Reprise d’une sépulture en terrain commun : nouvelle obligation d'information des tiers

Par une décision du 31 octobre, le Conseil constitutionnel a encadré davantage le droit pour une commune de faire procéder à la crémation d'un défunt inhumé dans le terrain commun, ce lieu du cimetière où sont accueillis gratuitement les corps. Dans cette éventualité, le maire est désormais tenu d'"informer par tout moyen utile les tiers susceptibles de faire connaître la volonté du défunt" quant à la crémation.

Cinq ans après l'inhumation d'un défunt dans le terrain commun, cet endroit du cimetière que l'on appelle aussi le "carré des indigents", le maire peut prendre la décision d'une exhumation. Selon le code général des collectivités territoriales (CGCT), l'autorité municipale pouvait jusqu'à présent faire procéder à la crémation des restes exhumés "en l'absence d'opposition connue ou attestée du défunt". Aucune disposition législative ne fixe en effet d’obligation pour le maire d’informer "les tiers susceptibles de faire connaître l'opposition" du défunt à la crémation.

Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a jugé, ce 31 octobre, que les dispositions du CGCT ne permettaient pas - dans le cas d'une inhumation dans le terrain commun - de "garantir que la volonté attestée ou connue du défunt est effectivement prise en compte avant qu’il soit procédé à la crémation de ses restes". Il en a conclu qu'elles méconnaissaient le principe, à valeur constitutionnelle, de "sauvegarde de la dignité de la personne humaine". Etant entendu que "le respect dû à la dignité de la personne humaine ne cesse pas avec la mort". Les Sages ont donc déclaré les dispositions contestées contraires à la Constitution.

"Les services de la commune ne sont pas infaillibles"

Le requérant, Monsieur Michel B. avait fait poser "une étoile de David sur le cercueil de sa mère pour marquer l'appartenance religieuse de celle-ci", a plaidé son avocate, Maître Katia Guermonprez-Tanner, lors de son audition par les membres du Conseil constitutionnel. Le message pour lui était "clair" : il signifiait "un interdit strict de crémation du corps". Les services funéraires de la ville de Paris "n'en ont pas tenu compte ou ne l'ont peut-être pas compris. Ils ont procédé à l'incinération et à la dispersion des cendres, sans juger nécessaire d'en référer au fils au moins par précaution", selon l'avocate. Le requérant "a découvert fortuitement l'exhumation alors qu'il venait se recueillir sur la sépulture" de sa mère.

Lorsque le maire décide de faire procéder à l'exhumation d'un défunt au terme du délai de cinq années d'inhumation dans le terrain commun, "les proches, pourtant dépositaires de [ses] dernières volontés, ne sont pas invités à exprimer son opposition [à la crémation]", a déploré l'avocate. "Ce sont finalement les services funéraires de la commune qui décident seuls du caractère connu ou attesté de cette opposition. L'exercice connaît évidemment ses limites. La commune n'a pas une connaissance intime du défunt et de ses croyances et ses services ne sont pas infaillibles", a-t-elle argué.

L'avocat de la Ville de Paris, Maître Régis Froger, a défendu la reprise par les communes des sépultures situées dans le terrain commun, un "droit absolument indispensable" pour "des raisons sanitaires et d'ordre public", car "on ne peut pas étendre indéfiniment les cimetières". 

Décision à effets différés

Il a aussi pointé le "glissement qui s'opère peu à peu, d'un droit à l'information du défunt, vers une obligation d'aller chercher systématiquement quelle était la volonté du défunt à travers [ses] proches". Et a fait remarquer que "par hypothèse, nombre de personnes" inhumées dans les carrés des indigents "n'ont pas de proches". "Une obligation de moyens serait impossible à mettre à la charge des communes", a-t-il conclu.

S'il n'a pas suivi les arguments de l'avocat de la Ville de Paris, le Conseil constitutionnel a accédé à sa demande de "différer dans le temps les effets" de la décision de censurer les dispositions contestées. "L’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles (…) aurait pour effet de permettre la crémation des restes exhumés lors de la reprise d’une sépulture malgré l’opposition connue ou attestée du défunt", a admis l'institution de la rue de Montpensier. Elle a donc décidé de reporter au 31 décembre 2025 la date de leur abrogation. Par ailleurs, "jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles", le maire devra "informer par tout moyen utile les tiers susceptibles de faire connaître la volonté du défunt du fait qu’il envisage de faire procéder à la crémation des restes exhumés à la suite de la reprise d’une sépulture en terrain commun". Le Conseil constitutionnel a également considéré que les mesures prises par les communes avant la publication de la décision "ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité".

Référence : décision n° 2024-1110 QPC du 31 octobre 2024, M. Michel B.
 

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