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Sports / Education - Sport scolaire : y a-t-il un pilote dans la salle ?

Créer un "contrat local sportif" et "mutualiser les installations sportives", voilà deux des préconisations de Robert Lecou, issues de son rapport "Le sport à l'école et le sport scolaire", remis le 9 février à Nicolas Sarkozy. Dans la lettre de mission adressée au député de l'Hérault, le 30 août 2011, le président de la République demandait de répondre aux questions suivantes : "Comment améliorer la lisibilité de l'offre sportive à l'école [...] ? Comment améliorer le maillage et la cohérence de l'offre sportive pour les élèves, ainsi que le développement de passerelles avec le sport civil ? Comment évaluer les effets positifs pour les élèves de ces dispositifs complétant l'enseignement obligatoire de l'éducation physique et sportive ?"
Pour y répondre, Robert Lecou dresse tout d'abord un état des lieux où l'on apprend que 648 heures de formation en éducation physique et sportive par élève dans le premier degré et 700 heures dans le second degré sont dispensées par 29.557 professeurs d'éducation physique et sportive, pour un coût total estimé à 3,3 milliards d'euros en 2012. Par ailleurs, les fédérations sportives scolaires rassemblent 810.000 licenciés pour l'Usep (Union sportive de l'enseignement du premier degré), un million pour l'UNSS (Union nationale du sport scolaire) et 800.000 adhérents pour l'Ugsel (Union générale sportive de l'enseignement libre).
D'un point de vue qualitatif, le rapport note "l'image très favorable de l'éducation physique et sportive", et ce sur une longue période. Mais des inégalités subsistent : les garçons pratiquent un sport en club plus volontiers que les filles, et l'inscription à l'association sportive scolaire (AS) diminue tout au long de la scolarité avec une réelle fracture à l'issue du collège. En lycée professionnel, elle se stabilise autour de 50% pour les garçons contre à peine 20% pour les filles.

Les régions au coeur du sport scolaire

Autre enseignement du rapport : le rôle des régions, largement disséqué. En 2009, le budget sportif des régions représentait 521 millions d'euros (en hausse de 18% par rapport à 2007), dont la moitié consacrée à l'investissement en faveur des équipements sportifs. Pour le rapporteur, "les régions en matière sportive cherchent à favoriser la continuité entre le collège et le lycée (sous la forme d'actions ou d'informations) ; créer des passerelles entre le sport scolaire et le sport civil ; adapter les disciplines sportives proposées dans les établissements aux réalités de chaque région". Toutefois, la "démarche de projet" propre aux régions peut se heurter à la "logique de guichet" de l'Education nationale, même si "la contractualisation rend possible l'élaboration de projets partagés". Dans ce cas, le pilotage est assuré par le directeur régional de l'UNSS et le représentant du recteur, "dont l'implication quand elle existe est très appréciée", note le rapport non sans sarcasme, avant d'enfoncer le clou : "Cela fonctionne bien mais 'à condition de savoir taper sur la table de temps en temps'."
Après avoir dénoncé tour à tour "un empilement dommageable" de dispositifs et un "défaut de pilotage", relevé un "fonctionnement associatif atypique" et noté que les professeurs d'éducation physique et sportive constituaient "un monde à part, plein de paradoxes" dans une discipline où tout "a été intellectualisé, parfois à l'excès", le rapporteur présente vingt-quatre préconisations pour faire évoluer le sport scolaire. Robert Lecou suggère tout d'abord une série de mesures pour "reconnaître et affirmer l’importance du sport scolaire". Déclinant ses propositions pour le premier puis le second degré, il aborde des sujets tels que la durée de l'activité physique, la formation et la valorisation des enseignants, la gouvernance du sport scolaire, le statut et le pilotage de l'UNSS, ou encore l'autonomie des AS. Il met aussi en avant l'intérêt de "classes à projet ou établissements à dominante", notamment dans les établissements où est menée l'expérimentation "cours le matin, sport l'après-midi". Avant d'aborder le sujet central des rythmes scolaires, il décline des propositions qui sortent du cadre strictement scolaire sous le titre "Projet et cohérence, partenariat et ouverture", où l'on retrouve le contrat local sportif et la mutualisation des installations sportives.

Un contrat local sportif pour décloisonner les niveaux d'enseignement

Le premier se justifie par le besoin de "trouver le bon niveau de pilotage de proximité". "Traditionnellement le département jouait ce rôle, mais d'autres territoires paraissent plus adaptés comme la commune ou le bassin", écrit Robert Lecou, avant d'ajouter : "Pour dynamiser le sport scolaire, pour en assurer un meilleur suivi et garantir une évaluation, il serait utile de définir sur un territoire donné, des contrats d'objectifs dont les établissements, les collectivités et les fédérations seraient signataires. [...] Une démarche par territoire favorise également le travail en réseau et garantit la continuité des parcours pour les élèves alors qu'aujourd'hui la caractéristique est plutôt le cloisonnement et la rupture entre l'école et le collège, entre le collège et le lycée." Pour le rapporteur, le contrat local sportif réunirait, dans un même partenariat, sur un territoire donné, les établissements, les fédérations sportives, les collectivités territoriales, les élèves et les parents d'élèves, permettrait l'attribution de moyens en fonction des réalités locales et organiserait une évaluation autour d'un même territoire.

Les équipements face aux évolutions des pratiques

Enfin, en matière d'équipements, le rapport note que "les acteurs ou partenaires du sport scolaire entendus ont souvent souligné l'insuffisance, en France, des équipements et infrastructures sportifs", et précise que "dans ce domaine, ce sont les collectivités territoriales les plus engagées en matière de réalisation ou de rénovation". Certaines tendances sont encore pointées du doigt : "L'apparition du futsal fait entrer le football dans une salle, ce qui crée des tensions en matière de disponibilité de locaux. Autrefois, le sport à l'école, c'était d'abord l'athlétisme alors qu'aujourd'hui on fait très peu d'athlétisme. Puis on est passé au handball puis au badminton avec à chaque fois des tracés au sol spécifiques dans les gymnases. [...] On délaisse des disciplines majeures alors que l'on pourrait faire de la course ou de la marche à moindre équipement [...]. L'évolution est celle qui va vers plus de confort sous la forme d'équipements couverts." Et Robert Lecou de préconiser de mutualiser les installations sportives, au bénéfice partagé du sport scolaire et du sport civil, d'optimiser leur utilisation et d'encourager la programmation pluriannuelle des rénovations et des constructions d'équipements qui font actuellement défaut.
En conclusion, et comme pour souligner une nouvelle fois le défaut de pilotage déjà pointé, Robert Lecou préconise une dernière mesure... sans doute à mettre en place avant toutes les autres : "Désigner un responsable chargé de rendre effectives les mesures envisagées et d'enclencher la dynamique attendue."