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Mobilité - Transports publics locaux : comment mettre les collectivités "sur la bonne voie" ?

Dans un rapport sur les transports publics locaux qui vient d'être rendu public, Yves Krattinger, sénateur de Haute-Saône et vice-président de la délégation aux collectivités territoriales, propose de nouvelles solutions pour développer l'intermodalité en renforçant la coordination entre autorités organisatrices des transports.

Répartition des compétences entre les différents acteurs, sources de financement, impact des nouvelles technologies : ces trois thématiques-phares des débats sur l'avenir des transports publics locaux sont passées en revue par Yves Krattinger dans son rapport fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat. Avec comme ambition de "mettre les collectivités territoriales sur la bonne voie", selon l'intitulé du document qui vient d'être rendu public.
Le sénateur PS de Haute-Saône commence par dresser un bilan positif de la gestion des transports publics locaux. Selon lui, le cadre défini par la loi d'orientation des transports intérieurs (Loti) de 1982, distinguant les transports publics urbains, assurés par les communes et leurs groupements, des transports publics interurbains gérés par les départements et les régions, "a permis un développement significatif des transports collectifs locaux". Le transfert de la gestion des TER aux régions s'est traduit par "des investissements majeurs bénéfiques aux usagers" et par une augmentation du trafic de 40% entre 2002 et 2009, rappelle le rapport. Les plans de déplacements urbains (PDU), créés par l'article 28 de la Loti ont aussi été un succès, estime Yves Krattinger. "Les collectivités territoriales ont utilisé la souplesse inhérente aux PDU pour faire de ce document de planification un outil adapté de programmation et de cohérence en faveur de la mobilité urbaine et des déplacements, de maintien d'un équilibre durable entre les besoins de mobilité", écrit-il dans son rapport.

Des dispositifs de coordination qui fonctionnent

Il pointe aussi l'évolution des modes de vie qui conduit à penser les transports en termes d'intermodalité. "Le développement des agglomérations et de la périurbanisation a entraîné un élargissement des bassins de vie qui ne correspondent plus nécessairement aux périmètres institutionnels d'une seule AOT. La dispersion de la population sur un territoire et une certaine polarisation de l'emploi conduisent en effet à un allongement des migrations domicile-travail et domicile-loisirs, ce qui peut nécessiter l'utilisation de plusieurs modes de transport, urbains et non urbains", constate-t-il. La coordination entre les différentes AOT d'un même bassin de vie est donc jugée nécessaire et peut se développer de manière informelle ou via des structures plus encadrées telles que les syndicats mixtes. Le sénateur s'est intéressé notamment aux syndicats mixtes ouverts créés par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, du 13 décembre 2000. Ces outils juridiques apportent selon lui "une réponse à l'émiettement de la compétence transport entre plusieurs AOT et permet également d'assurer un lien plus fort entre les politiques d'urbanisme et les politiques de déplacements". Un peu plus de dix ans après leur création, leur bilan est jugé "largement positif et encourageant", malgré leur faible nombre - 7 seulement en 2010 - et la faible adhésion des conseils régionaux à ces structures.

Crise du financement

Le rapport est beaucoup plus alarmiste sur la question du financement des transports publics locaux. Il pointe tout d'abord la différence entre les autorités organisatrices des transports urbains (Aotu) qui bénéficient toutes, depuis 1973, d'une ressource fiscale spécifiquement dédiée aux transports publics urbains, le versement transport (VT), et les départements et les régions qui, eux, n'ont pas de ressource équivalente et financent principalement les transports interurbains  par le biais de subventions. Mais le VT, qui constitue aujourd'hui la ressource principale du financement des transports collectifs urbains en France fait l'objet "d'un certain nombre d'interrogations quant à son dynamisme", souligne Yves Krattinger. En effet, "les leviers de croissance traditionnels du VT que sont l'évolution des taux-plafonds et l'extension des PTU [périmètres de transports urbains, ndlr] apparaissent aujourd'hui 'en crise'", poursuit-il. Selon une étude de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) citée dans le rapport, "73% des Aotu appliquaient le VT au taux-plafond en 2008, ce qui ne leur permet plus de disposer de marges d'action en la matière, et seules trente-huit agglomérations moyennes, dont la population est comprise entre 100.000 et 200.000 habitants, disposent encore d'une possibilité d'augmenter leur taux de VT jusqu'au taux-plafond, à travers la réalisation d'un projet de transport collectif en site propre (TCSP). En outre, l'extension des périmètres de transports urbains (PTU) ne permettrait plus d'engranger les gains financiers espérés en termes de VT puisque l'agrandissement d'un PTU conduit à une "dédensification [sic] de l'habitat et du tissu économique qui nécessite l'allongement des réseaux de transports urbains sur les franges périurbaines des PTU, ce qui s'avère coûteux pour les Aotu", pointe le rapport.
Plus globalement, Yves Krattinger s'interroge sur la question du financement des transports publics locaux par les collectivités territoriales "compte tenu des contraintes qu'elles doivent assumer dans un contexte budgétaire serré : la réalisation des projets du Grenelle de l'environnement, l'accessibilité des transports publics locaux pour les personnes handicapées ou à mobilité réduite, la compensation partielle des TER par les régions". Les réponses récentes apportées à ces difficultés sont jugées "timides" - c'est le cas du VT additionnel mis en place dans les communes touristiques de moins de 10.000 habitants ou appartenant à un groupement classé "touristique" et de la faculté d'instituer une taxe sur les plus-values de cessions résultant de la mise en place d'un TCSP - ou "limitées" comme le versement transport additionnel qui ne concerne que les syndicats mixtes de type SRU. Et quoi qu'il en soit, insiste-t-il, "aucune disposition n'est prévue pour le financement des transports interurbains, pourtant soumis aux mêmes contraintes budgétaires".

Développer l'information multimodale et la billetique intégrée

L'autre question-clé pour l'avenir des transports publics locaux, estime Yves Krattinger, est de les rendre "intelligents" grâce aux possiblités offertes par les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Mais "ces développements nécessitent des investissements et, surtout, interrogent sur la nécessité ou non de revoir l'organisation de la compétence transport entre les différentes autorités organisatrices au niveau des territoires", poursuit-il. Pour favoriser la fluidité des déplacements et rendre l'usager "gestionnaire de sa propre mobilité", il faut développer "l'information multimodale" et la "billetique unique", insiste le sénateur. Il se dit ainsi "très favorable au développement de la billetique intégrée qui permet au voyageur d'effectuer un parcours multimodal (combinant trains/cars/bus) avec un seul titre de transport". Mais pour parvenir à développer cette intermodalité,  il faut selon lui non seulement développer des référentiels communs permettant d'assurer l'interopérabilité des systèmes mais aussi mettre en place une "agence pour l'information multimodale et la billetique aux pouvoirs étendus, dotée d'un pouvoir de décision". Autorité indépendante, elle serait "apte à intervenir auprès de tous les acteurs et dotée des moyens correspondant aux enjeux des systèmes de transport intelligents (ITS) dans les domaines de la billetique, du paiement et de l'information, qui en sont des aspects essentiels". Sur le plan institutionnel, le rapporteur juge qu'il n'y a pas lieu de développer une structure nouvelle au sein des territoires pour assurer l'intermodalité. La solution selon lui serait plutôt de généraliser les syndicats mixtes SRU, ce qui permettrait de créer une véritable "fédération d'AOT" au niveau régional. Il reviendrait aux syndicats mixtes d'élaborer un "schéma directeur de l'information sur les transports et de la billetique". De cette façon, le syndicat mixte "réglerait les problèmes de zone blanche, d'absence de certaines AOT, d'incohérence ou de redondance et permettrait de pallier le manque de communication entre elles". Enfin, Yves Krattinger préconise de mettre en place au niveau national "une représentation informelle de l'ensemble des syndicats mixtes SRU".