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Protection de l'enfance - Trois décrets accélèrent la mise en œuvre de la loi relative à la protection de l'enfant

Trois décrets mettent en place plusieurs dispositions de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant (voir notre article ci-contre du 22 mars 2016). Ces trois décrets traitent respectivement du référentiel fixant le contenu du projet pour l'enfant, des missions, de la composition et du fonctionnement du Conseil national de la protection de l'enfance et, enfin, de la composition des observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE).

Projet pour l'enfant : quelle place pour les parents ?

Le plus important est, sans conteste, le décret du 28 septembre sur le référentiel du projet pour l'enfant (2016-1283). Le projet pour l'enfant est une des avancées principales de la loi du 14 mars 2016. Son article 21 prévoit en effet qu'"il est établi, pour chaque mineur bénéficiant d'une prestation d'aide sociale à l'enfance, hors aides financières, ou d'une mesure de protection judiciaire, un document unique intitulé 'projet pour l'enfant', qui vise à garantir son développement physique, psychique, affectif, intellectuel et social. Ce document accompagne le mineur tout au long de son parcours au titre de la protection de l'enfance". Cet outil a fait l'objet d'une évaluation récente par l'Observatoire national de la protection de l'enfance (voir notre article ci-contre du 27 septembre 2016).
Le décret précise que le président du conseil départemental dispose d'un délai de trois mois pour établir ce projet, à compter du début de la prestation ou de la mesure. Pour cela, il peut, le cas échéant, organiser les coordinations nécessaires avec les services chargés de l'exécution des mesures.
La définition donnée au projet pour l'enfant peut sembler un peu tautologique : "Le projet pour l'enfant est centré sur l'enfant. Il vise à garantir son développement, son bien-être et à favoriser son autonomie. 
Le projet pour l'enfant prend en compte les besoins fondamentaux de l'enfant, sur les plans physique, psychique, affectif, intellectuel et social, au regard notamment de son âge, de sa situation personnelle, de son environnement et de son histoire". On notera toutefois que cette définition ne cite pas expressément les parents de l'enfant, ce qui correspond à une tendance, qui s'est fait jour lors des débats au Parlement et des rapports préparatoires, consistant à privilégier l'intérêt supposé de l'enfant, si nécessaire au détriment des parents (voir notre article ci-contre du 25 juin 2014).
Les parents reviennent toutefois dans l'énumération des parties participant à la construction du projet de l'enfant : les titulaires de l'autorité parentale, l'enfant, les tiers impliqués dans la vie de l'enfant, les services départementaux et, le cas échéant, le service ou l'établissement auquel le juge a confié la mesure.

Une évaluation approfondie et des "domaines de vie"

Sans surprise, le projet de l'enfant s'appuie sur l'évaluation de sa situation, ainsi que sur l'évaluation médicale et psychologique prévue par l'article L.223-1-1 du Code de l'action sociale et des familles (CASF). Une fois établi, le projet fait l'objet d'une actualisation régulière sur la base des rapports de situation établis au moins une fois par an pour les enfants de plus de deux ans et tous les six mois pour ceux de moins de deux ans. Le décret précise que "l'actualisation du projet pour l'enfant prend en compte notamment les changements de modalités d'accompagnement".
Le décret du 28 septembre précise ensuite les informations - relativement limitées - qui sont portées dans le projet de l'enfant : informations sur l'identité, l'autorité parentale, le lieu de vie, la fratrie, le service du département - ou habilité par celui-ci - en charge de l'accompagnement de l'enfant, l'identité du référent résigné, les décisions administratives et judiciaires de protection de l'enfance fondant l'intervention... Le décret précise aussi que "les autres documents relatifs à la prise en charge et à l'accompagnement de l'enfant, notamment le document individuel de prise en charge [...], le contrat d'accueil [...] et, le cas échéant, le plan personnalisé de compensation [pour les enfants handicapés, ndlr], s'articulent avec le projet pour l'enfant".
Autre précision importante apportée par le référentiel : les "domaines de vie" pris en compte par le projet pour l'enfant. Ceux-ci englobent notamment le développement, la santé physique et psychique de l'enfant, les relations avec la famille et les tiers, ainsi que la scolarité et la vie sociale de l'enfant. Chacun de ces domaines fait l'objet d'"éléments synthétiques d'évaluation actualisée", et reprend "les observations et propositions des titulaires de l'autorité parentale, de l'enfant et de son environnement". A partir de tous ces éléments, "et en cohérence avec les domaines de vie", le projet pour l'enfant définit les objectifs poursuivis et un plan d'action.

Un projet signé par le président du conseil départemental

Le projet pour l'enfant est signé par le président du conseil départemental. Dans le cas d'une mesure d'AEMO (assistance éducative en milieu ouvert) ou de placement, le cadre du service ou de l'établissement à qui le juge a confié la mesure vise le projet pour l'enfant et le transmet au président du conseil départemental pour signature. Enfin, "il est proposé aux titulaires de l'autorité parentale ainsi qu'à l'enfant en âge de discernement de signer le projet pour l'enfant".
Dernière précision du décret du 28 septembre : lorsque le projet pour l'enfant concerne un enfant pris en charge par le service de l'ASE, mais confié à une personne physique ou morale, le projet comporte une annexe relative aux actes usuels. Celle-ci précise notamment les actes usuels de l'autorité parentale que la personne physique ou morale à qui l'enfant est confié ne peut pas accomplir au nom du service de l'ASE sans lui en référer préalablement.

Conseil national de la protection de l'enfance : de mauvais souvenirs pour les départements

Le second décret du 29 septembre (2016-1284) précise les missions, la composition et les modalités de fonctionnement du Conseil national de la protection de l'enfance. Ce texte ne rappellera pas forcément de bons souvenirs à certains départements et plus encore au Sénat. Ce dernier s'était vivement opposé à la création de cette instance, considérant qu'il s'agissait là d'une immixtion de l'Etat dans un domaine transféré aux départements en 1982-1982, voire d'une reprise en main dont le gouvernement se cachait d'ailleurs à peine (voir nos articles ci-contre du 18 mai 2015 et 27 janvier 2016).
Le décret prévoit en effet que le Conseil national "favorise la coordination des acteurs de la protection de l'enfance". Dans ce cadre, le conseil national propose au gouvernement les orientations nationales de la protection de l'enfance" dans le but de construire une stratégie nationale", rend des avis ou formule des propositions sur toutes les questions concernant la protection de l'enfance et contribue à orienter les études stratégiques, les travaux de prospective et d'évaluation menés dans le champ de la protection de l'enfance. C'est toutefois le fait qu'il "promeut la convergence des politiques menées au niveau local en s'appuyant sur les expériences conduites au niveau territorial comme à l'étranger", qui a été le plus vécu comme une remise en cause de la décentralisation.
Les élus auront du mal à se faire entendre au sein de cette instance, placée auprès du Premier ministre mais présidée par le ministre chargé des Familles et de l'Enfance, puisque le décret prévoit qu'ils seront au nombre de 13 (deux députés, deux sénateurs, neuf conseillers départementaux), sur un total de 79 membres !... Un chiffre qui, en ces temps de recherche de performance de l'action publique, fait d'ailleurs craindre une instance difficilement gouvernable, à l'image du conseil d'administration de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). De façon plus classique, le décret détaille ensuit les modalités habituelles de fonctionnement d'une instance de ce type.

Observatoire départemental de la protection de l'enfance : une composition "pluri-institutionnelle"

Enfin, le troisième décret du 29 septembre (2016-1285) fixe la composition "pluri-institutionnelle" de l'observatoire départemental de la protection de l'enfance (ODPE), également créé par la loi du 14 mars 2016. Placé sous l'autorité du président du conseil départemental, l'ODPE comprend des représentants de tous les acteurs locaux concernés par la protection de l'enfance : Etat, élus du conseil départemental, représentants des services départementaux concernés (ASE, PMI et service social départemental), directeur de l'ARS, représentants des magistrats du siège et du parquet, CAF, maison départementale des personnes handicapées (MDPH), ordre des avocats, associations concourant à la protection de l'enfance (notamment des gestionnaires d'établissements et services), représentants de l'ordre des médecins et des professionnels de santé concernés (pédiatrie, pédopsychiatrie, périnatalité)...

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : décret 2016-1283 du 28 septembre 2016 relatif au référentiel fixant le contenu du projet pour l'enfant prévu à l'article L.223-1-1 du Code de l'action sociale et des familles. Décret 2016-1284 du 29 septembre 2016 pris en application de l'article L.112-3 du Code de l'action sociale et des familles et relatif aux missions, à la composition et aux modalités de fonctionnement du Conseil national de la protection de l'enfance. Décret 2016-1285 du 29 septembre 2016 pris en application de l'article L.226-3-1 du Code de l'action sociale et des familles et relatif à la composition pluri-institutionnelle de l'observatoire départemental de la protection de l'enfance (Journal officiel du 30 septembre 2016).

 

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