Un comité interministériel de la mer avec la défense des océans à l’horizon

Biodiversité et lutte contre la pêche illégale, littoral et qualité des eaux côtières, décarbonation du secteur maritime, énergies marines renouvelables… : ces thématiques étaient au programme du comité interministériel de la mer (CIMer) qui s’est tenu ce 26 mai à Saint-Nazaire sous la présidence du Premier ministre François Bayrou. Avec à l’arrivée des décisions intéressant les collectivités du littoral, qu’il s’agisse de la réflexion sur les leviers de financement à mobiliser pour l’adaptation au recul du trait de côte, l’élaboration cette année d’une feuille de route pour l’amélioration de la qualité des eaux côtières ou le lancement d’un troisième plan de lutte contre les sargasses aux Antilles, la simplification des documents stratégiques de façade ou le lancement d’une consultation sur les conditions de réalisation d’un projet éolien en mer à La Réunion.

Deux semaines avant l'accueil par la France, le 9 juin à Nice, de la troisième conférence des Nations unies sur l'océan (Unoc 3), autour de laquelle le gouvernement a lancé une "Année de la mer", François Bayrou a présidé ce 26 mai à Saint-Nazaire un Comité interministériel de la mer (CIMer), après une visite en début d’après-midi des Chantiers de l'Atlantique. Quatre ministres accompagnaient pour l’occasion le chef du gouvernement - Agnès Pannier-Runacher (Transition écologique, Biodiversité, Forêt, Mer et Pêche), Amélie de Montchalin (Comptes publics), Marc Ferracci (Industrie et Énergie) et Philippe Tabarot (Transports).

Trois grandes menaces

"Aujourd'hui comme hier, notre avenir (...) se joue au large", a affirmé le Premier ministre sur le pont du pétrolier ravitailleur de la Marine nationale Jacques Stosskopf, à l'issue du CIMer. La France, métropolitaine et ultramarine, dispose de la deuxième plus grande surface maritime du monde avec 11 millions de kilomètres carrés de mers et d'océans et 20.000 km de côtes. Face à la menace économique, "avec une concurrence internationale accrue qui fragilise le modèle économique de nos filières maritimes", à la menace environnementale, "avec une aggravation de la pollution qui met en péril la biodiversité marine" et la menace géopolitique, "avec l'apparition de nouveaux risques", "nous devons apporter une réponse qui soit claire, efficace et durable", a relevé le chef du gouvernement.

Le CIMer 2025 s'est penché sur six thématiques : la biodiversité et la lutte contre la pêche illégale, le littoral et la qualité des eaux côtières, la décarbonation du secteur maritime, la compétitivité des filières et la formation professionnelle, les énergies marines renouvelables, ainsi que l'aspect régalien. Pour chacune d’entre elles, des décisions ont été arrêtées dont certaines intéressent directement les collectivités. Le président de la République se réserve toutefois quelques annonces pour la conférence onusienne de Nice, dont pourrait faire partie l'interdiction du chalutage dans les aires marines protégées.

Recul du trait de côte : "le littoral doit financer le littoral"

Face au changement climatique qui fait reculer le trait de côte, le gouvernement soutient le principe selon lequel "le littoral doit financer le littoral" avec des actions d'adaptation portées par les collectivités, ce qui laisse augurer de nouveaux débats autour du futur projet de loi de finances (PLF) pour 2026, qui s’annonce très contraint. À la recherche "de leviers fiscaux innovants", Matignon veut consulter les élus afin de créer des "contributions ciblées sur les usages liés à l’agrément du littoral". En d’autres termes, taxer certaines activités touristiques et "mobiliser une partie de ces recettes" à l’adaptation de la bande côtière, "dont les coûts vont fortement augmenter au cours des prochaines années et décennies".

Pour améliorer la qualité des eaux côtières, qui constitue un élément prépondérant pour les activités humaines pratiquées sur le littoral (aquaculture, pêche à pied et de loisir, baignade…), le CIMer a décidé qu’une feuille de route interministérielle sera élaborée cette année sans donner plus de détail sur le calendrier.

Nouveau plan de lutte contre les sargasses aux Antilles

Alors que la biodiversité marine est soumise à de multiples pressions, le gouvernement s’engage à simplifier la destruction par immersion des navires pratiquant une activité de pêche illicite, non déclarée, non réglementée, en Guyane et prévoit le lancement "dans les mois qui viennent", selon François Bayrou d’un troisième plan de lutte contre la prolifération des sargasses, ces algues brunes aux émanations toxiques qui envahissent le littoral des Antilles. Le plan sera axé notamment sur "le soutien à la collecte et à la destruction de ces algues, ce qui passe par le recours accru à des navires" appelés "sargators, capables de collecter seize tonnes d'algues par heure", "à des grues et à des barges de stockage dédiées", a détaillé le Premier ministre.

Les travaux de révision de la feuille de route "zéro déchet plastique en mer 2025" seront aussi lancés pour la période 2026-2030. Le CIMer a aussi décidé de simplifier le processus de mise à jour de la stratégie nationale mer et littoral (SNML) et des documents stratégiques de façade (DSF) et de redéfinir et réorganiser le contenu de ces derniers "en vue de renforcer leur efficience et leur pertinence, leur appropriation par les acteurs, le lien avec la SNML ainsi qu’avec d’autres dispositifs de planification (Sdage, Scot…)". Face au développement de la plaisance et aux risques que cette activité peut occasionner pour certains milieux marins sensibles (les herbiers de posidonie, par exemple), le gouvernement souhaite en outre mettre en place une stratégie globale de gestion des mouillages, qu’ils soient organisés ou forains, pour des pratiques nautiques respectueuses de l’environnement.

Décarbonation du secteur maritime : de nouveaux "levers financiers et fiscaux"

Autre thématique sur laquelle le gouvernement compte agir en mobilisant des "leviers financiers et fiscaux" la décarbonation du secteur maritime. François Bayrou a annoncé lundi l'affectation de 90 millions d'euros issus du marché européen des émissions polluantes à la décarbonation du secteur maritime. Le CIMer "a décidé que les revenus générés par le marché carbone européen maritime seront mobilisés pour participer à la décarbonation du secteur maritime", a expliqué le Premier ministre.

Il s'agit de recettes générées par le marché européen (ETS) des quotas d'émissions de CO2 dans le transport maritime, intégré à ce marché depuis le 1er janvier 2024. Elles pourront financer à partir de 2026 "la modernisation des navires, les infrastructures portuaires et la production de carburants alternatifs", a précisé une source gouvernementale. Ces moyens augmenteront dans les prochaines années parce que "les recettes du marché carbone seront elles-mêmes en croissance", a-t-on assuré de même source. L'intégration du transport maritime à ce marché carbone "va générer un flux financier qui abondera pour partie le Fonds d'innovation de l'Union européenne et sera en partie reversé aux États membres selon une clé de répartition qui est historique", a-t-on expliqué.

Retombées financières des parcs éoliens en mer

Le gouvernement entend aussi "mobiliser à court terme" les retombées financières des parcs éoliens en mer pour renouveler une flotte de pêche vieillissante. En 2023, le président Emmanuel Macron avait évoqué une enveloppe de 700 millions d'euros fondée sur la future fiscalité de ces projets. Pour l'éolien, des "études préalables de faisabilité" vont être lancées pour un éventuel projet d'éolien en mer sur l'île de la Réunion. Le comité a aussi abordé la "poursuite et la valorisation" des travaux de l’observatoire national de l’éolien en mer installé en 2022, qui dispose d’un "budget de 50 millions d’euros pour trois ans". Pour rappel, la France prévoit de disposer d'une capacité de production de 18 gigawatts (GW) d'éolien en mer en 2035 et 45 GW en 2050, contre 1,5 GW aujourd'hui. 

"Dans l’optique du PLF 2026", une "réforme" de la fiscalité sur les navires de plaisance (taxe annuelle sur les engins maritimes à usage personnel ou TAEMUP) est aussi annoncée, à des fins de "meilleure équité fiscale" et d’"incitation à la décarbonation". "Une attention particulière sera portée au maintien du fléchage des produits de la TAEMUP au profit de ses affectataires (Conservatoire du littoral, collectivité de Corse, SNSM)", est-il précisé. Est également prévue l’évolution "ciblée", dans le cadre du prochain PLF, "des taux pour les TPE et les PME du dispositif de 'suramortissement vert' pour les investissements entièrement décarbonés des navires".

Vers une évolution du régime de responsabilité juridique des sauveteurs en mer

Sur le régalien, le gouvernement va lancer une mission parlementaire pour faire évoluer le régime de responsabilité juridique des sauveteurs en mer, parfois mis en cause dans leurs actions bénévoles, et étudier son élargissement à d'autres sauveteurs comme les garde-côtes. Face aux nouvelles menaces géopolitiques et pour garantir la "souveraineté maritime" du pays, le CIMer a validé l'étude d'une "force maritime de complément" à la Marine nationale, et le projet d'améliorer la réquisition des navires de commerce "en temps de crise".

 

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