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Sport - Renaissance du Creps Rhône-Alpes : feu de paille ou premier d'une série ?

Deux textes parus fin 2013 sont venus ranimer l'actualité autour des centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (Creps) promis à un transfert aux régions au 1er janvier 2015. Le premier, un arrêté du 24 décembre 2013, approuve un avenant à la convention constitutive du groupement d'intérêt public Campus de l'excellence sportive de Bretagne (ex-Creps de Bretagne) prorogeant la durée du GIP jusqu'au 31 décembre 2016. Le second, un décret du 27 décembre 2013, porte création du Creps de Rhône-Alpes. Autrement dit, il s'agit de la création d'un nouvel établissement à partir du service de plein-air de Vallon-Pont-d'Arc (Ardèche) précédemment rattaché au Creps Sud-Est. Antérieurement, ce centre faisait partie du Creps de Voiron dissous en 2010.
Ces deux textes affinent la portée du futur dispositif de transfert aux régions. En effet, après l'épisode de la RGPP qui a exclu du réseau huit des vingt-quatre Creps en 2009 et 2010, l'actuel gouvernement souhaite décentraliser les établissements restant sous sa tutelle. Sur le modèle des lycées, les bâtiments et les personnels TOS seraient gérés par les conseils régionaux tandis que l'Etat se chargerait des personnels pédagogiques ainsi que de l'impulsion de la politique de sport de haut niveau – à travers l'Insep (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance), actuelle tête de réseau des Creps – tandis que les régions pourraient avoir la main sur un autre pan essentiel de l'activité des Creps : les formations aux métiers du sport et de l'animation. Mais comme le ministère des Sports l'a déjà laissé entendre : un transfert d'établissement ne pourrait se faire que dans le cas où un Creps préexiste...

Le message ambigu du ministère

D'un côté, en approuvant la prorogation du Campus de l'excellence sportive de Bretagne, le ministère signifie qu'il ne compte pas reprendre tous les anciens établissements. Le centre breton, où l'Etat et la région participent à hauteur de 30% chacun, devrait donc continuer son chemin sans être lié par les obligations qui découleront de la future loi de décentralisation.
D'un autre côté, en recréant un Creps en Rhône-Alpes – où l'écriture administrative consistera essentiellement pour l'heure à créer un poste de directeur, voire un de gestionnaire –, le ministère semble envoyer un message aux régions aujourd'hui dépourvues de Creps : il est encore possible de faire le nécessaire pour que les conditions d'un transfert en bonne et due forme soit réalisées dans un an. "Cela fait partie du dispositif de Valérie Fourneyron avant le transfert aux régions, mais encore faut-il qu'il y ait un travail avec ces établissements dans le cadre de la loi de décentralisation", explique Pascal Bonnetain, président de la commission sport de l'Association des régions de France (ARF) et conseiller régional de Rhône-Alpes. Le cas rhônalpin peut-il pour autant servir d'exemple à la reprise d'autres Creps ? Rien n'est moins sûr.
A deux égards, l'établissement de Vallon-Pont-d'Arc constitue un cas à part. "La ministre a accédé à la demande de la région tout en réglant un différend interne à l'administration car l'établissement de Vallon n'a jamais trouvé sa place dans le Creps Sud-Est", commente Jean-Paul Krumbholz. Pour le secrétaire général du Syndicat national des activités physiques et sportives (Snaps), s'il s'agit d'une "décision sage", elle n'est "pas suffisante pour penser qu'il y aura un élan en faveur de la recréation de Creps dans d'autres régions". Et ce d'autant qu'il y voit également une dimension politique : "Le conseil régional de Rhône-Alpes tient la présidence de la commission sport de l'ARF. C'est donc cette région qui gère un peu les négociations au nom de l'ensemble des régions."

Un an, deux possibilités

Recréer un Creps par région avant transfert, Jean-Paul Krumbholz est toutefois pour. Il voit même deux façons d'y parvenir. "Les régions qui n'ont pas de Creps en recréeront si elles proposent à l'Etat de mettre des bâtiments à disposition, c'est ce que le ministère nous a laissé entendre", plaide le syndicaliste. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé à Bourges dès 2004. Après avoir construit les installations, la région les a mis à disposition… tout en demandant à l'Etat d'y installer un Creps. Le Creps du Centre est donc déjà en partie géré comme le seront tous les établissements du réseau après la décentralisation. Autre solution, selon Jean-Paul Krumbholz : "Recréer avant le 1er décembre 2014 des Creps sans murs, ce qui a déjà existé. En créant un Creps sans murs, les régions qui souhaiteraient avoir un Creps auraient déjà une structure administrative, voire des emplois administratifs de directeur, directeur adjoint et formateur."
Si rien ne semble figé, le temps presse et les questions se multiplient. Si l'on écarte les cas particuliers – l'Ile-de-France traînerait des pieds à l'idée de reprendre le Creps de Chatenay-Malabry… –, le maître-mot des mois à venir devrait être, selon Pascal Bonnetain, "concertation" : "Chaque région est un peu comptable et les établissements ne sont pas au même niveau de qualité, il y a beaucoup d'investissements à faire et des régions ont peur d'avoir des Creps en difficulté qu'il faudrait rénover. Il faut une bonne concertation entre le ministère et l'ARF pour que ce soit un dossier bien accompagné."
L'organisation propre au secteur de l'animation pose encore question. Si le futur texte devrait finalement intégrer la dimension jeunesse et éducation populaire aux côtés du sport, le parallèle entre les deux secteurs ne sera pas total. "Nous souhaitions quelque chose de semblable à ce qui existe pour le sport avec l'Insep, en plaçant l'Injep (Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire) comme tête de réseau, mais le directeur de cabinet de la ministre n'a pas souhaité aller dans ce sens", déplore Patrice Weisheimer, secrétaire général SEP-Unsa.
Côté calendrier, un amendement gouvernemental au prochain projet de loi de décentralisation sera déposé au premier semestre. "Et si la loi sortait trop tardivement, on nous dit qu'on peut basculer dans la régionalisation des Creps avant la parution des décrets par simple convention par laquelle un conseil régional s'engagerait à gérer les biens mobiliers et immobiliers", précise Jean-Paul Krumbholz. De simples conventions ?... de quoi donner des idées aux régions sans Creps : si elles s'engageaient à mettre à disposition des installations, l'Etat pourrait – pourquoi pas ? – recréer partout une structure transférable au 1er janvier 2015…

Jean Damien Lesay

Références : arrêté du ministère des Sports du 24 décembre 2013, paru au JO du 31 décembre 2013, p. 22433 ; décret n° 2013-1319, du 27 décembre 2013, paru au JO de 31 décembre 2013, p. 22432.