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Sécheresse : le gouvernement veut autoriser une soixantaine de retenues d'eau d'ici à 2022

Le gouvernement compte autoriser la mise en place d'une "soixantaine" de retenues d'eau sur le territoire entre 2019 et 2022 pour mieux gérer l'irrigation des terres agricoles, toujours plus affectées par les sécheresses, a indiqué ce 29 août le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume.

"On ne va pas regarder la pluie tomber du ciel pendant six mois et la chercher les six autres mois de l'année", a déclaré Didier Guillaume sur le plateau de CNews jeudi 29 août. Alors que 87 départements sont actuellement soumis à des mesures de limitation ou de suspension des usages de l'eau et que 20% du territoire est concerné par des mesures de crise, imposant l'arrêt des prélèvements non prioritaires (irrigation, arrosage des jardins, remplissage des piscines…),  le ministre de l'Agriculture s'est une nouvelle fois prononcé en faveur des retenues d'eau. "Il s'agit de capter l'eau de pluie, de la retenir dans des retenues 'collinaires', (...) pour pouvoir la restituer après dans les sols 'collinaires' lorsqu'il y a sécheresse", a-t-il expliqué.
Ces projets sont pourtant loin de faire l'unanimité et sont régulièrement attaqués devant les tribunaux administratifs par les associations de défense de l'environnement. Treize projets de "bassines" dans le département des Deux-Sèvres, deux en Charente-Maritime et un dans la Vienne sont notamment contestés aujourd'hui par des militants écologistes qui dénoncent un système pompant principalement les ressources des nappes souterraines et soutenant l'agriculture intensive. Mais Didier Guillaume a rappelé avoir, avec le ministère de la Transition écologique et solidaire, "obtenu une instruction arbitrée par le Premier ministre" pour "à nouveau faire des retenues d'eau". Le document signé en juin lors des Assises de l'Eau, mais jamais réellement médiatisé jusqu'à présent, définit l'objectif de parvenir à 60 retenues d'eau "d'ici à 2022", et "les instructions des projets vont démarrer en 2019", a précisé le cabinet du ministre dans la matinée de jeudi.

"Fausse bonne solution"

"C'est totalement irresponsable", a réagi Michel Dubromel, président de France Nature Environnement (FNE) qui avait participé aux Assises de l'eau. Ces dernières, organisées sous l'égide du ministère de la Transition écologique, "n'ont jamais validé cette orientation", a-t-il dit à l'AFP, y voyant une "fausse bonne solution". "Le message était un message de sobriété", a insisté Michel Dubromel, soulignant que des agriculteurs adaptent déjà leurs pratiques au réchauffement climatique.
"La retenue, ce n'est pas la panacée, ça ne permet pas d'éviter de se poser la question de la quantité et des usages. En revanche, c'est une réponse possible à un plan collectif entre agriculteurs, associations de défense de l'environnement, consommateurs, industriels, aux enjeux du besoin de mieux organiser la gestion de l'eau pendant l'année", a commenté pour sa part Emmanuelle Wargon à l'issue du troisième comité de suivi hydrologique de l'année qui s'est tenu ce 29 août. "Le ministère accepte le principe de retenues, mais dans ce cadre", a  ajouté la secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique qui a elle aussi insisté sur la nécessité de la sobriété des usages de l'eau pour tous (secteurs agricole et industriel, collectivités, grand public).

"Projets de territoire"

Les retenues vont "se faire sur des projets de territoire discutés" avec les écologistes, a affirmé Didier Guillaume, appelant au "pragmatisme" pour que l'agriculture "soit résiliente et puisse avancer". Selon le ministre, les agriculteurs utilisent "30% de moins d'eau aujourd'hui qu'il y a 10 ou 15 ans" et sont toujours plus nombreux à s'engager dans la "transition agro-écologique". "Si on veut continuer à avoir une agriculture française, et ne pas importer (des produits agricoles, NDLR) dont nous ne voulons pas, alors il faut que l'agriculture française soit résiliente" a-t-il insisté.
En 2018, "plus de 200 millions d'euros" ont été versés aux agriculteurs au titre des calamités agricoles. "Ce sera sûrement pareil cette année, voire un peu plus" a dit le ministre. "La sécheresse de cette année est plus forte que celle de l'an dernier." Mais selon lui, "ça ne peut pas suffire". Un groupe de travail, dont les conclusions doivent être rendues "à la fin de l'année ou au début de l'année 2020", a été lancé "afin de mettre en place une assurance généralisée pour les agriculteurs", a-t-il rappelé.
Pour faire face aux conséquences des dernières sécheresses, la Commission européenne a de son côté validé le mois dernier le déblocage d'un milliard d'euros d'aides qui seront versées "de manière anticipée" aux agriculteurs en octobre au titre de la politique agricole commune (PAC). Les agriculteurs ont également obtenu des dérogations auprès de Bruxelles pour permettre, dans 69 départements, de faucher des jachères pour nourrir leurs animaux.
 

 

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