Simplification du droit de l’urbanisme : le Sénat adopte définitivement la proposition de loi Huwart
Après le feu vert du Sénat, ce 9 juillet, la proposition de loi de simplification dédiée à l’urbanisme et à l’habitat, qui comporte une batterie de mesures concrètes pour alléger les contraintes procédurales en la matière, doit encore obtenir le blanc-seing des députés pour achever son parcours. Ce premier pas franchi, les parlementaires restent toujours dans l'attente d'un texte plus structurant et programmatique sur le logement.

© Capture vidéo Sénat/ Guislain Cambier et Valérie Létard au Sénat le 9 juillet
Le Sénat a définitivement adopté, ce 9 juillet, le compromis issu de la commission mixte paritaire (CMP) sur la proposition de loi (PPL) de simplification du droit de l’urbanisme et du logement du député Harold Huwart (groupe Liot). La PPL n’étant pas inscrite à l’ordre du jour de cette fin de session à l’Assemblée nationale, il faudra toutefois attendre la rentrée pour en clôturer le parcours législatif.
À gauche de l’hémicycle, le groupe CRCE-K a voté contre ce texte qui "supprime davantage des garde-fous qui dérangent quelques bétonneurs qu'il n'impulse l'élan nécessaire pour résoudre la crise du logement". Les écologistes ont également regretté "les reculs en matière de participation du public" et "la mise en concurrence de deux besoins légitimes au sein des RHVS [résidences hôtelières à vocation sociale] : le logement des travailleurs et celui des personnes en situation de précarité". Mais salué un "retour à la raison" avec l'abandon des reculs sur les obligations de production des énergies renouvelables, l’extension du périmètre des établissements publics fonciers, l'introduction dans la loi du référentiel national des bâtiments et la généralisation des permis multisites.
Les groupes LR, UC, RDSE, RDPI, INDEP ont tous voté pour ce texte "utile", qui "va dans le bon sens", tout en appelant "à poursuivre le chantier". "Nous continuons de déplorer que ce texte, en forme de patchwork, ait été taillé trop étroit pour pouvoir répondre aux véritables urgences et développer des solutions structurelles pour le logement", a notamment pointé la sénatrice (LR) Dominique Estrosi Sassone. "Ce texte n'est qu'un début : beaucoup reste à faire, notamment pour alléger le millefeuille de la planification", a appuyé la ministre du Logement, Valérie Létard. "Des travaux complémentaires seront lancés dans les prochains mois pour revoir nos codes et nos procédures, sans oublier la transposition de nombreux textes européens et le prochain PLF [projet de loi de finances] : nos modèles économiques et fiscaux devront sans doute être ajustés", a-t-elle ajouté.
Au cours de la navette, la PPL est passée de quatre à trente-huit articles : l'Assemblée a ajouté vingt articles ; le Sénat en a supprimé dix et introduit vingt-quatre autres.
L'article 1er A, intégralement réécrit en CMP, réduit de quatre à deux les procédures d'évolution des documents d’urbanisme : la révision est réservée aux seules évolutions ayant un impact sur les documents d'orientation, tandis que la procédure de modification est généralisée à tous les autres cas. Le Sénat avait rejeté la demande d'habilitation à légiférer par ordonnance présentée par le gouvernement pour procéder à cette refonte.
Une participation du public par voie électronique (PPVE) pourra également être organisée, si l'autorité compétente le souhaite, pour les projets de plus de cinquante logements en zone tendue (article 1er B).
L'article 1er a suscité des débats nourris sur la solarisation des bâtiments existants. La CMP a jugé plus sage de renvoyer le sujet dans le cadre d'une future loi Ddadue (diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne) - et l’a donc retranché du texte - et de revenir à l'assouplissement modéré de l'article 40 de la loi Aper concernant les parkings existants qui avait été voté à l’Assemblée (art. 1er bis D) en rétablissant le seuil minimal de 35% de la moitié de la surface totale du parc de stationnement devant être couverts par des ombrières photovoltaïques. Toujours à l'article 1er, un accord a émergé sur la caducité des schémas de cohérence territoriale (Scot) et le contenu du document d'urbanisme unique valant Scot et PLUi.
Guislain Cambier (UC), rapporteur pour le Sénat de la CMP, s’est également réjoui que le compromis trouvé ait conduit à conserver "de nombreuses mesures chères à la Chambre haute" comme l'accord du maire en cas de dérogation au PLU ; l’augmentation de la durée de portage foncier ; ou la possibilité de mieux adapter les règles du PLU aux spécificités des territoires, s’agissant notamment des règles de stationnement à l'article 2 quinquies. Autre satisfaction : la création de résidences à vocation d’emploi (article 2 bis F). Ces dernières viendront "utilement compléter" les mesures d'urgence sur les résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS) et les solutions de logements pour les grands chantiers liés au nucléaire et à la réindustrialisation, aux articles 2 et 3 bis, a estimé la rapporteure Sylviane Noël (LR).
Ont également été conservés par la CMP les mesures relatives à la requalification du quartier de La Défense (article 1er bis AAA), de densification des lotissements (article 2 ter : assouplissement des conditions de modification des règles d'urbanisme contenues dans les documents des lotissements ; et 2 quater A : densification des lotissements-jardins), au stationnement (article 2 quinquies), de réhabilitation d'immeubles en centre-ville (article 2 sexies AA), de possibilité d'utiliser le nouveau permis multisites pour les opérations de renaturation (article 3) ou encore permettant de fixer dans les PLUi des densités minimales (article 2 quater).
Le Sénat a veillé à ce que les territoires ruraux et les petites villes bénéficient de mesures de simplification, en étendant à l'ensemble des communes la possibilité de déroger aux règles du PLU et en assouplissant les règles de changement de destination en zones naturelles, agricoles et forestières (NAF). "Nos collègues députés (…) ont pu constater qu'il s'agissait pour nous non pas de détricoter l'arsenal législatif de protection des zones naturelles, mais seulement de lever au cas par cas des blocages liés à une application trop rigide de cette réglementation. Nous avions d'ailleurs bien encadré les dispositions relatives au changement de destination en zone NAF en prévoyant un délai de carence de vingt ans et un avis conforme de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF)", a souligné Guislain Cambier. Par cohérence avec la récente loi Daubié, le texte adopté en CMP soumet ces changements de destination à l'accord de l'autorité compétente en matière de PLUi.
Les assouplissements pour l'installation de bâtiments agricoles en zone littorale (article 2 bis A) ont aussi été conservés, "dans une version resserrée, mais conforme à ce que nous avions voté dans la loi d'orientation agricole", a précisé le sénateur du Nord. Une rédaction de compromis a également été trouvée sur les permis précaires (article 3 bis CA).
Les articles 1er bis E et 1er bis F - introduits malgré un double avis défavorable de la commission et du gouvernement - visant à clarifier la règle de continuité de l'urbanisation en zone de montagne ont quant à eux été supprimés en CMP.
On relève par ailleurs la suppression de l'article 2 sexies A, qui permettait de délimiter dans le PLU des secteurs où les locataires de logements locatifs sociaux pourront être tenus de disposer d'une place de stationnement. Dans le souci d'éviter toute polémique, la CMP s’est aussi accordée à supprimer la procédure intégrée pour mettre en compatibilité les PLU et Scot avec le schéma régional des carrières (article 2 octies). L’article 3 bis BA sur la création d'un certificat de projet pour les projets de réalisation de logements a lui aussi été retranché du texte. La CMP a jugé préférable d’attendre les résultats de l'expérimentation relative au certificat de projet pour les friches, qui prendra fin en 2027, avant de légiférer sur un nouveau certificat de projet. La CMP a confirmé la suppression de l'article 3 bis A (alignement de la durée de validité des diverses autorisations nécessaires à un projet sur celle du permis de construire) et de l’article 3 bis C (mise en concordance des documents du lotissement avec les documents d'urbanisme postérieurs). L’article 3 bis B (cristallisation des règles d’urbanisme applicable aux permis de construire modificatifs) a lui été adopté (dans la rédaction de la CMP). De même l’article 3 bis CA (prorogation de permis précaire dans les mêmes conditions que le permis initial) et l’article 3 bis (assouplissements aux règles d'urbanisme spécifiquement dédiées aux constructions et aménagements temporaires liés aux chantiers de nouveaux réacteurs électronucléaires).
"En matière de lutte contre les recours abusifs, nous avons encadré les demandes de substitution de motifs et exclu la possibilité d'invoquer les vices de forme et de procédure par voie d’exception [article 4]. Nous avons pu également renforcer les pouvoirs de police administrative pour lutter contre la cabanisation et surtout, avec l'aide de la ministre, réduire de trente à quinze ans les délais applicables à l'acquisition par les communes des biens sans maître [article 8], problème évoqué depuis des années", a rappelé Marc-Philippe Daubresse (LR), rapporteur pour la commission des lois, au titre des avancées du Sénat.
La suppression des articles 5 (institution d’une procédure préalable pour l’ensemble des recours en matière d’urbanisme), 6 (délai d’instruction réduit pour les demandes modificatives consécutives à un refus d’autorisation d’urbanisme) et 7 (raccourcissement de dix à six mois des délais contentieux en matière de logement social) est confirmée. L’article 6 bis visant à exempter d'autorisation d'urbanisme l'installation de panneaux solaires sur les logements a lui été supprimé en CMP.
L’article 6 ter, qui supprime l'autorisation préfectorale pour la vente en l'état futur d’achèvement par un organisme HLM, a été adopté en CMP dans la rédaction du Sénat. Idem pour l’article 6 quater -qui simplifie pour les collectivités la gestion des emplacements réservés.
Enfin, les articles 8, qui réduit le délai de droit commun pour l'acquisition des biens sans maître par les communes de trente à quinze ans, et 9 qui facilite la transmission d'informations aux maires par l'administration fiscale pour la mise en œuvre de la procédure d’acquisition des biens sans maître, ont été adoptés dans la rédaction de la CMP.