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Logement social - Service civique : les offices publics de l'habitat ouvrent la voie

Les offices publics de l'habitat ont commencé à accueillir des volontaires en service civique. Sur des missions liées à l'environnement, à l'isolement des personnes âgées ou encore au déroulement de travaux, la présence des jeunes permet aux bailleurs de renforcer l'accompagnement de leurs locataires et l'animation de la vie commune. Le 20 mars, la Fédération des OPH a recueilli les témoignages de ces jeunes volontaires et de leurs référents. L'occasion aussi pour Localtis de faire le point avec Yannick Blanc, Haut-Commissaire à l'engagement civique, sur le développement du service civique dans les territoires et sur les premiers pas de la réserve civique.

Pour Limoges Habitat, Léa rend visite à des locataires afin de leur distribuer un kit d'économie d'énergie et leur donner des conseils. Elle retournera les voir quelque temps après pour observer l'impact des installations sur le montant des factures. "J'avais un peu peur de l'accueil que j'allais recevoir et finalement les gens sont très intéressés", raconte-t-elle.
Comme Léa, plusieurs volontaires effectuent une mission portant sur des enjeux environnementaux. A Amiens, Tours, Auxerre, Saint-Etienne ou encore Lorient, ces jeunes accompagnent des locataires lors de la réalisation de travaux de réhabilitation énergétique ou bien sensibilisent les habitants au tri sélectif.
"Je compte beaucoup sur les bailleurs sociaux pour développer les missions d'éco-citoyenneté", a encouragé Yannick Blanc, président de l'Agence du service civique, "puisque maintenant toutes les catégories de bailleurs sociaux, depuis la promulgation de la loi Egalité et Citoyenneté, peuvent accueillir des jeunes en service civique" (voir ci-dessous notre interview de Yannick Blanc).
La Fédération des offices publics de l'habitat (FOPH) accueillait le 20 mars à Paris les quelque 40 jeunes volontaires qui réalisent en ce moment une mission de service civique dans un office. L'occasion de recueillir leurs témoignages et de les remercier pour leur engagement, le temps d'une croisière sur la Seine et d'une visite du Sénat.

43 volontaires accueillis dans 21 offices

En obtenant en juillet 2016 un agrément national permettant aux OPH d'accueillir facilement des volontaires, la FOPH a pris les devants, en s'appuyant notamment sur l'expérience positive de Côte d'Azur Habitat dans les Alpes-Maritimes. Lors d'une importante opération de réhabilitation et de résidentialisation, des jeunes en service civique avaient eu pour mission d'accompagner les locataires dans l'appropriation des nouvelles parties communes et du règlement intérieur, mais aussi d'organiser des moments de convivialité. "Des liens très forts se sont tissés avec les services techniques, avec les services de la gestion locative", a assuré Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice LR et présidente de Côte d'Azur Habitat (en bleu au 1er plan de notre photo, au côté d'Alain Cacheux, président de la FOPH). La présence de jeunes permettant aussi aux services "de se remettre en question".
Actuellement, 21 offices accueillent 43 volontaires ; soit près du double d'offices et de jeunes par rapport au dernier trimestre 2016. "L'objectif est de multiplier le nombre d'organismes qui s'engagent dans cette démarche", a expliqué Alain Cacheux, président de la Fédération des OPH. "Il faut que la présence de jeunes volontaires en service civique devienne une habitude", a poursuivi Yannick Blanc. "En 2016, environ 100.000 jeunes ont fait un service civique, notre objectif est d'aller vers 350.000 ou 400.000", a rappelé le Haut-Commissaire à l'engagement civique.  

Soutenir les locataires pendant des travaux, repérer et entourer les personnes âgées isolées, aider aux démarches administratives...

Dans le cadre de l'agrément national, les offices proposent aux jeunes des missions ciblées "environnement", "solidarité" ou "mémoire et citoyenneté". L'enjeu d'accompagnement des locataires est toutefois toujours présent.
Pendant la réalisation de travaux, "on explique comment ça va se dérouler, on apporte un soutien moral et on passe du temps avec eux - surtout avec les personnes âgées - pour que ça se passe plus simplement", explique un jeune volontaire de l'Opac d'Amiens. Dans le Val-de-Marne, Prudence recueille les avis d'habitants d'un quartier où une opération de démolition-reconstruction est prévue. "C'est un peu difficile pour les locataires de voir leur quartier démoli", témoigne-t-elle.
Pour Habitat 76, une jeune femme est "en mission de détection de l'isolement chez les personnes de 75 ans et plus". A Cholet (Maine-et-Loire), un jeune homme "aide les locataires dans leurs démarches administratives". A Chaumont (Haute-Marne), Morgane prend le temps d'accueillir les locataires dans les locaux de l'office, de les écouter et des les orienter. Comme d'autres volontaires des OPH, elle va aussi travailler sur les réclamations.

"Le service civique va m'aider à rebondir"

"On va lancer prochainement une plateforme d'échange de services et de savoir-faire entre les locataires", annonce Alexandre, en mission à Plaine Commune Habitat. "Partout où l'on voit les liens se resserrer entre les locataires, le climat d'une résidence ou d'une cage d'escalier est fondamentalement différent", appuie le président de la Fédération des OPH. Certains volontaires connaissent déjà bien le quartier de leur mission. D'autres peuvent être surpris par certains aspects d'un univers qu'ils découvrent – la barrière de la langue parfois, les déchets dans les parties communes… - et se disent curieux de découvrir "la diversité des modes de vie dans une même résidence".
Ces jeunes ont des profils différents, certains n'ont pas le bac, d'autres ont un BTS, quelques-uns sont en niveau licence ou master. Souvent, ils ont arrêté leur formation en cours de route et se posent des questions sur leur orientation. "Le service civique va m'aider à rebondir", témoigne l'un d'entre eux. Parfois, la mission de volontariat s'inscrit si parfaitement dans le cursus universitaire qu'elle ressemble à s'y méprendre à un stage. Les jeunes peuvent aussi utiliser l'expérience du service civique pour valider un projet professionnel ; comme Léa qui, après des études de droit, était tentée par le métier de mandataire judiciaire, et voulait "voir si le social [lui] plaisait vraiment".

Un engagement du bailleur dans le contrat de ville

Du côté des professionnels des OPH, le sentiment général est que le jeu en vaut la chandelle. La présence de jeunes volontaires permet ainsi à Habitat 76 de développer l'accompagnement, notamment autour de la fracture numérique, "en complément de l'intervention de nos équipes de proximité qui sont déjà très renforcées", précise le tuteur d'un des volontaires. Pour Lorient Habitat, l'accueil de volontaires dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville correspond à un engagement pris par le bailleur dans le contrat de ville. "L'avantage de ces jeunes en service civique, c'est que ce sont des personnes neutres vis-à-vis des locataires, c'est un maillon de confiance", résume Séverine, tutrice de deux volontaires à l'Opac d'Amiens.
 

Trois questions à Yannick Blanc, président de l’Agence du Service Civique et Haut-Commissaire à l'engagement civique.

Localtis - Qu'est-ce que la loi Egalité et Citoyenneté a changé en matière d'accueil de jeunes en service civique par des organismes de logement social ?

Yannick Blanc - Les offices publics de l'habitat sont des établissements publics donc ils avaient la capacité d'avoir un agrément auparavant. Ce que la loi a changé, c'est qu'elle a élargi cette possibilité à l'ensemble des catégories de bailleurs : SA HLM, sociétés coopératives, etc. L'ensemble des bailleurs sociaux, quel que soit leur statut juridique, peuvent accueillir des volontaires en service civique. Sachant qu'une société anonyme ne peut pas accueillir de volontaires dans d'autres domaines.
Ça commence tout juste, on a pris un premier contact avec l'Union sociale pour l'habitat. On va faire une réunion de bailleurs et s'appuyer sur le retour d'expérience des OPH pour faire un ouvrage de vulgarisation auprès des autres, mais il faut un peu de temps pour que ça démarre.

Où en est-on du service civique dans les collectivités locales ?

En 2016, on a eu un vrai décollage. Les collectivités étaient très en retrait jusqu'à maintenant, à part quelques pionnières comme les villes de Nice et de Bordeaux. En 2015, les collectivités accueillaient 8% de 53.000 jeunes en service civique, en 2016 c'est 12% de 100.000 jeunes. Les maires ont compris que le service civique n'était pas une nouvelle charge imposée par l'Etat, c'est vraiment une ressource à leur disposition pour avoir à la fois une politique de la jeunesse et pour développer des missions nouvelles en termes d'accompagnement de la population. Ça démarre bien et c'est indispensable parce que ce sont les collectivités locales qui seront les vecteurs du service civique universel.
On va travailler particulièrement cette année sur le service civique en milieu rural, où on a à la fois bien besoin de volontaires et plus de difficultés qu'ailleurs pour organiser leur logement, leur mobilité, etc. Les petites communes peuvent s'appuyer sur des organismes d'intermédiation qui existent déjà tels que Unis-Cité. On va donner l'agrément à des associations d'élus, celui de l'Association des maires ruraux de France est en cours d'instruction. Pour des communes de moins de 3.500 habitants, c'est vraiment utile de passer par l'AMRF, une autre solution étant évidemment de passer par les intercommunalités. Un de nos chantiers est de développer des missions de service civique à l'échelle de l'intercommunalité, le jeune pouvant tourner sur plusieurs communes, pour qu'il ne soit pas isolé.

Aurez-vous le temps avant la fin du quinquennat de lancer la réserve civique au niveau territorial ? Il semble que les associations ne soient pas très demandeuses…

On va la démarrer début avril, les vingt premiers départements sont prêts. J'ai confié son organisation aux préfets de départements. C'est ouvert à tous les partenaires qui souhaitent se joindre à la démarche, des collectivités ou des associations.
Les associations ont toujours été très réservées, elles craignent que ça crée une concurrence sur la mobilisation de bénévoles. Or, le dispositif est conçu pour élargir le vivier de bénévoles plutôt que pour créer de la concurrence. J'ai demandé aux préfets de départements d'associer systématiquement les associations au montage de la réserve civique. Il faut qu'on prenne notre temps sur ce dossier, même si c'est un peu contradictoire avec les délais liés à la fin du quinquennat. Mais comme c'est quelque chose de vraiment nouveau, il faut passer par de la coopération, ne pas avoir d'objectif chiffré, il faut que l'on s'approprie le dispositif sur le terrain et que l'on comprenne l'utilité qu'il peut avoir.

 

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