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Enfance - Solution en vue pour les adoptions à Haïti ?

Dans une question écrite, Philippe Adnot, sénateur de l'Aube, appelle l'attention "sur la situation des enfants haïtiens adoptés par des parents français qui ne peuvent plus, depuis fin 2009, faire l'objet d'une adoption plénière susceptible, dans leur intérêt, de leur donner le même statut qu'un enfant légitime au sein de leur famille d'adoption". Derrière cette question se cache une situation délicate, encore aggravée par les conséquences du séisme du 12 janvier 2010 et le gel des dossiers d'adoption.
Dans sa réponse, le ministre des Affaires étrangères - en charge de l'adoption internationale - laisse entrevoir une issue possible pour une situation qui semblait jusqu'alors complètement bloquée. Il confirme certes que "les juridictions françaises refusent généralement de convertir les jugements haïtiens d'adoption simple en adoption plénière". Cette position des juges découle de la prise en compte de la réglementation haïtienne en matière d'adoption. Tout d'abord, celle-ci ne reconnaît que l'adoption simple. En outre, depuis septembre 2009, les autorités haïtiennes ont entrepris de faire respecter l'esprit et la lettre de cette réglementation - qui remonte à un décret de 1974 - et s'opposent à la légalisation des consentements donnés en vue d'une adoption plénière postérieurement au jugement d'adoption prononcé par les juridictions haïtiennes. Dans ces conditions, les juridictions françaises estiment ne pouvoir faire droit aux requêtes en conversion des adoptions simples - prononcées en Haïti - en adoptions plénières, faute de légalisation du consentement des parents biologiques de l'enfant à une adoption plénière. Une position confirmée à la fois par une circulaire du garde des Sceaux du 22 décembre 2010 et par un arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2012. Dans sa réponse, le ministre des Affaires étrangères précise toutefois qu'"eu égard aux avantages que la conversion des adoptions simples en adoptions plénières présenterait pour les familles adoptantes en France, il avait été décidé de sensibiliser les autorités haïtiennes à cette question et de rechercher avec elles une solution pragmatique". Mais ces démarches n'ont pas été couronnées de succès "en raison de fortes réserves des autorités haïtiennes".
Mais un événement survenu cet été pourrait bien changer la donne. Le 11 juin 2012, le Parlement haïtien a en effet ratifié la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale du 29 mai 1993 (CLH 93). Or celle-ci prévoit expressément la possibilité de convertir une décision d'adoption simple prononcée dans le pays d'origine en adoption plénière, sous deux conditions : que le droit de l'Etat d'accueil le permette (ce qui est bien le cas pour la France) et que le consentement en vue d'une telle adoption ait été donné par les parents biologiques (ce qui est le plus souvent le cas). L'adhésion d'Haïti à la CLH 93 entrera en vigueur trois mois après le dépôt par Haïti des instruments de ratification aux Pays-Bas. Dans ces conditions, le ministre des Affaires étrangères estime que cette ratification "ouvre un nouveau champ aux discussions actuellement menées par notre ambassade à Port-au-Prince, afin de permettre la légalisation de ces consentements à adoption plénière donnés même antérieurement à la signature de la CLH 93 par Haïti".

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : Sénat, question écrite 00765 de Philippe Adnot, sénateur de l'Aube, et réponse du ministre des Affaires étrangères (JO Sénat du 6 septembre 2012).