Reconstruction de Mayotte : deux ordonnances publiées
Parmi les mesures prises pour répondre aux conséquences dramatiques du passage du cyclone Chido, le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, et la ministre du Logement, Valérie Létard, ont présenté deux ordonnances prises en application de la loi Urgence pour Mayotte du 24 février 2025. L’une permet de transformer l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam) chargé de coordonner la reconstruction de l'archipel. L’autre vise à faciliter cette reconstruction en adaptant temporairement, jusqu’en 2027, certaines obligations issues du code de la construction et de l’habitation.

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Deux ordonnances issues de la loi Urgence pour Mayotte n°2025-176 du 24 février 2025 (art. 1er et 5) sont parues, ce 24 juin, avec pour objectif d'accélérer la reconstruction de l’archipel, après le passage dévastateur du cyclone Chido. Les dégâts sont considérables en particulier sur les logements et les infrastructures publiques. Selon les investigations menées par la fondation des architectes de l’urgence, un tiers du parc de logements est entièrement détruit et le nombre de bâtiments endommagés s’élève à plus de 50.000 dont près de 43.000 résidences.
Transformation de l’Epfam
La première ordonnance (n°2025-453) précise les missions et la gouvernance de l’établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte (Epfam) chargé de piloter les travaux de reconstruction, y compris les grands projets d’infrastructure, la reconstruction des établissements scolaires et l’opération d’intérêt national (OIN) en cours de création. Il s’agit de transformer l’ancien établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte - créé par la loi de 2015 d’actualisation du droit des outre-mer, et qui était placé par décret de 2017 sous la tutelle du ministre chargé de l’urbanisme -, par son absorption au sein d'un nouvel établissement public dédié à la reconstruction de Mayotte. L’ordonnance permet donc d'assurer la continuité des missions actuelles de l'établissement et de les renforcer. Et ce principalement en lui adjoignant les missions de coordination et de financement d'autres maîtres d'ouvrage, ainsi qu'une capacité de substitution au maître d'ouvrage en cas de défaillance de celui-ci. Un dispositif d’ailleurs inspiré des textes applicables à la société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo).
En sus des aménagements et constructions relevant de sa compétence, l’établissement veillera à la livraison de l'ensemble des ouvrages et à la réalisation des opérations d'aménagement conduites par des acteurs publics et privés nécessaires à la reconstruction du territoire. Concrètement, il exerce les compétences dévolues à un établissement public foncier (EPF), à un établissement public d'aménagement (EPA), et à une société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer). Des compétences lui permettant aujourd’hui "d'assurer la maîtrise d'ouvrage ou la maîtrise d'ouvrage déléguée d'équipements, d'infrastructures et d'opérations d'aménagement, de réaliser des interventions foncières ou immobilières pour son compte ou d'autres acteurs, d'accompagner la formation et l'installation d'agriculteurs, et de créer des filiales dédiées à des activités qui concourent à la réalisation de ses missions d'EPF, EPA et Safer", relève le rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance.
La gouvernance du nouvel établissement répond à la demande des élus du territoire d’être associés pleinement à la reconstruction de Mayotte. En particulier, le texte prévoit la composition du conseil d’administration, qui associe en nombre égal des représentants des collectivités territoriales de Mayotte, dont le président des maires de Mayotte et de représentants des communes et de leurs groupements, et des représentants de l’Etat, et sera présidé par le président du conseil départemental. Un représentant de l'Etat, le premier vice-président du conseil d'administration, disposera d'une voix prépondérante en cas de partage des voix. Sera également établi un comité d’orientation qui contribuera à la stratégie de l’établissement et associera plus largement les parties prenantes à la reconstruction. Sa composition et les modalités de consultation seront précisées par décret. Mais l'ordonnance indique qu'il est d'ores et déjà prévu la participation de représentants du comité de l'eau et de la biodiversité de Mayotte, de la commission d'urgence foncière de Mayotte et du conseil économique, social et environnemental de Mayotte.
Il est par ailleurs précisé qu’un décret viendra ultérieurement fixer les statuts de l’établissement le rendant pleinement opérationnel, et ce "avant l’automne". L’entrée en vigueur de l’ordonnance est ainsi repoussée à cette date.
Allégement de certaines normes de construction
C’est l’objet de la seconde ordonnance (n° 2025-454) portant diverses mesures d'adaptations et de dérogations temporaires aux règles de construction. Cette faculté de dérogation demeure "strictement encadrée" dans le temps (deux ans) et dans sa portée de façon à ne porter atteinte ni à la sécurité des constructions ni aux exigences minimales de confort sanitaire. Il est en outre précisé que ces dérogations s’appliquent à la reconstruction, à la réfection à l’identique ou avec des adaptations ou améliorations, des bâtiments situés sur le territoire de Mayotte dégradés ou détruits par des événements climatiques survenus "entre le 13 décembre 2024 et le 13 mai 2025". Le texte indique également qu’elles s’appliquent aux constructions qui font l’objet d’une déclaration simple (reconstructions et réfections strictement à l’identique prévues à l’article 13 de la loi n°2025-176) ou d’une demande d’autorisation d’urbanisme déposée "d’ici le 24 février 2027".
Ces adaptations applicables à Mayotte concernent en particulier les règles d’accessibilité. Par dérogation, dans les immeubles d'habitation collective, "seuls les logements situés en rez-de-chaussée" devront être accessibles, indique l’ordonnance. Les autres logements seront exemptés de l'obligation d'être "évolutifs", c'est-à-dire susceptibles d'être rendus accessibles par des travaux simples. Les installations ouvertes au public existantes et les établissements recevant du public (ERP) pourront quant à eux ne pas respecter les règles concernant les cheminements extérieurs "lorsque les caractéristiques du terrain rendent difficile le respect des pentes réglementaires".
D’autres exemptions ciblent certaines obligations relatives aux réseaux de communications électroniques d’ancienne génération, à l’équipement en gaines techniques pour la réception des services gratuits de la télévision ou encore à l’installation de compteurs d’eau divisionnaires pour les locaux occupés à titre privatif ou à chaque partie privative d'un lot de copropriété. S’y ajoutent des dérogations encadrées à l'obligation d'installer, dans les bâtiments neufs, des dispositifs de stationnement sécurisé pour les vélos et à certaines normes acoustiques pour les établissements scolaires.