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Transports - Rapport de la commission Mobilité 21 : Frédéric Cuvillier donne sa préférence au scénario optimiste

Le gouvernement va suivre les recommandations de la version optimiste du rapport de la commission Mobilité 21, rendu public le 27 juin, qui préconise un investissement supplémentaire de l'Etat de 400 millions d'euros par an dans les infrastructures de transport, a déclaré le ministre délégué aux Transports, Frédéric Cuvillier. "Nous allons retenir un projet autour du scénario deux", a-t-il affirmé à l'AFP, en marge de la conférence de presse organisée pour la remise officielle du rapport.
La commission, présidée par le député Philippe Duron, recommande d'abandonner le "tout TGV" et les grands projets d'autoroutes pour mettre l'accent sur l'entretien du réseau existant. Les investissements dans de nouveaux grands projets d'infrastructures, moins prioritaires, étaient planifiés selon deux scénarios dans le rapport. Le premier scénario, apparemment écarté par le ministre, se contente de maintenir les investissements au niveau du budget actuel de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (Afitf). L'investissement prévu pour les grands projets ne pèserait alors que 8 à 10 milliards d'euros.
Le second, désigné comme le "plus ambitieux" des deux, affecte entre 28 et 30 milliards d'euros aux grands projets à l'horizon 2030. Il implique un investissement supplémentaire de l'Etat dans le budget de l'Afitf, à hauteur de 400 millions d'euros par an. "Nous ne nous résignons pas à une perspective de croissance atone" sur le long terme, a annoncé Frédéric Cuvillier lors de la conférence de presse, laissant présager de son choix. "Nous souhaitons répondre aux enjeux de compétitivité, de maillage du territoire et aux enjeux des transports du quotidien". Ce scénario optimiste retient notamment une ligne à grande vitesse (LGV) à lancer avant 2030 : la liaison Bordeaux-Toulouse. Les autres LGV (Bordeaux-Hendaye, Poitiers-Limoges seconde phase de la LGV Rhin-Rhône...) sont renvoyées à l'après 2030, avec une provision budgétaire pour lancer les premiers travaux du trajet Paris-Orléans-Clermont-Lyon avant cette date, si les lignes existantes arrivent à saturation. La priorité doit également être donnée à un certain nombre de grands "noeuds ferroviaires", destinés à désengorger de nombreuses gares, comme celle de Lyon et celle de Saint-Lazare à Paris, la Part-Dieu à Lyon ou Saint-Charles à Marseille.
Le gouvernement doit présenter le 9 juillet son plan d'investissement à la lumière de ce rapport. En attendant, les réactions des élus aux travaux de la commission sont très mitigées. Le président (PS) de la région Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne, a salué "le discours de vérité du rapport de Philippe Duron qui prend en compte les capacités financières de l'Etat et des collectivités locales". "Je me réjouis en particulier de la priorité accordée au nœud ferroviaire lyonnais" dont le traitement est "un préalable à l'arrivée de toute nouvelle infrastructure ferroviaire dans l'agglomération lyonnaise et au bon fonctionnement du réseau TER", a-t-il ajouté. Pierre Cohen, maire de Toulouse et président de la communauté urbaine Toulouse Métropole, s'est dit "satisfait et vigilant" à propos de la proposition de la commission de réaliser en priorité la LGV Bordeaux-Toulouse.

Amertume des élus face au report de projets de LGV

Mais du côté des élus qui voient s'éloigner la perspective de voir leur territoire desservi par un TGV, c'est l'amertume qui domine. François Patriat, président de la région Bourgogne, a demandé au gouvernement de "reconsidérer les préconisations" du rapport quant au report de la liaison Paris-Orléans-Lyon-Clermont et de la réalisation compète de la branche est de la LGV Rhin-Rhône. Plusieurs élus alsaciens ont une nouvelle fois dénoncé le report de la seconde phase de la LGV Rhin-Rhône prôné par la commission, qui propose également le report du Grand Contournement Ouest de Strasbourg.
En région Limousin, Jean-Paul Denanot en a appelé au "développement équilibré des territoires" et donc à la construction rapide d'une LGV Poitiers-Limoges. Même credo de la part de la députée-maire PS de Pau, Martine Lignières-Cassou (PS), en faveur du Béarn. Le président de la région Aquitaine, Alain Rousset (PS), et le maire de Bordeaux, Alain Juppé (UMP), jugent eux aussi qu'il ne "serait pas acceptable" de reporter après 2030 la LGV Bordeaux-Hendaye, évoquant les milliers d'emplois en jeu et les problèmes de financement d'autres lignes qui en découleraient.
Des élus PS de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur ont estimé que différer une LGV chez eux (Marseille-Nice) serait "un mauvais coup porté à Marseille" tandis que les élus niçois Eric Ciotti (UMP) et Christian Estrosi (UMP) ne décoléraient pas et ont réclamé "le remboursement intégral des sommes engagées", soit "plusieurs millions d'euros, pour les frais de faisabilité". Plusieurs élus de collectivités territoriales bretonnes ont demandé un rendez-vous à Jean-Marc Ayrault pour défendre les projets de LGV vers Brest et Quimper, ainsi que la liaison Rennes/Nantes que le rapport envisage de reporter à l'après 2030.

L'ARF attachée au deuxième scénario

"Les régions partagent la conclusion de la commission sur l'effort à accomplir au profit des voyageurs du quotidien et du réseau existant, pour lequel elles consacrent des montants considérables, en dehors de leurs compétences institutionnelles, malgré des contextes budgétaires très contraints", affirme pour sa part l'Association des régions de France (ARF) dans un communiqué. Elles appellent "l'Etat à concrétiser cet engagement d'une part en allouant des financements supplémentaires aux trains du quotidien via les Contrats de projet Etat-régions (dont la prochaine génération doit couvrir la période 2014 - 2020) et en assurant un financement pérenne du réseau existant, dont la rénovation n'est aujourd'hui pas budgétée". Mais l'ARF s'inquiète aussi "des conséquences négatives d'un report excessif des opérations d'investissement, notamment sur les lignes à grande vitesse, qui priverait des régions entières de moyens modernes d'accessibilité, dans un espace européen où la mobilité constitue un facteur essentiel de compétitivité". Il en résulte que, pour l'association, composée des présidents de région (tous socialistes sauf en Alsace) et présidée par Alain Rousset (Aquitaine), des deux options envisagées par le rapport, "seul le deuxième scenario renforcé, basé sur l'allocation de ressources financières supplémentaires (...) peut constituer un scénario envisageable".

Anne Lenormand avec AFP

Les deux scénarios envisagés dans le rapport
Le premier scénario retient neuf projets. Deux projets sont en lien avec l'amélioration des dessertes du port de Marseille-Fos (autoroute A56 Fos-Salon) et du port du Havre (électrification de la ligne ferroviaire Serqueux-Gisors). Le rapport souligne également la nécessité de traiter en priorité les noeuds ferroviaires centraux que sont Lyon, Marseille et Paris ainsi que des interventions ponctuelles sur d'autres secteurs à enjeux, tels que Bordeaux, Toulouse, Strasbourg, Rennes, Creil, Nîmes, Metz, Nancy, Mulhouse, Saint-Pierre des Corps ou encore Paris Gare du Nord. "Au regard des financements disponibles", la commission retient aussi dans les premières priorités le projet de LGV Roissy-Picardie et d'aménagement de la route centre Europe-Atlantique en Allier et Saône-et-Loire.
Le second scénario compte lui 20 projets ("le coeur de ces premières priorités reste les projets classés " prioritaires dans le premier scénario, est-il indiqué dans le rapport). Dans ce scénario, "la commission poursuit son objectif de confortement des grands noeuds ferroviaires" en ajoutant ceux de Nice et de la gare de Rouen. Les autres points prioritaires sont pour elle : la branche Bordeaux-Toulouse du GPSO (Grand projet du Sud-Ouest), "la mise à grand gabarit de la Seine-amont entre Bray-sur-Seine et Nogent-sur-Seine", ainsi que différents projets routiers (par exemple : le tronc commun RN154/RN12 entre Dreux et Nonancourt, le contournement d'Arles ou la liaison A45 entre Lyon et Saint-Etienne).