Une nouvelle approche du développement économique fondée sur la "vitalité territoriale"

À l'approche des élections municipales, Vincent Gollain, économiste-consultant, et Arnaud Ménard, directeur général d'Impulse Partners ont proposé, devant le Cner, le 18 septembre, une nouvelle méthode de développement économique à l'échelle territoriale. Il s'agit de dépasser une approche purement financière et productive de l'économie locale pour s'intéresser à la "vitalité territoriale". Explications. 

À Nantes, un archipel de 20 hectares entièrement dédié à la santé est sur le point d'émerger : futur CHU, faculté de santé qui accueillera 7.000 étudiants à horizon 2030, Instituts de recherche et de santé, campus d’entreprises et de R&D ouvert aux entrepreneurs et aux chercheurs baptisé "Station S"... Un projet hors normes qui coche toutes les cases de la méthode de développement territorial que Vincent Gollain, économiste-consultant, et Arnaud Ménard, directeur général d'Impulse Partners, entendent promouvoir dans une étude présentée le 18 septembre 2025 lors d'un webinaire organisé par le Cner. Les deux auteurs ont ainsi croisé leur point de vue pour mettre au point une grille méthodologique qui dépasse la lecture purement financière et productive de l'économie locale, en misant davantage sur la notion de "vitalité territoriale". "L'enjeu, c'est de regarder les territoires différemment d'une approche uniquement financière, a expliqué Vincent Gollain, également directeur des études au Cner, durant la présentation, d'autres enjeux apparaissent, environnementaux, sociaux, la résilience, le long terme, la solidarité…" L'idée est ainsi de reconstruire des modèles économiques qui, tout en cherchant à générer de l'emploi et du niveau de vie, tiennent aussi compte de ces enjeux environnementaux et sociaux.

Les cinq composantes d'une économie territoriale

La méthode à laquelle les deux auteurs ont abouti met en avant les cinq composantes autour desquelles une économie territoriale s'organise : la vitalité territoriale, qui repose sur l'énergie entrepreneuriale des acteurs économiques et sur le dynamisme de la population (formation, recherche, innovation, intensité et qualité des interactions, tissus associatifs), les piliers, à savoir l'ensemble des aménités qui contribuent au dynamisme économique du territoire (l'offre immobilière et foncière, les infrastructures, les équipements…), les services proposés par les pouvoirs publics pour accompagner les acteurs économiques et leurs salariés, le rayonnement du territoire, c'est-à-dire son image, sa marque territoriale, et enfin la résilience territoriale, à savoir sa capacité à s'impliquer en matière de RSE et à penser à moyen et long terme ces enjeux.

"C'est à la croisée des composantes que se joue la stratégie territoriale", souligne le document. "Ce qui nous intéresse, c'est la résonance entre ces composantes, a insisté Arnaud Ménard, ainsi, si un territoire n'a pas anticipé certains aléas liés à sa dépendance à une énergie ou à un secteur, les services qui sont proposés, même s'ils existent et sont bons, ne serviront à rien". Autre point important : la définition du rôle à donner aux collectivités en matière de mode d'intervention, de compétences, de moyens et de complémentarité, sachant que les compétences sont souvent organisées en silo et que les contraintes budgétaires sont particulièrement fortes.

Redécouvrir et valoriser les pépites des territoires

La méthode permet aussi de redécouvrir et de valoriser les "pépites" des territoires, quelle que soit leur nature (site clé en main, expertise clé, projet porté localement, dynamique d'écosystèmes, équipement important comme un hôpital, etc.) dans une vision qui dépasse les priorités économiques. "Avec les envies d'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, les enjeux nés des grandes transitions, il n'est plus possible de limiter une stratégie économique sans tenir compte des autres enjeux et politiques publiques", insiste la note. Il s'agirait de mieux identifier ces pépites qui "ne demandent qu'à être stimulées pour contribuer à améliorer le niveau de vie des habitants", afin de mieux les accompagner.

La nouvelle méthode repose aussi sur une vision ambitieuse et sur une conjugaison entre cette vision et l'agilité opérationnelle du territoire. "Il est essentiel pour nous que les collectivités territoriales mettent en place les conditions permettant de bâtir avec les parties prenantes locales une vision stratégique au moins à 15 ans", affirment les auteurs. La vision ne doit pas s'enfermer dans des actions trop précisément définies alors que les incertitudes se multiplient.

Elle doit être associée à la mise en place de dispositifs de gouvernance et de management de projet, permettant de mobiliser à la bonne hauteur les parties prenantes territoriales. Car "il est impossible de réussir seul", assure le document.

Des pré-diagnostics à établir par les nouveaux maires

Les auteurs proposent aux futurs nouveaux élus, qui seront issus des élections municipales de mars 2026, de s'appuyer sur leur méthode. Dans un premier temps, il leur faudrait élaborer un pré-diagnostic sur cette base pour identifier les pépites de leur territoire, et ensuite établir leurs orientations stratégiques clés pour poser les bases d'un projet économique ambitieux.

À cet égard, les deux auteurs mettent à l'honneur l'initiative de Nantes métropole qui, pour son quartier de la santé, a su "s’appuyer sur une maitrise foncière patiente et ciblée" et dont la stratégie repose sur cinq piliers : le soin avec le futur CHU, la formation avec la faculté, la recherche, l’innovation et l’entrepreneuriat avec la Station S inaugurée au mois de juin et un démonstrateur de la "Ville santé et bien-être". Ce macro-projet "s'inscrit dans une vision stratégique, qui s’appuie sur un écosystème d’acteurs engagés (CHU, Université de Nantes, Atlanpôle et la CCI) et sur des pépites territoriales avec ses entreprises innovantes en santé". L'étude puise dans d'autres exemples comme celui du Grand Soissons, où ce sont les piliers territoriaux qui ont été renforcés : requalification des espaces publics, réhabilitation des friches, créations d'équipements de services aux habitants et entreprises et le rayonnement du territoire a été soutenu par une politique offensive d'attractivité et de marketing territorial. La requalification du centre-ville par l'architecte Jean-Michel Wilmotte, qui vient de ce territoire, le développement du réseau de chaleur, et d'une filière agro-matériaux, ont également permis de placer la résilience territoriale parmi les priorités.

 

 

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