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Territoires ruraux - Un projet de loi pour remettre à plat les "communaux"

Les communaux ? On nomme ainsi les biens appartenant aux sections de commune, ces espaces infracommunaux tombés dans l'oubli... sauf dans certaines régions rurales où cette survivance n'est pas dénuée de tensions et serait un frein à "un aménagement rationnel du territoire". Un groupe de travail diligenté par le secrétaire d'Etat aux Collectivités prépare une réforme de ces biens de section pour la fin de l'année.

La Révolution française a créé la commune sans abolir ce que dans le langage courant on appelle les "communaux", et qui correspond en droit à la notion de "sections de commune". Le Code général des collectivités territoriales définit celles-ci comme "toute partie d'une commune possédant à titre permanent ou exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune". Les "biens de section" sont essentiellement des forêts et des pâturages, plus rarement des terres cultivées. Toute personne ("ayant droit") domiciliée de façon régulière dans le ressort de la section de commune en a la jouissance, laquelle s'exerce de manière collective. Les habitants concernés peuvent ainsi, par exemple, obtenir sans frais du bois de chauffage pour leur propre consommation (ce qu'on appelle "l'affouage").

La gestion courante de la section est assurée par le maire et le conseil municipal. Cependant, lorsque la section dispose d'un certain revenu et qu'elle compte dix électeurs au moins, une commission syndicale peut être constituée et participe, avec la municipalité, à une gestion à deux têtes de la section.

En 1999, on recensait près de 27.000 sections de commune sur tout le territoire français. Des sections qui, en fait, étaient particulièrement concentrées dans le Massif central et sur ses contreforts. Un rapport de l'Inspection générale de l'administration de 2003 (à télécharger ci-contre) portant sur les biens de section est venu critiquer un cadre juridique et une gestion complexes. En outre, il estimait que les sections favorisaient "une approche morcelée du territoire" et relevaient "une attitude conservatrice" d'habitants qui "admettent très difficilement l'arrivée de nouveaux habitants ou exploitants pour ne pas avoir à partager les recettes ou les produits des biens" - d'où, même, un obstacle à l'installation de jeunes agriculteurs. Le rapport concluait que les sections de commune étaient "un frein souvent incompatible avec un aménagement rationnel du territoire rural". Il reprenait ainsi l'un des griefs récurrents émis par beaucoup de maires à l'encontre de cette institution ancestrale.

Expropriations

Du coup, entre 2004 et 2006, trois lois ont tenté d'apporter des améliorations ponctuelles en assouplissant certaines règles de gestion des biens de section. En permettant aussi le transfert des biens à la commune en cas de "désintérêt des électeurs" de la section ou lorsque les impôts de la section ont été pris en charge par le budget communal pendant plus de cinq ans.

Aujourd'hui, certains élus locaux jugent ces avancées insuffisantes et réclament de nouvelles évolutions. Les maires du Cantal, en particulier, ont défini un corps de propositions dévoilées à la presse le 12 février dernier, soit quelques jours après une initiative de Jacques Mézard, sénateur du même département, visant - en première lecture du projet de loi de réforme des collectivités - à "rendre plus facile, pour les maires, le recours à l'expropriation et à l'indemnisation des ayants droit". L'amendement n'a pas été retenu mais il a poussé le secrétaire d'Etat aux Collectivités locales à créer un groupe de travail national composé d'élus locaux ainsi que de représentants de l'Etat et du monde agricole qui doit se réunir pour la deuxième fois dans la seconde quinzaine du mois d'octobre. Son objectif : simplifier et clarifier les règles de la gestion des biens de section afin de limiter les contentieux et préciser juridiquement la procédure d'"achat" des biens en question par la commune. Autrement dit, les règles d'une expropriation des "ayants droit" en bonne et due forme. En la matière, le gouvernement marche sur des oeufs : la loi de décentralisation du 13 août 2004 a déjà créé une procédure allégée d'expropriation, mais qui ne prévoyait pas d'indemnisation. Les tribunaux la jugent contraire à la convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales.

"Laisser les commissions syndicales gérer les biens de section"

Les travaux du groupe de travail doivent déboucher sur la rédaction d'un projet de loi qui sera prêt "à la fin de l'année ou début 2011", assure le cabinet du secrétaire d'Etat. A noter que c'est précisément à la fin de l'année que le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur l'état des biens de section "identifiant les obstacles à leur gestion durable et proposant des solutions qui pourront faire l'objet d'un projet ou d'une proposition de loi". C'est en effet ce que prévoit, à la suite d'un amendement sénatorial, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010.

La Fédération des ayants droit de section communale (FASC), qui revendique 2.500 adhérents à travers toute la France, s'étonne qu'on puisse considérer les sections de commune comme "un frein" au développement rural. En outre, elle minimise les difficultés liées à leur gestion. "Les problèmes de gestion viennent des communes. Si elles laissaient les commissions syndicales gérer les biens de section, tout irait bien. Mais les municipalités ne veulent pas, parce que ces commissions représentent un conseil municipal bis", réagit Albert Chaumet, secrétaire national de la FASC. La fédération des ayants droit n'est pas représentée au sein du groupe de travail mis en place par Alain Marleix. "On dérange", assure Albert Chaumet.
 

Thomas Beurey / Projets publics
 

 

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