Congrès des maires – Risques climatiques : les maires d'outre-mer demandent à l'État de s'investir davantage

Les élus ultramarins ont pu faire part de leurs inquiétudes quant au manque de coopération, de prévention et de moyens financiers de l'Etat pour faire face aux risques climatiques sur leurs territoires, lors de la rencontre des élus d'outre-mer organisée le 17 novembre 2025 à Issy-les-Moulineaux, en amont du 107e Congrès des maires.

"La plage de Sainte-Anne risque de disparaître d'ici soixante-dix ans, elle nécessite 2,6 milliards d'euros d'investissement, c'est 37 millions d'euros à investir chaque année pour éviter cette catastrophe, or, on n'a pas commencé ; la balle est dans le camp de l'Etat qui doit entrer en coopération avec les maires." À l'image de Jocelyn Sapotille, maire de Lamentin, président de l'association des maires de Guadeloupe, les élus ultramarins se sont montrés inquiets de la situation de leurs territoires face à l'augmentation des risques climatiques, tels que cyclones et autre recul du trait de côte. Ils ont pu s'exprimer sur le sujet lors de la rencontre des élus d'outre-mer du 17 novembre 2025, organisée comme chaque année en amont du Congrès des maires. Au cœur de leurs enjeux : cette coopération avec l'État qu'ils ont du mal à voir venir, la prévention, et les moyens financiers indispensables pour entamer les transformations nécessaires pour se prémunir à l'avenir des conséquences de ces événements climatiques.

"Il faut associer les maires quand il y a des décisions majeures"

Sur le premier point, la nouvelle ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, a promis un "changement de méthode, avec plus d'écoute" en ouverture de la journée, sans véritablement convaincre. "Il faut associer les maires quand il y a des décisions majeures, a insisté Ericka Bareigts, maire de Saint-Denis (La Réunion), or quand il y a des débats, nous ne sommes pas présents".  L'île volcanique qu'elle représente possède 750 km de ravines et 3.500 km de cours d'eau qui sont la propriété de l'État et "qui ont été laissés à l'abandon", a détaillé l'ancienne ministre des Outre-mer, le dernier "plan ravines" datant de 2010. "Nous n'avons pas été capables de prévenir quoi que ce soit, il n'y a eu aucun budget pour l'entretien des ravines, et nous les maires, nous n'avons ni les droits ni les budgets pour cela ! Nous cumulons trois types de risques, cyclonique, volcanique et le trait de côte qui recule, il va falloir des fonds, ce sont des investissements majeurs qu'il faut et pas quelques milliers d'euros". Prévention et moyens financiers sont donc indispensables selon les maires ultramarins pour se prémunir des catastrophes naturelles et devenir "résilient", avec des méthodes et des matériaux adaptés, notamment dans les périodes de reconstruction.

Des accompagnements financiers qui n'arrivent pas

"Mayotte va mal, il faut le dire, car les accompagnements que vous nous avez promis ne sont pas là", s'est adressé à la ministre Madi Madi Souf, président de l'Association des maires de Mayotte (AMM) et maire de Pamandzi, précisant que sur les 100 millions d'euros promis pour 2025, 35 millions d'euros de crédits de paiement seulement avaient été inscrits. En décembre 2024, l'archipel de l'océan Indien était frappé par le cyclone Chido, causant 40 morts et 41 disparitions et de multiples dégâts sur les réseaux électriques, d'eau, de télécommunications, les hôpitaux, les écoles, les routes, les logements. Les financements accordés, dont les 100 millions d'euros prévus dans la loi d'urgence, sont versés au compte-gouttes (lire notre entretien du 14 novembre 2025). L'Association des maires de France s'est mobilisée sur le sujet, récoltant des dons de la part des collectivités territoriales, en collaboration avec la Fédération nationale de la protection civile (2,5 millions d'euros). D'autres dons, pour des montants importants, ont aussi pu être récoltés par la Fondation de France (plus de 40 millions d'euros) pour aider le territoire à se relever et à réfléchir à la façon optimale de réparer et de reconstruire. Pour l'élu mahorais, il faut réfléchir à la reconstruction, pour se prémunir à l'avenir de ces événements climatiques devenus plus fréquents, plus violents et plus nombreux. "C'est ce qui a été fait à La Réunion en 1948 après le passage d'un grand cyclone", a-t-il détaillé.

Associer les populations aux réflexions

Des outils, tels que le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), également appelé "fonds Barnier", existent mais sont toutefois limités. "Nous appelons à la création d'un fonds en plus, car le fonds Barnier n'a pas de compétences pour agir au-delà des catastrophes naturelles et il n'est pas suffisamment doté financièrement", a estimé Ericka Bareigts. Un amendement au projet de loi de finances pour 2026 a été déposé en ce sens par la députée Sophie Panonacle, députée de la Gironde, soutenu par l'AMF et voté en commission des finances. "Il s'agit de ne pas faire reposer la lutte contre le recul du trait de côte exclusivement sur les populations victimes, a détaillé Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville (77), vice-président de l'AMF, pour prévenir, anticiper et donner à la biodiversité toute la place afin qu'elle concoure au ralentissement du retrait du trait de côte. Sur cette question, l'AMF ne cédera pas."

Enfin, les élus estiment qu'il faut absolument associer les populations aux réflexions. Tout cela "nous appelle à réfléchir à la façon dont on doit construire la décision publique, co-construire avec des experts, les maires, les citoyens, a insisté Frédéric Mortier, inspecteur général à l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD), ce n'est pas seulement une question de moyens financiers, mais aussi de ressources humaines et de compétences". Et "tous ces changements se font avec les habitants, rien ne peut se faire de manière durable et solide sans les habitants", a abondé Guy Geoffroy, qui estime que les territoires ultramarins ont une très grande capacité à inventer des solutions qui "mettent tout le monde dans la boucle". "Sur toutes les questions liées à l'environnement et au développement durable, ils sont le réceptacle de beaucoup de difficultés, a-t-il affirmé, mais ils sont avant tout des laboratoires pour trouver les bonnes solutions".

 

Sécurité : les élus ultramarins en attente d'un "choc régalien"

La population des territoires ultramarins représente 4% de la population française mais les outre-mer sont le lieu de 15% des atteintes aux biens, 25% des atteintes aux personnes, 30% des homicides et tentatives d'homicides et plus de 50% des vols à mains armées. Ce constat alarmant, dressé par Victorin Lurel, sénateur SER de la Guadeloupe et co-auteur du rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur "L'action de l'État outre-mer : pour un choc régalien" publié en début d'année (lire notre article du 23 janvier), a été partagé lors de la rencontre des élus d'outre-mer, organisée le 17 novembre 2025 en préambule du 107e Congrès des maires.

Même dans des territoires jusqu'à maintenant épargnés, les élus constatent une montée du phénomène de narcotrafic. Pour La Réunion, c'est "plus de 127% de faits constatés", d'après Serge Hoareau, maire de Petite-Île, et "c'est toute la population qui est exposée, parce que nous retrouvons ce phénomène dans l'espace public, dans nos rues, nos parcs et jardins".

Des paramètres auxquels s'ajoutent, pour certains territoires comme Mayotte, l'immigration clandestine et des phénomènes de bandes. "Il y a une telle violence que tout le monde a peur sur le territoire de Mayotte, a insisté Marib Hanaffi, maire d'Acoua, nous sommes en première ligne pour lutter contre l'immigration clandestine, contre la drogue, contre le phénomène de bandes, mais nous n'avons pas de moyens pour le faire".

Les élus s'organisent comme ils peuvent pour agir. Cela se traduit notamment en Martinique par un contrat territorial de sécurité pour renforcer le continuum de sécurité, ou la collaboration entre gendarmerie, justice, associations et commune comme à Acoua. D'autres, comme la maire de Cayenne, Sandra Trochimara, font le choix d'un renforcement de la police municipale, la création d'une direction générale de la sécurité et de la tranquillité et des systèmes de vidéoprotection (150 caméras), "un élément indéniable de la lutte contre le narcotrafic", a indiqué Catherine Conconne, sénatrice PS de la Martinique.

En introduction des débats, la ministre des Outre-mer s'est voulu rassurante, exposant les moyens supplémentaires annoncés par Bruno Retailleau, alors ministre de l'Intérieur (drones, radars côtiers, renfort de 26 enquêteurs de l'Office anti-stupéfiants-Ofast dans les Antilles). "Nous suivons de près le déploiement de ces annonces et je m'inscris dans la continuité", a ainsi assuré Naïma Moutchou. Neuf personnes doivent arriver en Martinique d'ici la fin du mois de novembre, d'après Christian de Rocquigny, adjoint à l'Ofast, treize en Guadeloupe, quatre à Saint-Martin, et probablement d'autres créations de poste sont à venir à La Réunion. Aline Clérot, procureure de la République, a quant à elle mis en avant les outils dont disposent déjà les maires comme les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et les mesures introduites par la loi visant à sortir la France du narcotrafic de juin 2025.

 

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