Service national universel : une généralisation conduirait à une "charge financière déraisonnable"

Après des "débuts chaotiques", les résultats de l'expérimentation du service national universel (SNU) sont "mitigés", estime le député écologiste Jean-Claude Raux dans un avis adossé au projet de loi de finances pour 2024. Il s'oppose à une généralisation du SNU qui constituerait une "charge financière déraisonnable", qui ne "saurait être inférieure à 2 milliards d'euros en année pleine".

  

Le service national universel (SNU) voulu par Emmanuel Macron pour la jeunesse a connu "des débuts chaotiques" et plusieurs "évolutions de format", résume le député de l'opposition Jean-Claude Raux dans la deuxième partie d'un avis présenté au nom de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation sur le projet de loi de finances pour 2024. "Certes, il est normal qu'un projet de grande ampleur évolue, mais les profondes transformations que le SNU a subies soulignent davantage un manque de cap qu'un ajustement progressif, ce dont témoignent, par ailleurs, les atermoiements en ce qui concerne la généralisation du dispositif", critique cet élu de Loire-Atlantique. Il dénonce surtout le "paradoxe d'un engagement obligatoire", qui "risque de mettre à mal le dispositif".

Une charge financière déraisonnable

Le député s'oppose à la "généralisation" du SNU, évoquant une "charge financière déraisonnable". L'avis rappelle que le coût d’un séjour de cohésion est d’environ 1.400 euros par jeune. Ce montant couvre les dépenses d’hébergement, de fonctionnement courant des centres, d’organisation et de mise en œuvre des activités ainsi que les coûts de formation. "En se fondant sur le même montant unitaire, l’extension à l’ensemble d’une classe d’âge coûterait 1,12 milliard d’euros", poursuit le député avant de conclure que même "s'il convient de tenir compte des économies d’échelle que pourrait produire le dispositif, le montant ne saurait, en état de cause, être inférieur à 2 milliards d’euros en année pleine" ; des estimations que les services de la secrétaire d’État Prisca Thevenot ainsi que la déléguée générale ont confirmées au rapporteur pour avis.

Un défi sur le plan logistique

La généralisation du SNU représenterait également un défi majeur sur les plans humain et logistique. Sur le plan des transports, d'abord, les difficultés rencontrées "concernant l’acheminement des encadrants vers les lieux de regroupement des jeunes volontaires dans les départements d’origine, et les circuits de ramassage, avec des temps d’attente sous-estimés au fil des tournées", posent nécessairement la question de la capacité de l’entreprise détentrice du marché public - Travel Planet - à satisfaire à ses obligations dans le cadre d'une généralisation. "L'enjeu n'est pas mince", souligne l'élu qui rappelle qu'il s'agit de passer de 40.000 jeunes transportés en 2023 à 800.000 en 2027.

Bâti et encadrants insuffisants

De plus, le député considère que le "bâti disponible risque d'être insuffisant" tout comme le nombre d'encadrants. "Le développement du SNU sur le temps scolaire vise probablement à accélérer la montée en puissance, mais il aura des conséquences néfastes s’agissant du bâti, car les établissements scolaires ne seront plus disponibles". Or ils représentaient, toutes catégories confondues, près de 40% des lieux d’accueil en 2022.

Concernant l'encadrement, alors que les acteurs du secteur estiment qu’il manque 50.000 animateurs chaque année en France (voir notre article du 6 décembre 2022), "la possibilité de recruter suffisamment d’encadrants pour les séjours SNU n'a rien d’une évidence", grince le rapporteur. Qui plus est, le personnel du ministère des Armées, soumis aux contraintes opérationnelles et déjà fortement sollicité pour l’organisation de la journée défense et citoyenneté (JDC), s’interroge sur la contribution supplémentaire qu’il serait en mesure d’apporter en cas de généralisation du SNU.

Collectivités et associations pas assez associées

Le rapporteur recommande la création d’une véritable administration du SNU, "tout en développant les partenariats locaux". Il estime que la réussite d’un déploiement à grande échelle du SNU passerait nécessairement par la conclusion de partenariats renouvelés avec les associations, "à commencer par le mouvement de l’éducation populaire". "Pour l’instant, cette dimension de l’expérimentation laisse à désirer". L'avis en cite un autre  : celui du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ) du 5 décembre 2022 qui indiquait que les partenaires que sont les collectivités territoriales et les associations "ne sont pas assez associés et trop perçus comme des prestataires de services". "Cette attitude est assez significative de la condescendance dont l’État fait trop souvent preuve envers les associations", regrette l'élu.

Enfin, "que le gouvernement y soit contraint ou non", le rapporteur considère qu’il se doit de présenter un projet de loi. Le SNU généralisé concernerait chaque année 800.000 jeunes dans notre pays : "il serait inconcevable que le Parlement ne soit pas amené à se prononcer", tranche-t-il.

Promesse de la campagne présidentielle 2017 d'Emmanuel Macron, le SNU a été lancé en 2019. Il comporte un "séjour de cohésion" et une "mission d'intérêt général". Il ne concerne pour l'instant que des jeunes volontaires, et sa généralisation se heurte à de vives résistances. En juin 2023, le gouvernement a annoncé que le SNU serait intégré à partir de mars 2024 au temps scolaire, avec un stage de 12 jours pour les élèves en classe de seconde qui seraient volontaires.

 

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