Rénovation énergétique des bâtiments : le gouvernement veut renforcer la lutte contre la fraude

Le gouvernement a présenté ce 3 novembre de nouvelles mesures visant à renforcer la lutte contre la fraude à la rénovation thermique des bâtiments. Les contrôles seront plus nombreux et mieux ciblés, a-t-il assuré.

"Cinq milliards d'euros consacrés à la rénovation énergétique, ça aiguise les appétits et à mesure qu'on renforce les aides publiques sur cette politique prioritaire, il faut qu'on renforce l'arsenal de lutte contre la fraude et garantir que les euros investis sont bien utilisés", a déclaré Thomas Cazenave, ministre délégué en charge des comptes publics, ce 3 novembre, à l'issue d'une réunion avec les professionnels du secteur à l'Agence nationale de l'habitat (Anah), laquelle pilote le dispositif MaPrimeRénov'. Il y aura "plus de 30% d'augmentation des contrôles l'année prochaine", qu'il s'agisse des chantiers pour les logements des particuliers, les entreprises ou les collectivités, a annoncé la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.

Davantage de signalements à la DGCCRF 

L'enveloppe annuelle consacrée au dispositif de soutien aux propriétaires de passoires thermiques souhaitant mener des travaux de rénovation a été étoffée de 1,6 milliard d'euros par rapport à 2023, ce qui la portera de fait à 5 milliards en 2024. En parallèle, le gouvernement entend donc renforcer la lutte contre la fraude. Au cours de la période récente, les services de la répression des fraudes (DGCCRF) ont constaté une très forte hausse des signalements liés à la rénovation énergétique des bâtiments, qui se sont élevés à 11.000 sur l'ensemble de l'année 2022 et à 17.000 en 2023, rien que sur les neuf premiers mois.
Ces réclamations, qui ne portent pas que sur des éléments de fraude mais aussi des difficultés rencontrées par les consommateurs, "représentaient 4% de l'ensemble des signalements en 2022" et atteignent désormais "12% des signalements", a déclaré ce 3 novembre Thomas Pillot, chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés à la DGCCRF. Au total, environ 170.000 contrôles ont été opérés en 2022 et ont donné lieu à des sanctions administratives, voire pénales. Si cette progression traduit aussi une montée en puissance de la plateforme "Signal Conso", lancée pour permettre au grand public de saisir la DGCCRF de dysfonctionnements en tout genre, elle a interpellé le gouvernement, qui a décidé de prendre de nouvelles mesures.

Premières évolutions dans l'attribution des aides

Pour limiter le risque de fraude, des évolutions ont déjà été apportées dans l'attribution des aides, rappelle-t-il. Depuis le 1er juin dernier, toute demande de financement MaPrimeRénov’ relative à un audit énergétique doit s’accompagner d’une demande de financement MaPrimeRénov’ relative aux travaux, permettant de "maîtriser" le schéma de fraudes à la réalisation de faux audits, fait-il valoir. Dans le cadre de la refonte des aides à la rénovation énergétique, une obligation d’accompagnement par un "Accompagnateur Rénov’", agréé par l’Anah, est mise en place pour les aides les plus importantes. L’activité de mandataire financier doit aussi être davantage encadrée. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 prévoit ainsi, à son article 50, d’exiger des garanties financières plus fortes et une déclaration préalable auprès de l’Anah. Les dirigeants des entreprises mandataires condamnés pour des schémas frauduleux pourront être directement sanctionnés.

Filtre anti-arnaque pour protéger les consommateurs

Les moyens de l’Etat dans la lutte contre la fraude à la rénovation énergétique seront encore renforcés autour de trois axes d’action, souligne le gouvernement. Le premier vise à accroître la protection des consommateurs. Dans ce cadre, les effectifs de la DGCCRF seront doublés en 2024 (+24 emplois). Par ailleurs, la mise en place du filtre anti-arnaque, une des mesures phare du projet de loi pour sécuriser l’espace numérique, doit permettre de mieux protéger les citoyens en neutralisant les sites cybermalveillants et de phishing (hameçonnage) qui usurpent l’identité et les signes visuels des services publics dédiés à la rénovation énergétique afin de soutirer des données personnelles sensibles ou générer des paiements sans contrepartie.

Contrôles sur les rénovations d'ampleur

Les contrôles seront en outre "plus nombreux, mieux ciblés et plus transparents", assure le gouvernement. 10% des dossiers MaPrimeRénov’ et 12,5% des dossiers au titre des aides CEE (certificats d'économies d'énergie) seront contrôlés sur place en 2024, contre 7 à 8% aujourd’hui. Le taux de contrôle par contact (courriel ou téléphone) augmentera de 20% en 2024 puis 30 % en 2025. Ces contrôles se concentreront notamment sur les rénovations d’ampleur, en cohérence avec la priorité donnée à ces opérations dans le cadre du PLF pour 2024.  "Par ailleurs, les services de l’Etat seront en mesure de cibler davantage leurs contrôles grâce au renforcement des outils informatiques de l’Anah et la systématisation du partage d’information et des signalements dans le cadre de la mission interministérielle de lutte antifraude (Micaf)", assure le gouvernement qui promet une amélioration de la fiabilité des contrôles, avec en particulier "le renforcement de l’indépendance des entreprises chargées du contrôle des travaux financés par les certificats d’économies d’énergie".

En outre, l'arsenal d'outils à la disposition des services de l'Etat doit être renforcé : un amendement au PLF 2024 va permettre à l’Anah d'accéder au fichier des comptes bancaires pour mieux détecter la fraude et d’autres mesures sont prévues l'an prochain pour renforcer le partage d’information ou encore, par exemple, permettre la suspension du versement des aides publiques en cas de suspicion de fraude organisée.