Simplification du droit de l’urbanisme : le Sénat donne son feu vert à la proposition de loi Huwart
Généralisation du permis d’aménager "multisites", délais de recours raccourcis, renforcement des outils d’ingénierie, dérogations au PLU pour l’ensemble des communes tendues... le Sénat a adopté, ce 17 juin, une proposition de loi "patchwork", qui comporte certes des mesures concrètes pour alléger les contraintes procédurales en matière d’urbanisme, mais déçoit faute d’apporter des solutions structurelles à la crise du logement.

© Capture vidéo Sénat/ Valérie Létard et Sylviane Noël
Considérée comme un texte utile mais "fourre-tout", la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement du député Harold Huwart (groupe Liot), déjà adoptée mi-mai à l’assemblée (lire notre article), a été votée, à main levée, sans grand enthousiasme par le Sénat, malgré des oppositions et des abstentions à gauche. La Chambre haute, qui appelle de ses voeux un texte plus structurant et programmatique sur le logement, plutôt qu’un catalogue de dérogations, a néanmoins joué le jeu et adopté une flopée d’amendements.
A gauche de l’hémicycle, l'article 1er A sur la possibilité de faire participer le public par voie électronique (PPVE), l'article 1er, qui marque un recul sur les énergies renouvelables, l’article 1er bis D sur la solarisation des parkings, et le changement de destination des bâtiments agricoles à l’article 2, ont entre autres été pointés comme des "irritants". "A ceux qui trouvent ce texte trop technique et disparate, je répondrai : la simplification, ce sont aussi des mesures concrètes. Il faut écouter ceux qui font la ville et lever les freins, visibles et invisibles", a de son côté souligné la ministre du Logement , Valérie Létard. "Mieux vaut de petits pas que rien du tout", a également relevé la rapporteure, Sylviane Noël (Haute-Savoie/LR). La prochaine étape se déroulera en commission mixte paritaire le 3 juillet.
Evolution des documents d’urbanisme. Traditionnellement réticent à l’égard des ordonnances, le Sénat a rejeté - à l’article 1er A - la demande d’habilitation pour rationaliser et simplifier les procédures d'évolution des documents d’urbanisme. Le gouvernement souhaitait engager un travail de fond plus global dans l’objectif de réduire le nombre de procédures, de redéfinir leur champ d’application et de modifier les formalités qui leur sont applicables, le cas échéant en recourant à la dématérialisation. "Le mieux serait de déposer un projet de loi", a réagi la rapporteure.
Participation du public par voie électronique. L’article 1er B - introduit en commission - qui permet de recourir à la PPVE pour les projets de logements de grande ampleur dans les zones en déficit de logement a également été adopté sans modification, hormis une purement rédactionnelle.
Simplifier les procédures d’urbanisme. Quatre amendements ont été adoptés à l’article 1er, dont deux du gouvernement. L’un supprime la dérogation - introduite en commission - à l'obligation de solarisation des toitures quand un PLU prévoit déjà une obligation de végétalisation (car contraire au droit européen). Les amendements portés à gauche et visant à revenir sur les assouplissements des obligations de solarisation ont en revanche tous été rejetés. L’autre amendement du gouvernement accorde aux établissements publics fonciers (EPF) de l’État - et aux Grands Ports Maritimes (GPM) ou Grands Ports Fluvio-Maritimes (GPFM) - la compétence de créer ou d’entrer au capital des sociétés publiques d’aménagement d’intérêt national (SPLA-IN) et clarifie leur compétence foncière afin de leur permettre d’assurer le portage foncier de terrains qu’ils ont vocation, ou non, à aménager. Les deux autre amendements adoptés proviennent de la commission des affaires économiques : pour préciser les modalités selon lesquelles un EPCI qui adhère à un EPFL dont l'une de ses communes membres était déjà adhérente se substituera à celle-ci, afin d'éviter les doublons de représentation ; et allonger de trois à dix ans la durée de portage exonérée d’impôts pour les EPF.
Schéma cadre d’aménagement et de planification de l’urbanisme de La Défense. Un nouvel article 1er bis AAA défendu par les rapporteurs Sylviane Noël et Guislain Gambier (Nord/UC) dote le quartier d’affaires de La Défense d’un schéma cadre d'aménagement et de planification ad hoc élaboré par la préfecture en associant les communes, le département des Hauts-de-Seine et l'établissement public territorial.
Registre national des bâtiments. C’est l’objet d’un nouvel article 1er bis AAB introduit par amendements identiques du gouvernement et du sénateur Patrick Chaize (LR). Il fournit une base légale au référentiel national des bâtiments (RNB), qui permet de fiabiliser et accroître la connaissance sur chaque bâtiment en vue d'améliorer le suivi du parc immobilier.
Les articles 1er bis AA (transmission par l'administration fiscale de données liées au logement) et 1er bis A (approbation des schémas d'aménagement régional par arrêté préfectoral) ont été adoptés sans modification.
Feuilleton de la solarisation des parkings. Les amendements de suppression (RDSE, SER, GEST) de l’article 1er D ont tous été rejetés. Plusieurs autres ont en revanche été adoptés : pour préciser que la souplesse introduite pour la réalisation des obligations de solarisation des parkings fixée par l'article 40 de la loi APER ne s'applique qu'aux arbres existants (amendement de Christine Lavarde/LR sous-amendé par le gouvernement) ; reporter de six mois l'obligation de solarisation pour les parkings de taille moyenne (Laurent Burgoa/LR) ; confirmer la primauté de la loi sur les règles du PLU sur les obligations de solarisation (gouvernement).
Continuité de l'urbanisation en zone de montagne. Un nouvel article 1er bis E et un nouvel article 1er bis F - introduit par amendements de Bernard Delcros (UC) contre l’avis du gouvernement - vise à clarifier la règle de continuité de l'urbanisation en zone de montagne en précisant qu'elle ne peut être refusée au seul motif qu’un espace intercalaire se situe entre la parcelle à urbaniser et les zones déjà urbanisées lorsqu'elles sont implantées à proximité immédiate l'une de l’autre ; ni au seul motif que le nombre de constructions implantées est insuffisant dès lors que l‘ensemble de constructions en compte au moins trois.
Changement de destination. C’est l’un des sujets sensibles du texte abordé par l’article 2 sur lequel des amendements (RDSE, GESTE) de suppression ont été défendus en vain. Pour rappel, cet article prévoit d’adapter le régime des résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS) pour y loger des salariés des chantiers industriels (par exemple la construction d’EPR 2) et assouplit les possibilités de déroger aux règles des PLU(i) pour la création de logements. Un amendement de la commission prévoit un contreseing obligatoire du conseil départemental au protocole fixant les conditions de transformation de la résidence en logements. Il supprime en outre l'obligation de créer des logements familiaux en cas de transformation ultérieure des RHVS, afin de laisser davantage de souplesse aux projets en fonction des besoins locaux. Un autre élargit le dispositif de l’article 2 - qui autorise une dérogation au PLU pour la surélévation ou la transformation d'une construction régulièrement édifiée en dépit de sa non-conformité au plan en matière d'emprise, d'implantation ou d’aspect - en supprimant la condition de non-création de surface supplémentaire, tout en maintenant le cadre de surélévations ou transformations limitées.
Les amendements défendus par le gouvernement et les groupes SER et GEST visant à revenir sur la facilité (introduite en commission) des changements de destination de bâtiments existant dans les zones agricoles, naturelles et forestières, et en zone rétro-littorale ont été rejetés.
Un amendement du groupe RDPI étend les dérogations possibles aux règles du PLU pour faciliter les surélévations. Un autre du groupe SER précise les zones concernées par les dérogations visant à réaliser des logements étudiants : les zones U et AU.
Constructions agricoles ou forestières dans les espaces proches du rivage. Un nouvel article 2 bis A - introduit par David Margueritte (LR) contre l’avis du gouvernement - facilite l'évolution des activités des exploitants agricoles qui sont près du rivage.
Suppression de l'étude d'optimisation de la densité pour l’ensemble des opérations d’aménagement soumises à évaluation environnementale. C’est l’objet d’un nouvel article 2 bis B (amendements identiques de Jean-Baptiste Blanc/LR et Elisabeth Doineau/UC).
Changements de sous-destination. Un nouvel article 2 bis C (amendement identiques de Rémi Féraud/SER et Marianne Margaté/CRCE-K) rend facultative la déclaration préalable pour changements de sous-destinations en confiant aux collectivités la décision d’instaurer un tel dispositif.
Simplification des conventions d'utilité sociale. C’est l’objet d’un amendement du gouvernement (sous-amendé par la commission) qui introduit un nouvel article 2 bis D. Il s’agit de les recentrer sur des objectifs annuels chiffrés et réalistes en matière de production, rénovation et réhabilitation, d'y introduire des objectifs de qualité de service et de réduire le nombre d'indicateurs obligatoires. La commission a toutefois réintroduit la signature des collectivités et instauré un plafond de pénalité de 200 euros par logement.
Possibilité d'inclure des locaux à usage commercial dans les opérations de sociétés civiles de construction-vente (SCCV). C’est l’objet d’un nouvel article 2 bis E (amendement de Audrey Linkenheld/SER).
Résidences à vocation d’emploi. Un nouvel article 2 bis F (amendement de Jean-Baptiste Blanc/LR) crée un cadre juridique spécifique en définissant les publics éligibles à ces résidences, la durée des baux entre 1 semaine et 18 mois, les conditions de ressources et de loyers encadrés (pour 80% des logements). Il autorise la location à des personnes morales pour sous-location à ces mêmes conditions.
Suppression de la possibilité de déroger aux règles relatives à la fibre dans le cadre de surélévations par un nouvel article 2 ter A (amendement de Patrick Chaize/LR).
L’article 2 ter (assouplissement des conditions de modification des règles d'urbanisme contenues dans les documents des lotissements) a été adopté sans modification, hormis rédactionnelle. De même que l’article 2 quater (respect des règles de densité fixées par les PLU(i) dans les autorisations d’urbanisme).
Densification des lotissements-jardins. C’est l’objet d’un nouvel article 2 quater A introduit par la commission. Les règles applicables aux lotissements-jardins pourront évoluer soit à l'initiative des colotis - mais avec une majorité qualifiée, et non plus à l’unanimité -, soit à l'initiative de la collectivité, après enquête publique. Ces lotissements seront également soumis aux mêmes règles de caducité que les autres - 10 ans.
Possibilité pour le PLU(i) d'exempter d'obligation de stationnement les logements en bail réel solidaire (BRS). C’est l’objet d’un amendement du groupe SER à l’article 2 quinquies. Un autre intègre les logements foyers à la liste d'exonération de réalisation d’aires de stationnement. Pour le motif d'adaptation des règles fixées dans les PLU(i) aux réalités et contraintes locales, le Sénat a également adopté des amendements identiques (Daniel Fargeot/UC et commission) de suppression du plafond légal d'une place de parking par logement pour les logements intermédiaires (LLI). Et plusieurs amendements identiques (SER, GESTE et commission) ont quant à eux supprimé l’article 2 sexies B de façon à maintenir la possibilité pour le PLU(i) d'exempter d'obligations en matière de places de stationnement les LLI.
Possibilité de déroger aux règles de stationnement pour les réhabilitations d’immeubles. Au terme du nouvel article 2 sexies AA (amendement de Paul Vidal/LR) pour les opérations de réhabilitation d’immeubles existants en centre‑ville, la collectivité compétente pourra, par délibération motivée, déroger à l’obligation de création de places de stationnement prévue par le règlement du PLU.
L'article 2 sexies A - qui permet de délimiter dans le PLU des secteurs où les locataires de logements locatifs sociaux pourront être tenus de disposer d'une place de stationnement a été adopté sans modification.
A l’article 2 octies, un amendement de Laurent Burgoa (LR) rétablit (contre l’avis du gouvernement) la possibilité de recourir à la procédure intégrée pour mettre en compatibilité les PLU et Scot avec le schéma régional des carrières.
Permis d'aménager multisites. A l’article 3 deux amendements ont été adoptés. L’un du gouvernement pour rétablir la condition de demandeur unique et d'unicité du projet. L’autre de Jean-Baptiste Blanc pour autoriser l’intégration de parcelles à renaturer dans un permis d'aménager multisite.
Les articles article 3 bis BA (création d'un certificat de projet pour les projets de réalisation de logements) ; 3 bis B (cristallisation des règles d’urbanisme applicable aux permis de construite modificatifs) et 3 bis (assouplissements aux règles d'urbanisme spécifiquement dédiées aux constructions et aménagements temporaires liés aux chantiers de nouveaux réacteurs électronucléaires) ont été adoptés sans modification.
Prorogation de permis précaires. C’est l’objet d’un nouvel article 3 bis CA (amendement de Martine Berthet/LR) permettant à l'autorité compétente de proroger le délai par simple décision, dès lors que les conditions ayant justifié la précarité du permis sont inchangées.
Institution d'une présomption d'urgence en cas de référé-suspension à l'encontre d'un refus d’autorisation d’urbanisme. C’est le sens d’un amendement défendu par Jean-Baptiste Blanc à l’article 4. La commission des lois a par ailleurs repris l'amendement n°68 rectifié de Daniel Fargeot (non défendu), qui élargit la procédure accélérée de démolition d'office aux zones non urbaines. Celui de Alexandra Borchio Fontimp (LR) étend les dispositions sur les délais de recours aux décisions de refus et aux retraits.
L’article 6 bis (introduit en commission en Sénat) - qui propose d'exempter d'autorisation d'urbanisme l'installation de panneaux photovoltaïques sur les logements, pour l'autoconsommation des habitants - a été adopté sans modification.
Enfin une série de cinq articles additionnels sont venus enrichir le texte :
l'article 6 bis A (gouvernement) simplifie les échanges d’informations entre l'administration fiscale et les bailleurs sociaux, en particulier le groupe d'intérêt public pour le système national d'enregistrement des demandes de logement social (GIP-SNE) ;
l'article 6 ter (Rémi Féraud/SER) supprime l'autorisation préfectorale pour la vente en l'état futur d’achèvement par un organisme HLM ;
l'article 6 quater (SER) simplifie pour les collectivités la gestion des emplacements réservés ;
l'article 8 (gouvernement et commission) réduit le délai de droit commun pour l'acquisition des biens sans maître par les communes de trente à quinze ans ;
l'article 9 (Dominique Vérien/UC) facilite la transmission d'informations aux maires par l'administration fiscale pour la mise en œuvre de la procédure d’acquisition des biens sans maître.