Révision des valeurs locatives des locaux professionnels : les Sages censurent une disposition sur le "planchonnement"

Le Conseil constitutionnel a censuré le 28 novembre une disposition de la loi de finances pour 2025 portant sur la mise en œuvre du "planchonnement", un dispositif d'atténuation des effets de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels sur les cotisations d'impôts locaux du monde économique. La rétroactivité d'une mesure de la loi de finances pour 2025 s'appliquant à ce mécanisme était contestée.

Entrée en vigueur en 2017, la revalorisation des valeurs locatives des locaux professionnels (commerces, bureaux...) était assortie de mécanismes de lissage, afin de rendre graduelles ses conséquences sur les cotisations dues. Le "planchonnement" - mot formé de la contraction de plancher et de plafonnement -, est l'un de ces amortisseurs. Il réduit de moitié la variation entre l'ancienne valeur locative et la nouvelle – on rappellera que la valeur locative est une des principales données servant au calcul des impôts fonciers - et ce dans le cas d'une hausse ou d'une baisse. Il était prévu que cette mesure temporaire s'applique jusqu'aux impositions dues pour l'année 2025.

L'administration fiscale a considéré que le "planchonnement" devait se calculer une seule fois, à la date du 1er janvier 2017, et demeurer ainsi fixe les années suivantes. Et c'est donc un "planchonnement" figé qu'elle a mis en œuvre. Toutefois, le Conseil d'État a jugé en novembre 2023 que le mécanisme du "planchonnement" ne doit pas être définitivement calculé au 1er janvier 2017, mais que la valeur locative révisée employée pour le déterminer doit être recalculée chaque année. L'enjeu était notamment de tenir compte de certains paramètres mis en place postérieurement à 2017 (des coefficients de localisation). Ces paramètres ne pouvaient pas être pris en compte par l'administration fiscale dans le calcul du "planchonnement". Certains contribuables pouvaient s'en trouver lésés.

Le gouvernement pointait un risque financier

La décision du Conseil d'État a fait craindre au gouvernement une vague de contentieux coûteuse pour le budget de l'État – il faut rappeler que les dégrèvements d'impôts locaux sont à la charge de ce dernier – et les finances des collectivités (du fait de la modification de bases d'imposition). Il a aussi invoqué des difficultés opérationnelles pour les services de la direction générale des finances publiques. 

Par une disposition de la loi de finances pour 2025 promulguée en février dernier, le gouvernement a donc légalisé le caractère fixe du "planchonnement". Et ce non seulement pour les impositions de l'année 2025, mais aussi, rétroactivement pour celles de 2023 et 2024. Sauf pour celles qui ont fait l'objet de contestations avant le 10 octobre 2024, à savoir la date de présentation du projet de loi de finances pour 2025 en conseil des ministres.

Décision à l'application immédiate

Saisis par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité au sujet de cette mesure de rétroactivité, les Sages ont jugé ce 28 novembre qu'elle est contraire à la Constitution. Ils ont estimé en effet que le risque contentieux et ses conséquences pour les finances publiques, mis en avant par le gouvernement pour justifier la disposition de la loi de finances pour 2025, ne devaient pas être exagérés. Ainsi, le gouvernement n'était pas en position de se prévaloir d'"un motif impérieux d’intérêt général".

La décision du Conseil constitutionnel prend effet immédiatement. "Elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date", précise l'institution.

"Au 19 juin 2024", un total de "108 affaires contentieuses" portant sur les modalités de détermination du "planchonnement", avaient été enregistrées à l'échelle nationale, "pour un contentieux portant sur 37 millions d'euros", indiquait le rapporteur général du budget au Sénat dans son rapport sur le PLF 2025.

Référence : décision n° 2025-1174 QPC du 28 novembre 2025, Société United France 2021 Propco SNC.
 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis