Valorisation des déchets : enjeux et opportunités à l’échelle du territoire

Alors que la France émet environ 340 millions de tonnes de déchets chaque année, leurs traitements est aujourd’hui un enjeu clé pour les collectivités locales. Quel est l’état de l’art des déchets en France ? Comment les collectivités locales et les acteurs du secteur peuvent-ils assurer la gestion de nos déchets et capitaliser sur leur valorisation grâce à une économie dite circulaire ? Quels financements possibles ? Réponses dans cet article Perspective. 

Le sujet des déchets est extrêmement vaste en ce qu’il est à la croisée des chemins des enjeux environnementaux, économiques et sociaux et qu’il touche aussi à la question de l’attractivité pour les territoires.

En premier lieu, traiter de façon satisfaisante les déchets est une nécessité environnementale et une obligation légale pour l’« émetteur ». Le traitement moderne des déchets, avec une répartition bien établie des rôles, remonte aux années 70 en France et conduisait à un schéma production de déchets / collecte / traitement. Mais ce cycle s’est de plus en plus enrichi dans le cadre d’une économie désormais circulaire, par nécessité et par opportunité. En effet, aborder le sujet des déchets sous un angle « économique » amène à considérer une approche « systémique » de l’économie, dont la finalité est à la fois de limiter la consommation de ressources naturelles, mais aussi de traiter au mieux les déchets et enfin de valoriser au maximum toutes les ressources dont nous disposons. Par conséquent, les déchets sont à la fois une contrainte et une opportunité.

On se retrouve ainsi rapidement face aux notions d’écoconception, de réemploi, de limitation du gaspillage, mais aussi plus en aval, face à la récupération et la valorisation des ressources, qu’elles soient énergétiques (comme l’énergie produite par nos incinérateurs de nouvelle génération) ou qu’elles soient liées à de la matière (recyclage, réutilisation, matières premières secondaires…). 

Ainsi la question des déchets s’inscrit-elle dans le sujet encore plus large de l’économie circulaire avec pour ambition la gestion durable des ressources : il s’agit de sortir du modèle linéaire « extraire, fabriquer, consommer et jeter » pour tendre vers une consommation responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires, ce qu’une activité émet ou rejette constituant la ressource d’une autre. L’objectif est ainsi de développer le réemploi, le recyclage et la valorisation de ce qui est aujourd’hui considéré comme des déchets.

Cet article a pour objectif de présenter les ambitions et l’intervention de la Banque des Territoires sur cette vaste thématique des déchets. 

La Banque des Territoires a en effet une position clé auprès des collectivités qui ont de leur côté un rôle fondamental dans le développement d’économies circulaires au service de territoires plus durables, plus attractifs et plus inclusifs, et qui disposent à travers leurs compétences en matière de déchets de leviers forts dans ces domaines. Elles jouent ainsi un rôle au travers de certaines de leurs prérogatives mais aussi en tant qu’ensemblier de leur territoire.

 

Que représentent les déchets en France et que deviennent-ils ?

Les déchets ménagers ne totalisent que 13 % des déchets produits mais représentent plus de la moitié des coûts générés.

Le volume de déchets représente aujourd’hui environ 340 M de tonnes chaque année en France, dont environ deux-tiers sont générés par les activités de construction (bâtiment & TP). Par ailleurs, les déchets des entreprises représentent quant à eux environ un cinquième du total. Les « déchets ménagers et assimilés », dont les collectivités ont la responsabilité, ne représentent que 13 % du total mais ce sont les déchets les plus complexes à gérer et ils représentent in fine plus de la moitié des coûts totaux générés. Les déchets ménagers représentent tout de même plus d’une demi tonne générée par an par chacun de nos foyers : ordures ménagères (« poubelle grise »), tri sélectif (« poubelle jaune »), collecte séparée (encombrants, déchetteries, verre…) des ménages, des collectivités et des petites entreprises.

 

Mais alors que deviennent ces déchets ?

Deux-tiers des déchets sont considérés comme « recyclés », mais essentiellement dans ce qu’on appelle le « remblayage » s’agissant des déchets du BTP qui constituent le gros des volumes. Environ 28 % partent en « élimination » ou sont enfouis et le reste, soit 6 %, est valorisé en énergie. Cette partie valorisée a connu une forte progression en 10 ans (+ 59 %) et constitue un des leviers d’une énergie de récupération produite localement pour les territoires, avec des débouchés vertueux comme l’industrie ou les réseaux de chaleur.

Il est intéressant de noter que la moitié de nos aciers sont issus du recyclage, et que deux-tiers du papier et du carton produits vient de nos poubelles jaunes. Toutes ces matières triées et recyclées permettent de fournir aux industries des matières premières secondaires, essentielles pour réduire notre impact, conserver des industries sur nos territoires et développer notre résilience.

En termes d’impacts, outre celui environnemental et économique, la filière est aussi un gisement d’emplois locaux et non délocalisables, pour l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) notamment, avec la forte présence d’acteurs de l’inclusion (insertion par l’activité économique et travail protégé et adapté).

Le potentiel d’emplois dans ces domaines est estimé par l’ADEME à plusieurs centaines de milliers dans les années à venir.

Le sujet est très encadré au niveau européen et par les pouvoirs publics. Un certain nombre d’objectifs, de jalons à atteindre ont été fixés d’ici 2030 pour progresser dans la gestion et la valorisation des déchets. Ces objectifs sont les suivants :

  • Développer le tri et le recyclage en matières premières secondaires pour atteindre 65 % de recyclage pour les déchets non dangereux et non inertes en 2025.
  • Soutenir la préparation de combustibles solides de récupération (« CSR ») et leur valorisation énergétique pour réduire de 50 % l’enfouissement des déchets ménagers et déchets d’activité économique en 2025 par rapport à 2010, et de 30 % la consommation d’énergie primaire fossile en 2030 par rapport à 2012.
  • Accompagner la collecte séparée des biodéchets et développer les projets de valorisation des déchets sous forme de biogaz ou gaz et carburants de synthèse pour contribuer à réduire la dépendance vis-à-vis de l’étranger.
  • Moderniser les incinérateurs en les convertissant en unités de valorisation énergétique pour multiplier par 5 la chaleur de récupération livrée par les réseaux de chaleur en 2030
  • Moderniser la filière des centres de tri, pour trier plus et mieux, limiter l’incinération ou l’enfouissement des plastiques, fournir des matières premières secondaires à l’industrie.

L’ensemble de la filière s’en trouve dynamisée et le secteur est ainsi très actif, avec des objectifs fixés ambitieux et, à la clé, des bénéfices écologiques, sociaux, économiques, territoriaux ainsi que des progrès sur la question de la souveraineté.

 

Les projets de valorisation des déchets

Il existe différents types de projets de gestion et de valorisation des déchets. Il y a tout d’abord les projets liés à la valorisation de la matière :

  • Recyclage mécanique ou chimique pour produire des matières premières secondaires
  • Méthanisation / compostage de biodéchets et déchets fermentescibles
  • Production de combustibles, (CSR, bois déchet) ou carburants à partir de déchets et sous-produits d’activités économique
  • Gazéification de déchets industriels

Il y a également les projets liés à la valorisation énergétique des déchets :

  • Valorisation énergétique des ordures ménagères résiduelles dans des incinérateurs modernisés
  • Valorisation énergétique des combustibles solides de récupération pour fournir de la chaleur à des réseaux de chaleur ou des sites industriels.

Il y a enfin les projets de collecte et de massification des flux de déchets.

Les acteurs de ce domaine sont nombreux :

  • Industriels du secteur des déchets
  • Collectivités en charge de la gestion des déchets
  • Producteurs de déchets ayant des obligations de traitement
  • Utilisateurs d’énergie souhaitant verdir leur mix énergétique
  • Acteurs de l’économie sociale et solidaire
  • Investisseurs (fonds…)
  • Éco-organismes (prise en charge des déchets générés par une filière)
  • Start-ups et structures de l'ESS 

Sans oublier bien sûr les acteurs « institutionnels » :

  • ADEME (Agence de la Transition Énergétique) : conseil et financeur
  • RÉGION : prescripteur via les plans régionaux et potentiellement financeurs
  • ÉTAT (DEAL) : service instructeur des dossiers de demande d’autorisation d’exploiter
  • AMORCE / FNCCR (Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et des Régies) : mise à disposition d’études et publications
  • FNADE/FEDEREC/SNEFID : associations professionnelles regroupant les principaux opérateurs et constructeurs

Ces acteurs ont en commun d’avoir besoin de financements et de garanties financières sur le long-terme, et également d’acteurs « tiers de confiance ». C’est la raison pour laquelle la Banque des Territoires se positionne auprès de cet écosystème et souhaite y jouer un rôle important.

Elle peut en effet répondre aux besoins de financement du secteur des déchets côté public et privé, sur fond de volumes d’investissements très importants ou via l’offre de prêt.

Elle dispose d’une expertise pluridisciplinaire permettant l’accompagnement d’une collectivité dans la mise en œuvre de ses projets de traitement des déchets.

Elle peut également jouer un rôle de tiers de confiance pour les autorités délégantes.

Une connaissance approfondie des parties prenantes locales, grâce à l’ancrage territorial de la Banque des Territoires.

Cela suppose de proposer des offres adaptées au marché et de développer la connaissance du secteur et de son fonctionnement au sein du réseau.

 

Comment intervient la Banque des Territoires pour financer des projets de traitement des déchets ?

En tant qu’investisseur

L’offre de la Banque des Territoires consiste à apporter des fonds propres et quasi-fonds propres à des projets de traitement et valorisation des déchets. Nous intervenons sur des montages et des projets publics, via les délégations de service public notamment, mais également sur des projets totalement privés.

La Banque des Territoires se positionne sur des projets de relativement petite taille comme de très grande taille.

À titre d’exemple, la Banque des Territoires a eu l’occasion d’intervenir sur :

  • Des opérations de recyclage comme RecyOuest, du recyclage spécialisé sur un objet de petite taille où nous avons su intervenir malgré un montant limité ; 
  • Des opérations de valorisation énergétique tant sur des objets publics comme à Nice ou Montauban, que totalement privées comme sur le projet de valorisation énergétique des CSR de Retiers.
    • L’équipe suit actuellement une vingtaine de projets à des stades d’avancement variables, tant dans les CSR, le recyclage ou les usines de valorisation énergétique que sur des sujets comme la méthanisation ou la gazéification.
  • L’entrée au capital de sociétés en forte croissance, proposant des services innovants de lavage de gaz, d’air et de fumées, ou encore opérant dans le domaine de la collecte et du traitement pré-méthanisation (déconditionnement et hygiénisation) des biodéchets à l’instar de Moulinot, structure de l’ESS et entreprise d’insertion. 

 

Sur les prêts

La Banque des Territoires propose des prêts longs pour financer les investissements de long-terme dans le secteur des déchets. Nous finançons principalement les acteurs publics (collectivités, syndicats mixtes…), mais également les opérateurs privés réalisant l’investissement dans le cadre d’une commande publique, ou intervenant dans le cadre d’une géographie prioritaire.

Nos offres :

À titre d’exemple, la Banque des Territoires a prêté pour la construction :

  • De centres de tri des déchets ;
  • D’unité de valorisation énergétique ;
  • De recyclerie.

 

Sur la consignation

La garantie financière peut être consignée pour exercer son activité et couvrir les coûts suivants :

  • Installation Classée pour la Protection de l’Environnement (pour les collectivités et les entreprises publiques locales)
  • Transport transfrontalier de déchets (pour les entreprises)
  • Traitement de déchets pour les éco-organismes. 
     

Didier Célisse

Responsable Marketing Opérationnel, Direction de l’Investissement & animation de la filière investisseur 

Didier Célisse est ingénieur Télécoms (Telecom ParisTech). Il a intégré le Groupe Caisse des Dépôts en 2012 après une expérience de 15 ans en marketing, communication et stratégie dans l’industrie. De 2015 à 2021, il a été responsable marketing du département Transition numérique de la Direction de l’Investissement de la Banque des Territoires. Depuis 2021, il est responsable du marketing opérationnel pour la Direction de l’Investissement et en charge de l’animation de la filière investisseur.

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Alexandra Chamberlin

Cohésion Sociale et Territoriale – Economie Circulaire & ESS

Alexandra a rejoint la Banque des Territoires en 2020 après 5 ans d’expérience dans l’investissement à impact, en France et aux Etats-Unis. Au sein de la Direction des Investissements, Département Cohésion Sociale et Territoriale, Alexandra étudie l’investissement en fonds propres et quasi fonds propres et accompagne des structures de l’économie sociale et solidaire, œuvrant notamment dans l’économie circulaire.
Alexandra est diplômée d’HEC Paris et de la Fletcher School of Law and Diplomacy.

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Antoine Bellanger

Filière Déchets & Ecologie industrielle

Antoine a rejoint la Banque des Territoires en 2021 après 7 ans d’expérience en procédures collectives et restructuration financière au sein du service contentieux de la Caisse des Dépôts.

Antoine est diplômé de l’Université de Sceaux (Droit de l'entreprise et Union Européenne).

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Alexis Garcin-Berson

Filières Déchets & Ecologie industrielle

Alexis a rejoint la Caisse des Dépôts en 2013 après des expériences à la Direction du Trésor puis chez Calyon et Dexia dans des activités de banque d’investissement. Il a eu en charge les financements en dette de projets d’infrastructure au sein de la Caisse des Dépôts puis a rejoint l’équipe DITEEC EVR en 2019. 

Alexis est diplômé d’HEC.

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