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Statut des sapeurs-pompiers volontaires : le Sénat interpelle la Commission européenne

Dans un avis politique adopté le 15 novembre, la commission des affaires européennes du Sénat demande à la Commission européenne de modifier la directive de 2003 sur le temps de travail, afin de garantir le statut des sapeurs-pompiers volontaires. Celui-ci est menacé par un récent arrêt de la CJUE du 21 février 2018 qui pourrait faire jurisprudence.

Le Sénat est intervenu le 15 novembre pour réclamer auprès du gouvernement et de la Commission européenne une initiative visant à garantir le statut des sapeurs-pompiers volontaires mis en danger par un récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Une façon aussi de rappeler l’engagement de l’ancien ministre de l’Intérieur Gérard Collomb qui, le 29 septembre, lors du dernier congrès des pompiers à Bourg-en-Bresse, avait promis une initiative en ce sens, afin de modifier la directive sur le temps de travail datant de 2003. "Pour garantir notre modèle de sécurité civile, il est nécessaire que le gouvernement, comme il s’y est engagé, prenne une initiative au niveau européen pour que la directive de 2003 soit adaptée aux réalités de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires", a ainsi déclaré André Reichardt (Les Républicains – Bas-Rhin), co-auteur avec Jacques Bigot (PS, Bas Rhin) de l’avis politique adopté par la commission des Affaires européennes, jeudi.

Si l’application de cette directive de 2003 constitue une épée de Damoclès sur la tête des pompiers volontaires depuis de nombreuses année, la menace s’est sérieusement rapprochée avec l’arrêt Matzak rendu par la CJUE du 21 février 2018. Dans cet arrêt, la cour a reconnu le statut de travailleur aux sapeurs-pompiers belges. Concrètement, l’arrêt juge que les gardes à domicile doivent être assimilées à du temps de travail, comme le réclamait un pompier volontaire de la ville de Nivelles, par ailleurs salarié d’une entreprise. À noter que ce plaignant avait l'obligation de répondre aux appels de son employeur dans un délai de huit minutes. "Cet arrêt aurait d’indéniables conséquences sur l’organisation des gardes et des astreintes des sapeurs-pompiers volontaires en raison de son impact sur le décompte du temps de travail, en particulier pour ce qui concerne le repos physiologique (repos minimum de 11 heures sur une période de 24 heures)", explique le Sénat, dans un communiqué.

Un risque limité aux "casernes de quelques grands centres urbains"

Le rapport de la mission Volontariat, à laquelle participait la sénatrice Catherine Troendlé, avait déjà alerté le ministre en mai dernier sur la mise en danger du modèle de la sécurité civile français, puisque les 195.000 volontaires constituent près de 80% des effectifs de pompiers en France. L’application de cette jurisprudence "entraînerait, si l’ensemble des volontaires devait être 'engagés' comme agents publics à temps partiel, une augmentation des dépenses considérable, en raison des rémunérations et de la compensation des temps de repos par des rotations plus sévères entre les sapeurs-pompiers", avait fait valoir la mission. L’impact budgétaire est "impossible à chiffrer avec précision à ce stade", estime cependant André Reichardt. Il considère que le risque porterait sur une minorité de volontaires, employés dans "les casernes de quelques grands centres urbains".

Comme l’a rappelé le sénateur, le principe du volontariat des pompiers a été consacré par la loi française (loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011) et est inscrit dans le Code de la sécurité intérieure. Mais dans son arrêt, la CJUE se montre claire sur la primauté du droit européen. "Les États membres ne peuvent pas déroger, à l’égard de certaines catégories de sapeurs-pompiers recrutés par les services publics d’incendie, à l’ensemble des obligations découlant des dispositions de la directive, dont les notions de 'temps de travail' et de 'période de repos'", souligne-t-elle.

Pour les sénateurs, dans l'affaire belge, le plaignant a été "encouragé" dans sa démarche et une telle situation risque bientôt de se produire en France.  Il convient selon eux de lever les "incertitudes", même si la directive prévoit elle-même des dérogations, notamment pour assurer la continuité du service public. Selon eux, "une solution pragmatique consisterait à faire évoluer la directive 2003/88/CE sur l’aménagement du temps de travail en élargissant le champ de ses dérogations pour le rendre compatible avec les dispositifs nationaux reposant largement sur le volontariat". "À plus long terme, il serait sans doute nécessaire de réfléchir à un texte spécifique au volontariat dans l’exercice des missions de sécurité civile."

La Commission est à présent censée apporter "une réponse circonstanciée" dans un délai de trois mois.

 

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