Service public de la petite enfance : les élus locaux opposés en bloc aux modalités de compensation
Le Comité des finances locales a émis ce 13 mai un avis unanimement défavorable sur les modalités de la compensation financière de 86 millions d'euros dont bénéficieront cette année les communes de plus de 3.500 habitants en raison de l'exercice, obligatoire depuis le 1er janvier 2025, de leurs missions d'autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant. Cette compensation est "faible, inéquitable et partielle", critique Antoine Homé, membre de l'instance.

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Quatre mois après l'entrée en vigueur du service public de la petite enfance, le Comité des finances locales (CFL) s'est prononcé à l'unanimité contre un projet de décret précisant les modalités de calcul et de répartition de "l'accompagnement financier" qui sera octroyé par l'État aux communes qui se voient attribuer un rôle d'autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant.
Le projet de texte a essuyé "un tir de barrage des urbains comme des ruraux, des intercommunalités comme des petites communes", relate Antoine Homé, maire de Wittenheim, qui était présent à la réunion.
"Nous sommes tous favorables au fait de développer les politiques en matière de petite enfance", souligne le premier vice-président de l'Association des petites villes de France (APVF). Mais pas de la manière prévue par la réforme issue de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, ajoute-t-il.
"Obligations bureaucratiques"
Pour rappel, l'article 17 de cette loi impose aux communes de plus de 3.500 habitants l'exercice de quatre compétences : le recensement des besoins et des modes d'accueil disponibles en matière de petite enfance, l'information et l'accompagnement des familles et des futurs parents, la planification du développement des modes d'accueil de la petite enfance, ainsi que le soutien de la qualité de ces modes d'accueil. Ce sont des obligations "totalement bureaucratiques", dénonce Antoine Homé, qui fustige également ce "énième schéma" que les communes de plus de 10.000 habitants doivent établir en matière de "maintien et de développement de l'offre d'accueil du jeune enfant". "Bien entendu, tout cela va générer la création de postes qu'on nous reprochera après", s'agace l'élu pourfendeur des normes coûteuses et superflues s'appliquant aux collectivités.
Au cœur du projet de décret qui était soumis au CFL, la compensation financière prévue pour 2025 au bénéfice des communes de plus de 3.500 habitants, suscite un tollé chez les élus locaux. L'enveloppe de 86 millions d'euros au total pour cette année est jugée largement insuffisante. Ensuite, le choix du gouvernement de la flécher vers les seules communes de plus de 3.500 habitants est très contesté. Sont ainsi exclues de son bénéfice les communes dont la population est inférieure à ce seuil et qui sont pourtant nombreuses à être dotées de structures d'accueil des jeunes enfants. Les groupements de communes à fiscalité propre sont tout autant oubliés, au grand dam d'Intercommunalités de France. Dans un communiqué, l'association indique que ces derniers sont "plus de 900 sur les 1.255 que compte le pays à porter cette compétence [en matière de petite enfance] et proposer des modes d’accueil pour les enfants de leur territoire".
Nombre de naissances et potentiel financier
L'article 188 de la loi de finances pour 2025 disposait que la compensation financière est répartie entre les communes concernées "en tenant notamment compte du nombre de naissances et du potentiel financier par habitant de chaque commune". Le projet de décret précise les choses. Les communes de plus de 3.500 habitants se voient attribuer un coefficient qui croît avec le nombre de naissances qui sont "domiciliées" sur leur sol au cours des trois années écoulées (1 pour 1.000 naissances, 2 pour un nombre de naissances compris entre 1.000 et 3.999 et 3 à partir de 4.000 naissances). Le coefficient appliqué au potentiel financier par habitant de la commune (un indicateur mesurant la capacité d’une collectivité à mobiliser des ressources) est quant à lui décroissant lorsque l'indicateur progresse (80% quand le potentiel financier est inférieur à 700 euros, 70% quand il est égal ou supérieur à ce seuil et inférieur à 900 euros, 60% quand il est compris entre 900 et 1.199 euros et 50% à partir de 1.200 euros).
Un arrêté interministériel déterminera les montants des attributions à chacune des communes de plus de 3.500 habitants. Selon les simulations du gouvernement, ces dernières percevraient cette année une compensation moyenne de 25.951 euros.
"Pas dans l'esprit du temps"
Mais le potentiel financier des communes "ne correspond plus à rien" et "la comptabilité des berceaux est fausse", critique Antoine Homé, faisant remarquer d'une part qu'"il y a des flux de population" et, d'autre part, que les naissances sont parfois enregistrées ailleurs que dans les communes de résidence.
Le texte, qui "risque d'être très coûteux", "ne correspond pas à l'esprit du temps", s'insurge en outre le maire de Wittenheim. Lors de la conférence financière des territoires qui s'est tenue le 6 mai en présence du Premier ministre, il avait défendu l'instauration d'une clause interdisant toute norme qui imposerait aux collectivités de nouvelles charges contre l'avis des élus locaux. Une telle mesure serait justifiée et utile dans le cas du projet de décret débattu par le CFL, estime-t-il.
A noter que lors de la séance que le conseil national d'évaluation des normes (CNEN) a tenue le 7 mai (voir le relevé d'avis), le collège des élus avait déjà voté à l'unanimité contre le projet de texte.
Lors de sa réunion, le CFL a par ailleurs examiné un projet de décret sur la généralisation du compte financier unique (CFU) qui, à l'horizon de 2027, se substituera au compte administratif établi par l'ordonnateur et au compte de gestion élaboré par le comptable public (sur la réforme, voir notre article du 6 mars). Il a émis un avis favorable sur le projet de texte. L'instance a enfin été saisi de la répartition en 2025 du produit des amendes de police en matière de circulation routière.