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Asile / Enfance - Un décret met en place les nouvelles modalités d'évaluation des MNA et le fichier biométrique

Comme annoncé par le gouvernement (voir notre article ci-dessous du 31 octobre 2018), le Journal officiel publie un décret du 30 janvier 2019 "relatif aux modalités d'évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et autorisant la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à ces personnes". Il s'agit en particulier de la mise en place du fichier biométrique, qui doit centraliser les informations sur l'identification et la détermination de l'âge des mineurs non accompagnés (MNA). Les versions de travail de ce décret n'ont pas manqué de susciter des réactions de la part des associations et du Défenseur des droits (voir notre article ci-dessous du 20 décembre 2018).

Les départements pourront demander l'appui de l'Etat pour l'évaluation

Le décret modifie la procédure d'évaluation des personnes se déclarant MNA, en vue de "renforcer le concours de l'Etat à l'évaluation de la minorité et notamment permettre aux services de l'Etat d'apporter une contribution à l'identification de la personne". A ce titre, l'article 1er du décret modifie l'article R.221-11 du Code de l'action sociale et des familles, en précisant que "le président du conseil départemental peut demander au préfet de département et, à Paris, au préfet de police de l'assister dans les investigations [...], pour contribuer à l'évaluation de la situation de la personne au regard de son isolement et de sa minorité". Cette saisine se fait en précisant la date à laquelle l'évaluation de la situation de la personne par la département a pris fin, en précisant si le président du conseil départemental estime que la personne est majeure ou mineure, le cas échéant privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille.

La personne se présentant comme MNA doit alors communiquer aux agents habilités des préfectures "toute information utile à son identification" et au renseignement du fichier biométrique. Le préfet communique alors au président du conseil départemental "les informations permettant d'aider à la détermination de l'identité et de la situation de la personne". Le président du conseil départemental peut également solliciter le concours du préfet pour vérifier l'authenticité des documents détenus par la personne se disant MNA.

Le décret du 30 janvier précise aussi que les entretiens avec cette dernière "sont conduits par des professionnels justifiant d'une formation ou d'une expérience définie par arrêté [...] dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire et se déroulent dans une langue comprise par l'intéressé".

Un fichier pour "prévenir le détournement du dispositif de protection de l'enfance"

L'article 2 du décret autorise la création d'un traitement de données à caractère personnel d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM) des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. Les objectifs de ce fichier sont notamment "d'identifier, à partir de leurs empreintes digitales, les personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et ainsi de lutter contre la fraude documentaire et la fraude à l'identité". Il vise aussi à "améliorer la fiabilité de l'évaluation et d'en raccourcir les délais", à "accélérer la prise en charge des personnes évaluées mineures" et à "prévenir le détournement du dispositif de protection de l'enfance par des personnes majeures ou des personnes se présentant successivement dans plusieurs départements".

Ce fichier biométrique intègre notamment "les images numérisées du visage et des empreintes digitales de deux doigts". Il peut contenir également une quinzaine de données d'identification (état civil, langue parlée, environnement familial), mais aussi des données fournies par le département : le numéro de procédure du service de l'ASE, la date à laquelle l'évaluation de la situation de la personne a pris fin et l'indication des résultats de l'évaluation au regard de la minorité et de l'isolement, ainsi que, le cas échéant, l'existence d'une saisine de l'autorité judiciaire par une personne évaluée majeure et la date de la mesure d'assistance éducative lorsqu'une telle mesure est prononcée.

Pas d'accès direct au fichier, mais la possibilité d'être destinataire des informations

Si les départements ne peuvent pas accéder directement à ce fichier, les personnels en charge de la protection de l'enfance du département concerné, individuellement désignés et spécialement habilités par le président du conseil départemental, peuvent en revanche "être destinataires des données à caractère personnel et informations du fichier [...], à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître, à l'exclusion de l'image numérisée des empreintes digitales".

Les données ainsi recueillies par le fichier sont effacées un an au plus à compter de la notification au préfet de la date à laquelle l'évaluation de la situation de la personne a pris fin (ou dans un délai de 18 mois à compter de l'enregistrement si le président du conseil départemental omet de signaler cette date).

Le décret précise également que, préalablement à la collecte de ses données, la personne se déclarant MNA est informée, par un formulaire dédié "et rédigé dans une langue qu'elle comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'elle la comprend ou, à défaut, sous toute autre forme orale appropriée", de la nature des données collectées, de l'enregistrement des empreintes digitales, mais aussi du fait que le président du conseil départemental compétent sera informé d'un éventuel refus de fournir des informations utiles à son identification. Elle doit également être informée du fait que, si elle est de nationalité étrangère et évaluée majeure, "elle fera l'objet d'un examen de sa situation et, le cas échéant, d'une mesure d'éloignement". Enfin, les derniers articles du décret procèdent à diverses adaptations et modifications consécutives dans la partie réglementaire du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Références : décret n°2019-57 du 30 janvier 2019 relatif aux modalités d'évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et autorisant la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à ces personnes (Journal officiel du 31 janvier 2019).