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Réforme de l'apprentissage : la question de l'équité territoriale toujours pas réglée

Le réforme de l'apprentissage reste au milieu du gué : plusieurs points doivent être arbitrés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Il devra apporter des réponses sur le mécanisme de péréquation territoriale attendu par les régions pour soutenir les CFA ruraux mécaniquement pénalisés par le financement au contrat. Les chambres de métiers et de l'artisanat, elles, espèrent toujours être rattachées au "coût contrat" au 1er janvier 2020... 

Le projet de loi de finances pour 2020, qui sera présenté en conseil des ministres vendredi 27 septembre, suscite des attentes chez les "déçus" de la réforme de l'apprentissage. A commencer par les régions qui espèrent des arbitrages sur le mécanisme de "péréquation territoriale" inventé pour soutenir les centres de formation d'apprentis (CFA), notamment ruraux. Ces derniers risquent de faire les frais du nouveau système de financement au "coût contrat". "La volonté du ministère du Travail, ça a été de mettre de la concurrence partout et de payer au 'coût-contrat'. Autrement dit, si vous ouvrez une section de formation à douze places et que vous n'en avez que six, vous ne serez payés que sur six et vous pouvez avoir des cycles économiques rendant très difficiles vos moyens de fonctionnement. Ça risque d'être dramatique, surtout pour les territoires ruraux." L'avertissement est signé Alain Rousset, président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, lors de sa conférence de rentrée organisée le 19 septembre. Le ton des régions n'a guère changé depuis avril 2018 : elles avaient alors indiqué que 700 CFA étaient menacés. Or plus d'un an après la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018, la "tuyauterie" du financement, pour reprendre les termes d'Alain Rousset, n'est toujours pas mise en place. Ces crédits de "péréquation territoriale" figureront dans le projet de loi de finances pour 2020 où ils pourraient se chiffrer à 250 millions d'euros. Ils ont pour but de permettre aux régions de majorer les taux de prise en charge des contrats, notamment pour les CFA en difficulté. Les régions sont aussi censées bénéficier de ressources leur permettant de verser aux CFA des subventions d'investissement. Un montant de 180 millions d'euros avait été avancé.

Les CMA demandent toujours de bénéficier du "coût contrat"

Les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), qui accueillent un tiers des apprentis en France dans leurs CFA, attendent elles aussi le projet de budget 2020 avec une certaine appréhension. Depuis des mois, elles se disent lésées par le nouveau système de financement au coût contrat qui va s'appliquer au 1er janvier 2020 aux nouveaux CFA alors que les leurs restent sur l'ancien système, moins avantageux (la différence est de 50% pour certaines formations). 74.000 apprentis ont intégré leurs 112 CFA à la rentrée de septembre. Pour éviter une "concurrence déloyale", les CMA demandent à être intégrées au coût contrat au 1er janvier, sachant que de nombreux CFA privés attirés par les nouvelles règles de financement sont prêts à voir le jour. Selon les CMA, il faut trouver quelque 200 millions d'euros. Seulement les revendications des artisans sont suspendues à un engagement pris par le Premier ministre auprès des régions visant à permettre à ces dernières de continuer à bénéficier d'une part de taxe d'apprentissage pour subvenir à certaines dépenses de formation professionnelle. "La loi de finances 2020 ne doit pas jouer avec nos CFA. Pour l’avenir de nos apprentis, nos entreprises et nos territoires, nous ne lâcherons pas le combat", prévient le président de CMA France, Bernard Stalter, dans un communiqué du 23 septembre. 

Les régions prêtes à arrêter leurs aides aux apprentis dès 2020

En attendant, ce sont bien les apprentis qui risquent de faire les frais de cet imbroglio. Car au-delà de l'investissement et du fonctionnement des CFA, c'est la question du remplacement des aides régionales qui est en jeu. Les opérateurs de compétences (Opco) doivent ainsi prendre le relais des régions concernant la prise en charge des frais annexes à la formation des apprentis en matière d'hébergement, de restauration, de premier équipement et de mobilité internationale à partir du 1er janvier 2020. Plusieurs régions ont déjà décidé de baisser ou suspendre certains types d'aides aux apprentis dès la rentrée 2019 sans que la transition soit assurée.
Une enquête menée par l'Association nationale des apprentis de France (Anaf), publiée le 18 septembre, constate ces baisses et prévoit l'arrêt d'une grande partie de ces aides au 1er janvier 2020. A l'heure actuelle, seules les régions Hauts-de-France et Occitanie se sont engagées publiquement à maintenir leurs aides aux apprentis au-delà de cette date, la plupart des régions attendant de voir comment les Opco se positionneront sur ces questions.
En réponse aux interrogations d'Aurélien Cadiou, président de l'Anaf, le ministère du Travail a signalé qu'un chantier serait engagé sur ce sujet. Il a toutefois déjà annoncé la couleur pour les frais d'hébergement et de restauration : ils ne seront pris en charge que si le CFA dispose d'un internat ou d'un service de restauration collective.