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Vaccination et pass sanitaire : précisions, réactions… et encore beaucoup de questions

Les annonces d'Emmanuel Macron le 12 juillet au soir ont naturellement donné lieu à un flot de réactions et questionnements. Plusieurs membres du gouvernement ont apporté des précisions ce mardi 13 juillet, à commencer par Garbiel Attal à l'issue du conseil des ministres. Que ce soit sur la vaccination obligatoire de certains personnels - la mesure s'imposerait à environ quatre millions de personnes, dont 1,5 million ne sont pas encore vaccinées, selon le gouvernement - ou sur la présentation d'un pass sanitaire pour accéder à un grand nombre de lieux publics. Mais il faudra attendre le 19 juillet avec la présentation en conseil des ministres du projet de loi dédié à ces mesures pour en savoir plus. La discussion de ce texte au Parlement aura lieu dans la foulée.

L'assaut - Les sites de rendez-vous de vaccination ont été pris d'assaut après les annonces d'Emmanuel Macron imposant le pass sanitaire à l'entrée de la plupart des lieux publics et rendant obligatoire la vaccination des soignants et de ceux au contact des personnes fragiles. L'effet a été immédiat. "Près de 1,3 million de rendez-vous" ont été pris sur le site Doctolib entre l'allocution présidentielle et mardi à la mi-journée, selon le patron du site. Et "plus de 3,4 millions de recherches de rendez-vous ont été réalisées" lundi sur le moteur de recherche Vite Ma Dose, selon son concepteur, Guillaume Rozier.

Le principe… et le timing - L'extension du pass sanitaire aux activités du quotidien et la vaccination obligatoire des soignants subiront-elles la censure du Conseil constitutionnel ? Des spécialistes du droit interrogés mardi par l'AFP sont divisés. En tout cas, beaucoup considèrent le calendrier présenté par le chef de l'Etat comme "totalement irréaliste" : "C'est une stratégie de l'immédiat, dans trois semaines tout le monde doit être vacciné, ce n'est pas faisable !", juge par exemple Serge Slama, professeur de droit public. En tenant compte des difficultés attendues pour réserver un créneau de vaccination et des délais requis entre les deux injections, "comment fait-on concrètement pour les enfants qui partent en colo ou chez leurs grands-parents (...) ou pour tous les employés des bars et restaurants, des compagnies de transport, des centres commerciaux, des hôpitaux ? On demande à une caissière de faire un test PCR toutes les 72 heures ?", s'interroge-t-il. Celui-ci pointe en outre le risque d'une "rupture d'égalité" et de mesures "disproportionnées". Et donc d'inconstitutionnalité. "Il y a une disproportion entre les contraintes qui vont nous être imposées à toutes et tous et notre droit d'aller et venir et notre droit d'entreprendre", renchérit Paul Cassia, autre professeur de droit public. Pour le constitutionnaliste Dominique Rousseau, la question de l'applicabilité des mesures est une chose, celle du droit en est une autre. Et "si on regarde la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il n'y a pas d'obstacle à rendre obligatoire la vaccination" ou l'extension du pass sanitaire pour se rendre dans certains lieux, soutient-il. "Le principe même d'une obligation vaccinale a été validé par le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel, et la Cour européenne des droits de l'Homme a statué dernièrement sur la vaccination des enfants. (...) Cette jurisprudence offre un parapluie protecteur", note également Patrice Spinosi, avocat spécialiste des libertés publiques.

Prolongation du régime transitoire jusqu'à fin décembre - Le régime transitoire tel que prévu par la loi "relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire" sera prolongé du 30 septembre jusqu'au 31 décembre, a annoncé mardi Gabriel Attal. Le gouvernement le proposera dans le cadre du projet de loi qui sera présenté en Conseil des ministres le 19 juillet. On se souvient que ce sont une partie des parlementaires qui avaient obtenu que ce régime transitoire prenne fin au 30 septembre et non au 31 octobre comme le souhaitait initialement le gouvernement. La nouvelle donne liée au variant Delta les incitera-t-elle à accepter trois mois de plus ? Le projet de loi devrait arriver au Parlement dès le 21 juillet.

Un petit délai - Gabriel Attal a annoncé mardi de la "souplesse" dans l'application du pass sanitaire pour le personnel des restaurants, cafés et centres commerciaux, nouvelle obligation qui doit en principe entrer en vigueur début août. "Un certain nombre" de ces salariés "n'ont pas encore leur schéma vaccinal complet et là aussi, nous allons chercher à faire preuve de souplesse dans la manière dont ce pass sanitaire s'appliquera pour ces salariés", a expliqué le secrétaire d'Etat à la sortie du conseil des ministres. "Nous travaillons avec les autorités sanitaires et très rapidement nous souhaitons pouvoir communiquer sur les modalités d'application", a-t-il précisé. "La loi ne sera pas applicable à compter du 1er août, il y aura quelques jours de délai", avait pour sa part nuancé le ministre de la Santé Olivier Véran sur BFMTV. "Nous allons travailler en amont de la présentation du texte, pour voir si nous pouvons, sur la période des 15 jours qui suit la 2e injection, gagner quelques jours pour permettre à celles et ceux qui auront fait leur démarche dans les temps de pouvoir être considérés comme suffisamment protégés pour travailler", a expliqué Olivier Véran.

Les jeunes - Des "règles de souplesse" s'appliqueront également dans la mise en oeuvre de l'obligation de présenter un pass sanitaire pour les enfants et adolescents de 12 à 18 ans, a en outre assuré le porte-parole du gouvernement. "Il est hors de question d'imposer un été infernal" aux moins de 18 ans, dont un "faible nombre" a un schéma vaccinal complet, a-t-il déclaré. Plusieurs pistes sont évoquées : tests valables au-delà de 48 heures, prise en compte d'une première dose, utilisation du statut vaccinal des parents... Le ministre de l'Economie lui-même, Bruno Le Maire, avait plaidé le matin même pour de la "compréhension" vis-à-vis des adolescents.

Les personnes âgées - Le gouvernement va intensifier ses efforts pour aller au plus près des personnes âgées non vaccinées et leur proposer l'injection, dans le cadre du dispositif "aller vers", a par ailleurs souligné Gabriel Attal. Il s'agit de toucher le socle de seniors qui ne sont toujours pas vaccinés pour cause d'éloignement ou de manque d'information. Des conventions ont été passées avec 700 associations pour identifier et inciter ces publics. Les professionnels de santé s'appuient aussi sur l'utilisation des fichiers canicule et les Centres communaux d'action sociale (CCAS). Des vaccinations sont également organisées dans les soupes populaires, notamment pour vacciner les SDF, ainsi qu'au pied des tours d'immeuble dans les cités, a assuré le secrétaire d'Etat.

Les personnels de santé et médicosociaux - Les soignants qui ne seraient pas vaccinés au 15 septembre risquent de voir leur contrat de travail suspendu pour quelques semaines, le temps de se mettre en conformité, une "première étape" avant "une mise à pied", voire "un licenciement" s'ils refusent la vaccination, a déclaré mardi Elisabeth Borne. "On va prévoir dans la loi une disposition particulière pour permettre une suspension du contrat de travail, parce que la personne n'est plus en situation d'exercer son métier si elle n'a pas été vaccinée", a détaillé la ministre du Travail, interrogée sur LCI. Cette suspension du contrat sera "une première étape". "L'idée c'est que ce temps permette au salarié de remplir ses obligations vaccinales", a ajouté Elisabeth Borne, précisant que la durée de cette suspension serait "de l'ordre d'un mois ou six semaines". Pendant cette période, le salarié "ne sera plus payé et ne viendra plus travailler". S'il refuse de se faire vacciner à l'issue, il risque "une mise à pied de quelques jours", voire "un licenciement", a-t-elle encore dit. "A compter du 15 septembre, des contrôles pourront être faits, par l'employeur, l'Agence régionale de santé, l'Assurance maladie, le directeur d'établissement, d'Ehpad", a précisé pour sa part Olivier Véran.

Les forces de l'ordre – Gabriel Attal a indiqué que les policiers et gendarmes ne seraient pas concernés par l'obligation vaccinale, ni même par le pass sanitaire. Le pass sanitaire, "c'est pour des personnels qui travaillent dans des lieux où le pass sanitaire est exigé pour les usagers", a-t-il expliqué.

Les pompiers - La vaccination obligatoire concerne en revanche les pompiers. La profession compte actuellement "plus de 50%" de vaccinés, a indiqué mardi la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). Et "ce chiffre va augmenter car 80% des effectifs sont des sapeurs-pompiers volontaires. Ils se sont, pour beaucoup, vaccinés dans le cadre privé, sans passer par le service de santé et de secours médical", a assuré son porte-parole.

Dans les transports - Laissez-passer exigé pour les avions, mais aussi désormais les trains et les autocars longue distance : les professionnels s'organisaient mardi, même si certaines modalités restaient encore floues. Ces incertitudes, le possible casse-tête logistique induit et le peu de temps laissé aux salariés pour se retourner ont provoqué des mécontentements ou du moins des interrogations. "Ça concernera essentiellement les TGV et les Intercités, les cars qui font des trajets interrégionaux, et les trajets domestiques en avion", a indiqué mardi le ministre des Transports. Quid des transports du quotidien ? Les TER, Transiliens, métros et bus, "essentiellement utilisés pour des motifs professionnels", "ne sont pas concernés par l'exigence du pass sanitaire", a répondu Jean-Baptiste Djebbari. L'extension du dispositif représentera un défi pour l'organisation et la régulation des flux de voyageurs, notamment dans les gares en pleine saison estivale. "Ça concerne environ 500.000 personnes par jour", a-t-il souligné. Qui contrôlera ces pass, et quand ? "Il y a possibilité, en lien avec les personnels des gares, des forces de l'ordre et éventuellement avec l'aide de contrôles dans les trains, de mettre en place des dispositifs de contrôle efficaces", a-t-il assuré. La SNCF a indiqué mardi qu'elle travaillait "avec le gouvernement aux modalités d'application et de contrôle, avec l'objectif de définir un dispositif simple à mettre en oeuvre", et promis que "l'ensemble des modalités pratiques seront communiquées aux voyageurs dans les prochains jours".

Les cinémas - Richard Patry, le président de la Fédération nationale des cinémas français, a dit ne pas comprendre pourquoi les lieux culturels devront demander ce pass à partir du 21 juillet, alors que la mesure est repoussée à août pour les restaurants et transports de longue distance : "Pourquoi on nous l'impose avant tout le monde, alors que dans les cinémas il y a des protocoles stricts, alors que depuis le début de l'épidémie nous n'avons pas eu un seul foyer d'infection ?" "La problématique des familles, on en a parlé au gouvernement, on l'a longuement expliquée, et ils n'en tiennent pas compte. Concrètement ils privent ces familles de cinéma. Personne ne va faire un test PCR pour aller voir un film", a-t-il déploré. Selon lui, "si le président de la République avait annoncé que le pass sanitaire s'appliquait partout en août, on aurait évidemment adhéré. Mais là, il s'applique dans huit jours pour nous. C'est brouillon, ce n'est pas réfléchi".

Les parcs d'attraction – Ces parcs, comme le Puy du Fou ou le Parc Astérix, se préparaient avec célérité, mardi, à mettre en place en quelques jours le pass sanitaire. "A partir du 21 juillet, un pass sanitaire sera exigé sauf pour les moins de 12 ans et il devrait y avoir une souplesse jusqu'à 18 ans (…) On proposera des tests sur place, dans nos principaux sites", a déclaré à l'AFP Dominique Thillaud, directeur général de la Compagnie des Alpes depuis le 1er juin. "Nous ne laisserons personne à la porte et nous continuerons de mettre en place les protocoles de sécurité sanitaire. On teste notre agilité en tant qu'opérateurs, car les délais sont extrêmement courts", a-t-il poursuivi. Le groupe attend en outre les "modalités précises de mise en oeuvre" pour les salariés des parcs, dont de nombreux saisonniers, et espère que le gouvernement mettra en place des "dispositifs spécifiques". "Au Parc Astérix, faire passer des tests toutes les 48 heures aux 2.500 employés, c'est un défi logistique".

Les centres commerciaux - Comment s'assurer que les plusieurs millions de Français franchissant chaque jour les portes d'une grande surface aient un pass sanitaire ? Les professionnels, qui ont échangé mardi après-midi avec trois ministres, Bruno Le Maire, Elisabeth Borne et Alain Griset, ont fait remonter "quatre sujets" de préoccupation, a expliqué à l'AFP Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD). Une nouvelle concertation est prévue en fin de semaine ou en début de semaine suivante. Tout d'abord, savoir quels seront les centres commerciaux concernés : "Est-ce que c'est au-dessus de 10.000 mètres carrés, de 20.000 ou de 40.000 ? Tout cela va faire partie de la concertation", a indiqué le ministre délégué aux PME, Alain Griset. "Le petit supermarché de votre quotidien n'est pas concerné", a assuré à l'issue de la réunion le président de Système U, Dominique Schelcher.  Autre question, "savoir où se fait le contrôle, est-ce à l'entrée des magasins ou à l'entrée du centre commercial ?", dit Jacques Creyssel. La question est épineuse car les centres commerciaux abritent souvent des magasins alimentaires et des pharmacies. "Il serait compliqué de dire à des gens qui n'ont pas de pass sanitaire qu'ils ne peuvent pas se nourrir, ou aller se faire tester ou vacciner...". "Le troisième sujet, c'est la vaccination de nos salariés, à savoir que beaucoup d'entre eux, souvent jeunes, ne sont pas vaccinés", poursuit-il. Dernière problématique, celle des contrôles : "Comment ils vont être faits ? Par qui ?", s'interroge Jacques Creyssel, qui a "dit aux ministres que cela pourrait exiger le concours de la force publique". Dans un communiqué, le Conseil national des centres commerciaux (CNCC) a pour sa part demandé que les "contrôles aléatoires" soient effectués "par la police". Il demande en outre à ce que les centres commerciaux soient indemnisés "pour les charges et la baisse du chiffre d'affaires qui découleront de la mise en place du pass sanitaire."

Les lieux de culte - Le pass sanitaire ne sera pas nécessaire pour entrer dans les lieux de culte, ont précisé mardi les services du Premier ministre, dans la mesure où ces lieux bénéficient d'une "protection constitutionnelle". L'importance particulière de la liberté de culte a déjà été soulignée par deux fois par le Conseil d'Etat depuis le début de l'épidémie. En novembre 2020, celui-ci avait ainsi retoqué la jauge maximale de 30 personnes dans les cérémonies religieuses initialement imposée par le gouvernement, estimant que les activités exercées dans les lieux de culte "ne sont pas de même nature" que dans les cinémas ou les théâtres et que "les libertés fondamentales qui sont en jeu ne sont pas les mêmes". Auparavant, le Conseil d'Etat avait ordonné en mai 2020 de lever l'interdiction "générale et absolue" de réunion dans les lieux de culte prévue dans le cadre du déconfinement progressif après la première vague.

 

 

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