armoires dans des communes pilotées par XPfibre (une enquête est en cours) ou encore "le manque de professionnalisme" de certains techniciens.

Le plan qualité d’Infranum

Le nouveau président d’InfraNum, Philippe Le Grand, a assuré que la filière avait pris le sujet à bras le corps via un "plan qualité" en cours de finalisation. "Ce n’est pas une nouvelle version du contrat Stoc mais des mesures pragmatiques, nous voulons aller vite et faire simple", a-t-il affirmé. A y regarder de plus près cependant, il s’agit une fois de plus de modifier les relations contractuelles entre les intervenants en précisant les règles et responsabilités entre opérateurs d’infrastructures et commerciaux. Trois sujets sont sur la table : la labellisation des entreprises réalisant les raccordements, l’amélioration de la capacité de contrôle des intervenants via l’accès aux plannings des techniciens et la mise en place de comptes-rendus d’intervention à valeur contractuelle. La filière espère "des résultats qui se voient dès cet automne". Il s’agit notamment de faire baisser le taux d’échec de raccordement, aujourd’hui de 15 à 20% selon les zones, et d’améliorer le nombre de comptes-rendus conformes.

Revoir le partage de la valeur

Patrick Chaize a salué une "prise de conscience collective", tout en appelant à ce que "les actes suivent les paroles". Il s’est dit prêt à "prendre une initiative parlementaire avec des mesures drastiques" si les choses ne bougent pas. Il a aussi alerté sur la nécessité pour la filière de "revoir le partage de la valeur car ce n’est pas avec des intervenants payés au lance-pierre que cela va s’arranger". "Nous y travaillons", a affirmé Philippe Le Grand qui rejoint le sénateur sur les méfaits de "l’ubérisation" du secteur. Et d’ajouter que la question du partage de la valeur dépasse celle des raccordements. InfraNum espère à cet égard que le projet de la Commission européenne de taxer les Gafam (notre article du 5 mai 2022), principaux bénéficiaires de réseaux télécoms qu’ils n’ont pas financés, aboutisse rapidement.

Réinvestir sur les derniers mètres

Antoine Darodes, directeur du département en charge de la transition numérique des territoires au sein de la direction de l’investissement de la Banque des Territoires, a souligné pour sa part le "besoin de réinvestissement dans les derniers mètres". En clair, les problèmes de raccordement à la fibre ne seraient pas seulement dus à la sous-traitance mais aussi à la vétusté des infrastructures de génie civil sur lesquelles est parfois déployée la fibre. Le mode de déploiement de la fibre aurait aussi sa part de responsabilité, l’usage massif d’appuis aériens faisant peser un risque élevé sur la "résilience des réseaux". "Imaginez les conséquences qu’aurait aujourd’hui une tempête comme celle de 1999" met-il en garde, appelant à un effort massif sur l’enfouissement des réseaux. Autre sujet d’inquiétude, un possible retour des inégalités territoriales : "Il y a le risque qu’un réseau dans la Creuse coûte cinq fois plus cher à entretenir que celui de Strasbourg". Or la fin annoncée du plan THD, qui subventionne les nouvelles infrastructures en tenant compte des spécificités territoriales, pourrait rimer avec "dépéréquation". Mais si un nouveau mécanisme de péréquation pour l’exploitation des réseaux relève de l’évidence pour l’ensemble des intervenants, le curseur entre subvention publique, investissement privé et participation des utilisateurs fait encore débat.

Enraciner le très haut débit, faire décoller les territoires connectés

À l'occasion de ce Trip de printemps, l'Avicca et InfraNum ont présenté leurs propositions au nouveau gouvernement pour "enraciner" le très haut débit. Les acteurs de l'aménagement numérique souhaitent un nouveau plan articulé autour de trois valeurs, "égalité, pérennité et solidarité". Le raccordement de tous figure naturellement en tête des priorités, le 100% fibre dans les RIP étant évalué à 3,3 milliards d'euros. Il s'agit ensuite de sécuriser les déploiements en enfouissant notamment les réseaux et en doublant les nœuds de raccordement (NRO). 10 milliards d'euros seraient nécessaires pour réaliser cette opération. Le dernier sujet porte sur la péréquation financière, pour faire face à des réseaux dont le coût d'exploitation pourrait varier du simple au double. Sur le sujet usages, les acteurs ont enfin rappelé leur attachement à un plan national pour aider à standardiser, industrialiser et généraliser les territoires durables et connectés.