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Congrès HLM 2015 - Un manifeste pour une politique de l'habitat des territoires désindustrialisés

Cinq présidents d'association régionale de l'Union sociale pour l'habitat (*) ont présenté, mardi 22 septembre dans l'après-midi, à l'occasion du congrès de l'USH, les grandes lignes de ce qui pourrait devenir un "Manifeste pour une autre politique de l'habitat dans les territoires dits 'détendus'". Le document devrait sortir en novembre prochain.
L'initiative fait suite à la journée d'échanges du Creusot, organisé le 23 juin dernier et qui avait pour la première fois mis en exergue les spécificités des organismes HLM dont le parc est situé dans des territoires en décroissance industrielle et - conséquence directe – en décroissance démographique (voir notre article ci-contre du 29 juin 2015).

Vacance du parc, paupérisation et un vieillissement des locataires

Dans ces territoires, où les industries ont fermé et où les populations sont parties ou se sont appauvries, le parc social est confronté à une vacance galopante, une paupérisation et un vieillissement de ses locataires. Le tout accompagné de réels besoins de services en termes d'accompagnement social, d'entretien du patrimoine, voire de réhabilitation lourde, dans un contexte où les finances publiques qui se font rares ont davantage tendance à s'orienter vers les zones qui créent de l'emploi et où le marché du logement est tendu.
Le projet de manifeste a autant des allures de diagnostic que de programme d'actions. Comme si l'heure était encore à la prise de conscience des acteurs des politiques publiques de l'habitat (nationales, régionales, départementales et du bloc local). Sur ce point, ils ont été entendus par Sylvia Pinel. En ouverture du congrès, la ministre du Logement, qui est aussi celle de l'Egalité des territoires, a déclaré : "Il ne faut pas se cantonner à la seule production dans les zones en tension mais également prendre en compte la situation des zones détendues, qui peuvent être confrontées à la vacance ou à un habitat dégradé, et donc au besoin de revitalisation du patrimoine." Elle s'est même dit attachée "à ce que chaque territoire reçoive une réponse appropriée à ses spécificités".

Des contrats de territoire intégré aux Sraddet ?

Pour autant, le futur manifeste ne se cantonnera pas au logement social, car selon ses initiateurs, l'enjeu est de faire bouger la façon de faire les politiques globales de l'habitat (habitat public et habitat privé). Il devrait demander la mise en place de contrats de territoire qui fixeraient les priorités "pour le parc public et privé", dans le cadre des futurs schémas régionaux d'aménagement et de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) introduits par la loi Notr.
Car c'est bien au niveau régional que la stratégie doit se penser, le PLH communal ou intercommunal étant semble-t-il, quand il existe, trop souvent réalisé a minima et sans véritable vision politique. Les auteurs du manifeste dénoncent ainsi une tendance à avoir surestimé les besoins en logements, aussi bien publics que privés. Ce manque de clairvoyance aurait conduit à une surproduction de l'ordre de 24%, entre 2006 et 2011, dans les régions Auvergne, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Lorraine. C'est-à-dire que plus de 9.000 logements, sur les 38.500 logements construits durant cette période et dans ces régions, sont restés vides !

Des sociétés régionales de défaisance ?

Les signataires du manifeste demanderont également "que la réhabilitation du parc soit définie à partir des objectifs stratégiques des organismes, des priorités des EPCI et de la réalité des marchés". Quitte à s'affranchir - via l'expérimentation - des réglementations issues du "cadre conceptuel conçu dans les années 70" et considérées aujourd'hui inadaptées aux spécificités de ces territoires.
Le manifeste devrait également demander que "la démolition du parc obsolète soit intégrée dans les politiques locales". Ses auteurs estiment en effet que "après avoir accompagné l'industrialisation des territoires", il ne serait pas juste que les bailleurs soient "les seuls à porter la remise sous tension des marchés du logement". Traduction : les bailleurs sociaux, qui ont construit des logements à la demande des entreprises industrielles alors florissantes, pour loger leurs salariés, ne veulent pas être les seules à payer le coût des démolitions des logements désertés suite à la fermeture ou à la délocalisation de usines (et suite à une mauvaise anticipation des besoins en logement de la part des politique publique, comme on vient de le voir).
L'idée de sociétés de défaisance de niveau régional est à l'étude. Leurs ressources seraient alimentées par les bailleurs eux-mêmes et l'Etat, mais aussi par des collectivités locales et, pourquoi pas, Action Logement. Leur objet serait de racheter aux organismes HLM le parc social obsolète et vacant, de le démolir et de porter le foncier.

Valérie Liquet, à Montpellier

(*) Fabrice Hainaut, président de l'association régionale Auvergne, Jacques Holjo, président de l'USH Bourgogne, Jean-Marie Schleret, président de l'Arelor HLM, Marie-Hélène Ivol, présidente de l'USH Franche-Comté, et Christophe Villers, président de l'Arca.