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Social / Finances - RSA : au-delà du fonds d'urgence, l'ADF pose ses conditions en vue d'une recentralisation

L'Assemblée des départements de France compte se montrer ferme dans les négociations sur la recentralisation du financement du RSA. Et veut que cela avance vite. En attendant, le fonds d'urgence destiné à dix départements est bien inscrit dans la loi, finalement sans changement par rapport à la proposition initiale du gouvernement, basée sur un rapport de l'IGA qui vient d'être publié. D'aucuns, côté associatif, regrettent que ce fonds soit financé par une ponction sur la CNSA.

L'Assemblée des départements de France (ADF) s'est réunie le 16 décembre en assemblée générale extraordinaire pour "faire le point sur les négociations menées à Matignon sur la question du financement des allocations individuelles de solidarité", comme cela avait été décidé le 25 novembre dernier à l'issue, précisément, d'une réunion avec les services du Premier ministre. Réunion au cours de laquelle avait été annoncée l'inscription au projet de loi de finances rectificative d'une aide d'urgence de 50 millions d'euros en faveur des dix départements jugés les plus en difficulté (voir notre article du 1er décembre).
Lors de cette assemblée générale, il s'est surtout agi de se positionner par rapport à l'étape suivante, à savoir la demande - désormais unanime - de l'ADF d'une recentralisation du RSA. L'ADF, fait-elle savoir dans un communiqué, "a décidé de poursuivre ces négociations avec un mandat ferme et clair" : "La recentralisation du financement du RSA devra se faire avec impérativement 2014 pour année de référence et sans que le gouvernement remette en cause les recettes fiscales des départements".

Que "les négociations reprennent au plus vite"

Pourquoi 2014 ? "Parce que l'année de référence relative au transfert des ressources allouées au financement de cette allocation individuelle de solidarité doit correspondre à la dernière année où tous les départements ont pu assumer son financement", explique le Groupe de gauche de l'ADF dans son propre communiqué.
Et pourquoi évoquer une remise en cause de recettes fiscales ? Parce que lors de la réunion du 25 novembre à Matignon, les représentants de l'Etat auraient laissé entendre que la recentralisation des ressources qui avaient été octroyées aux départements suite au transfert du RMI (à savoir l'ex-TIPP et le FMDI) ne suffirait pas. Autrement dit, que l'Etat songerit à récupérer au passage plus que ce qu'il avait transféré à l'époque de la décentralisation du RMI. Le Groupe de gauche souligne en outre que la recentralisation devra "s'inscrire dans une logique d'équité afin de ne pas figer les situations financières difficiles des départements davantage concernés par le chômage".
Enfin, l'ADF insiste pour que "les négociations reprennent au plus vite pour aboutir avant mars prochain", sachant que tous les départements devront avoir adopté leur budget avant fin mars et jugeant que l'on dispose aujourd'hui de tous les éléments nécessaires pour mener à bien la réforme. Mais jusqu'ici, le gouvernement a plutôt laissé entendre qu'un tel calendrier serait trop serré, souhaitant au contraire prendre le temps d'aller "au bout de la réflexion"… et s'étant entre autres référé à la mission confiée à Christophe Sirugue sur une réforme plus large des minima sociaux. La mission Sirgue est invitée à remettre son rapport en mai 2013…

Fonds d'urgence : ne pas élargir pour ne pas diluer

S'agissant du fonds de soutien de 50 millions d'euros, le secrétaire d'Etat Christian Eckert avait déclaré, en présentant l'amendement gouvernemental lors de la première lecture du PLFR à l'Assemblée, que les critères choisis pour établir la liste des dix départements bénéficiaires (l'Aisne, le Cher, le Gard, le Nord, le Pas-de-Calais, la Seine-Saint-Denis, le Val-d'Oise, la Guyane, la Martinique et la Réunion) et pour répartir cette enveloppe pourraient évoluer à la marge au fil de la navette parlementaire (voir notre article du 4 décembre).
Finalement, l'article "25 quaterdecies", devenu l'article 70, a été adopté sans modification. Un amendement parlementaire a été défendu au Sénat afin que "quelques départements connaissant une évolution de l'APA et du RSA plus dynamique qu'au niveau national" mais dont" la situation n'est pourtant pas prise en compte par le dispositif proposé par le gouvernement" en soient bénéficiaires. Mais Christian Eckert s'y est opposé, se disant "hostile à l'élargissement de ce fonds de soutien, de crainte de le voir subir un effet de dilution".

"Des critères particulièrement discriminants"

On saura d'ailleurs que le rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) sur lequel le gouvernement s'est basé pour établir ses critères vient d'être publié. Le document rappelle que l'objectif était bien de "déterminer des critères objectifs permettant d'identifier les départements en difficulté financière, du fait notamment de l'importance et du dynamisme des allocations individuelles de solidarité". Mais aussi de "rechercher des critères particulièrement discriminants" pour que seule une dizaine de départements puissent effectivement bénéficier de ce fonds exceptionnel.
C'est aussi l'IGA qui a proposé que le fonds "soit composé de deux parts identiques de 25 millions d'euros".
On saura en outre pourquoi le gouvernement a finalement renoncé à prendre en compte les "efforts de gestion" déjà accomplis par les départements, contrairement à ce qu'avait annoncé Marylise Lebranchu en octobre lors du congrès de l'ADF (voir notre article du 16 octobre). "La détermination de ces efforts est certes mesurable, mais elle nécessite de recourir à l'étude de nombreux indicateurs qui jouent aussi bien en matière de maîtrise des dépenses les plus prégnantes (…) que de valorisation des recettes fiscales et de maîtrise du recours à l'endettement", peut-on lire dans le document de l'IGA.

Une "nouvelle ponction de la CNSA" qui inquiète

Une question en revanche n'est pas soulevée dans le rapport, mais l'a été brièvement au Parlement et a, depuis, fait réagir le GR31, qui représente les associations au sein du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) : le fait que ce fonds de soutien soit financé par le biais d'un prélèvement sur les réserves de la CNSA.
Le GR31 critique cette "nouvelle ponction de la CNSA" et rapporte les propos de Christian Eckert déclarant à l'Assemblée que "ce choix n'est pas totalement satisfaisant mais a toujours été fait par le passé". "La tentation est de plus en plus forte, les années passant, de puiser dans les réserves d'une Caisse créée à l'origine pour le développement d'une politique publique en faveur de l'aide à l'autonomie", constatent les associations. Celles-ci le regrettent d'autant plus que le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement qui vient d'être voté (voir notre article du 16 décembre) est censé permettre de répondre à davantage de besoins et davantage de missions pour la CNSA, "en particulier en matière d'investissements dans les établissements médico-sociaux".