Un Atlas du logement pour réarmer les maires face à la crise
Face à l'urgence immobilière et aux disparités régionales, l'Atlas du logement d'Icade et OPC, publié ce lundi 8 décembre, se positionne comme un outil de planification, exhortant les élus locaux à se saisir de diagnostics territoriaux fins pour transformer l'action publique, du neuf à la rénovation.
© Icade
La crise du logement, qui frappe la France avec une ampleur inédite, est aussi vécue au quotidien par les élus locaux. Dans les permanences municipales, la demande d'aide au logement finit par supplanter celle d'emploi, reflet de l’urgence sociale et économique. C’est dans ce contexte que le groupe Icade et le cabinet de conseil OPC ont conçu leur Atlas du logement, non pas comme un simple recueil de chiffres, mais comme une grille de lecture pour mieux agir.
L’ambition est claire : "Outiller et accompagner les élus, les décideurs locaux, pour répondre au mieux aux enjeux de leur territoire et satisfaire les attentes de leurs habitants", comme le précise Nicolas Joly, directeur général d’Icade. L'ouvrage met en lumière des réalités locales complexes et contrastées, des zones en tension aux territoires en transition.
La géographie des fractures
L’apport essentiel de cet Atlas, paru ce lundi 8 décembre, réside en effet dans son analyse des dynamiques territoriales à l’échelle de l’intercommunalité. Une lecture fine qui révèle l’hétérogénéité du marché, allant des zones en tension aux territoires en déprise.
Ainsi, bien que l'offre de logements ait progressé de 11,5% en dix ans, la vacance, elle, persiste. La vacance structurelle — soit 3,4% des logements du parc privé inoccupés depuis plus de deux ans — est massivement concentrée dans les territoires en déclin le long de la fameuse "diagonale du vide". Par ailleurs, la pression foncière dans les métropoles se traduit par une offre inadaptée : alors que seulement 5,8% des résidences principales françaises ne comportent qu'une pièce, ce chiffre atteint 15,7% dans la métropole du Grand Paris. Inversement, les logements de trois pièces ou plus dominent dans les espaces ruraux et périurbains. Enfin, l’Atlas souligne que plus de 20% de la population a désormais plus de 65 ans. Les seniors se concentrent dans les littoraux et le long du "Y du vide", soulevant des questions cruciales d'adaptabilité du bâti et de précarité énergétique.
Des leviers locaux sur mesure
Pour Olivier Portier, analyste territorial à OPC, l'approche doit donc être systémique, croisant les données démographiques, économiques et environnementales pour révéler les "logiques profondes qui structurent les territoires". Il s'agit de lire le logement non comme un objet technique, mais comme le miroir des enjeux de transition, d'attractivité et de cohésion.
Concrètement, l'étude suggère plusieurs pistes d'actions qui découlent de cette analyse fine. Au-delà de la simplification des normes et de l'accélération des procédures (des revendications de longue date portées par les professionnels de tous bords), les acteurs de la ville sont invités à cibler avec précision les marchés en tension et à adapter leur offre à de nouvelles formes d’habitat. Cela implique également de s’associer au sein d’opérations mixtes ou partenariales et d’innover pour solvabiliser les ménages.
Un nouveau pacte de confiance entre l’État et les territoires
Si les solutions doivent être ancrées dans le réel local, l’Atlas souligne que l’État ne peut s’exonérer d’une "réponse nationale de premier niveau" indispensable. Le gouvernement est ainsi invité à actionner des leviers majeurs pour rattraper le retard de l'offre. Il est préconisé de relancer l’accession grâce à un prêt à taux zéro (PTZ) étendu et à des dispositifs de donation adaptés, et de rendre à l’investissement locatif privé un cadre lisible, notamment grâce au statut du bailleur privé (dont la version adoptée par le Sénat la semaine passée est loin de satisfaire les acteurs - voir notre article). De plus, il est jugé crucial de redonner des marges de manœuvre aux bailleurs sociaux et de soutenir l’hébergement d’urgence, tout en intensifiant les efforts de rénovation énergétique.
Mais cette réponse initiale ne suffit pas. Pour bâtir l'avenir, Valérie Létard, ancienne ministre du Logement et députée de la 21e circonscription du Nord, insiste sur la nécessité de conjuguer une stratégie nationale claire avec une confiance renouvelée envers les élus. "L’État doit faire confiance, donner des leviers, clarifier les règles", estime-t-elle, notamment concernant la loi SRU et les procédures d’attributions de logements sociaux. À l'aube de nouveaux mandats, un "nouveau pacte" est à construire, permettant aux maires de rétablir la confiance dans l’efficacité de l’action publique.