Valorisation des déchets : enjeux et opportunités à l’échelle du territoire
Publié le 31 mai 2022, mis à jour le 6 mai 2025
Alors que la France produit environ 310 millions de tonnes de déchets chaque année, leur traitement est aujourd’hui un enjeu clé pour les collectivités locales. Quel est l’état de l’art des déchets en France ? Comment les collectivités locales et les acteurs du secteur peuvent-ils assurer la gestion de nos déchets et capitaliser sur leur valorisation grâce à une économie dite circulaire ? Quels financements possibles ? Réponses dans cet article d'experts.

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Le sujet des déchets est extrêmement vaste en ce qu’il est à la croisée des chemins des enjeux environnementaux, économiques et sociaux et qu’il touche aussi à la question de l’attractivité pour les territoires.
En premier lieu, traiter de façon satisfaisante les déchets est une nécessité environnementale et une obligation légale pour l’« émetteur ». Le traitement moderne des déchets, avec une répartition bien établie des rôles, remonte aux années 70 en France et conduisait à un schéma production de déchets/collecte/traitement. Mais ce cycle s’est progressivement enrichi dans le cadre d’une économie qui se veut de plus en plus circulaire, par nécessité et par opportunité.
On se retrouve ainsi rapidement face aux notions d’écoconception, de réparation, de réemploi, de limitation du gaspillage, mais aussi plus en aval, face au tri, à la récupération et la valorisation des ressources, qu’elles soient énergétiques (comme l’énergie produite par nos incinérateurs de nouvelle génération) ou liées à de la matière (recyclage, réutilisation, matières premières secondaires, …).
Ainsi la question des déchets s’inscrit-elle dans le sujet encore plus large de l’économie circulaire avec pour ambition la gestion durable des ressources. Il s’agit de sortir du modèle linéaire « extraire, fabriquer, consommer et jeter » pour tendre vers une consommation responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires, ce qu’une activité émet ou rejette constituant la ressource d’une autre, permettant ainsi de limiter la consommation et le gaspillage. L’objectif est donc de passer d’une société du tout jetable à un modèle économique plus circulaire en développant le réemploi, la réutilisation, le recyclage et la valorisation de ce qui est aujourd’hui considéré comme des déchets.
Valorisation des déchets : la gestion et leur devenir en France
Le volume de déchets représente aujourd’hui environ 310 M de tonnes chaque année en France, dont environ deux-tiers sont générés par les activités de construction (bâtiment et travaux publics). Par ailleurs, les déchets des entreprises représentent quant à eux environ un cinquième du total.
Les « déchets ménagers et assimilés », dont les collectivités ont la responsabilité, ne représentent que 13 % du total, mais ce sont les déchets les plus complexes à gérer et ils représentent in fine plus de 65 % des coûts totaux générés.
Les déchets ménagers représentent tout de même plus d’une demi-tonne générée par an par chacun de nos foyers : ordures ménagères (« poubelle grise »), tri sélectif (« poubelle jaune »), collecte séparée (encombrants, déchetteries, verre…) des ménages, des collectivités et des petites entreprises.
Le traitement des déchets et leurs différentes valorisations
Deux-tiers des déchets sont considérés comme « recyclés », mais essentiellement dans ce qu’on appelle le « remblayage » s’agissant des déchets du BTP qui constituent le gros des volumes. Environ 28 % partent en « élimination » ou sont enfouis et le reste, soit 6 %, est valorisé en énergie. Cette partie valorisée a connu une forte progression en 10 ans (+ 59 %) et constitue un des leviers d’une énergie de récupération produite localement pour les territoires, avec des débouchés vertueux comme l’industrie ou les réseaux de chaleur.
Il est intéressant de noter que la moitié de nos aciers sont issus du recyclage, et que deux-tiers du papier et du carton produits viennent de nos poubelles jaunes. Toutes ces matières triées et recyclées permettent de fournir aux industries des matières premières secondaires, essentielles pour réduire notre impact, conserver des industries sur nos territoires et développer notre résilience.
Valorisation des déchets et emploi
En termes d’impacts, outre celui environnemental et économique, la filière est aussi un gisement d’emplois locaux et non délocalisables, pour l'Économie Sociale et Solidaire (ESS) notamment, avec la forte présence d’acteurs de l’inclusion (insertion par l’activité économique et travail protégé et adapté).
Le potentiel d’emplois dans ces domaines est estimé par l’ADEME à plusieurs centaines de milliers dans les années à venir.
Le sujet est très encadré au niveau européen et par les pouvoirs publics. Un certain nombre d’objectifs, de jalons à atteindre ont été fixés d’ici 2040 pour progresser dans la gestion et la valorisation des déchets. Ces objectifs sont les suivants :
- Développer le tri et le recyclage en matières premières secondaires pour atteindre 65 % de recyclage pour les déchets non dangereux et non inertes en 2025 ;
- Soutenir la préparation de combustibles solides de récupération (« CSR ») et leur valorisation énergétique pour réduire de 50 % l’enfouissement des déchets ménagers et déchets d’activité économique en 2025 par rapport à 2010, et de 30 % la consommation d’énergie primaire fossile en 2030 par rapport à 2012 ;
- Accompagner la collecte séparée des biodéchets, imposée par la loi depuis le 1er janvier 2024, et développer les projets de valorisation des déchets sous forme de biogaz ou gaz et carburants de synthèse pour contribuer à réduire la dépendance vis-à-vis de l’étranger ;
- Moderniser les incinérateurs en les convertissant en unités de valorisation énergétique pour multiplier par 5 la chaleur de récupération livrée par les réseaux de chaleur en 2030 ;
- Moderniser la filière des centres de tri, pour trier plus et mieux, limiter l’incinération ou l’enfouissement des plastiques, fournir des matières premières secondaires à l’industrie ;
- Réduire en 2030 de 15 % le ratio Déchets ménagers et assimilés (DMA)/habitant par rapport à 2020 ;
- Envoyer 10 % maximum de DMA en stockage en 2035 ;
- Organiser la fin des emballages plastiques à usage unique pour 2040.
L’ensemble de la filière s’en trouve dynamisé et le secteur est ainsi très actif, avec des objectifs fixés ambitieux et, à la clé, des bénéfices écologiques, sociaux, économiques, territoriaux ainsi que des progrès sur la question de la souveraineté.
Zoom sur des projets de valorisation et de recyclage des déchets
Il existe différents types de projets de gestion et de valorisation des déchets. Il y a tout d’abord les projets liés à la valorisation de la matière :
- recyclage mécanique ou chimique pour produire des matières premières secondaires ;
- méthanisation/compostage de biodéchets et déchets fermentescibles ;
- production de combustibles (CSR, bois déchet) ou carburants à partir de déchets et sous-produits d’activités économiques ;
- gazéification de déchets industriels.
Il y a également les projets liés à la valorisation énergétique des déchets :
- valorisation énergétique des ordures ménagères résiduelles dans des incinérateurs modernisés ;
- valorisation énergétique des combustibles solides de récupération pour fournir de la chaleur à des réseaux de chaleur ou des sites industriels.
Il y a enfin les projets de tri, de collecte et de massification des flux de déchets. Les acteurs de ce domaine sont nombreux :
- industriels du secteur des déchets ;
- collectivités en charge de la gestion des déchets ;
- producteurs de déchets ayant des obligations de traitement ;
- utilisateurs d’énergie souhaitant verdir leur mix énergétique ;
- acteurs de l’économie sociale et solidaire ;
- investisseurs (fonds, etc.) ;
- éco-organismes (prise en charge des déchets générés par une filière) ;
- start-ups et structures de l'ESS.
Ces projets sont également impulsés, soutenus et financés par des acteurs institutionnels :
- ADEME (Agence de la Transition Énergétique) : conseil et financeur ;
- RÉGION : prescripteur via les plans régionaux et potentiellement financeurs ;
- ÉTAT (DEAL) : service instructeur des dossiers de demande d’autorisation d’exploiter ;
- DGPR : mise en œuvre des politiques de connaissance et évaluation de la prévention de la production de déchets, ainsi que de leur valorisation et de leur traitement ;
- AMORCE/FNCCR (Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et des Régies) : mise à disposition d’études et publications ;
- FNADE/FEDEREC/SNER/SNEFID : associations professionnelles regroupant les principaux opérateurs et constructeurs.
Ces acteurs ont en commun d’avoir besoin de conseils, de financements et de garanties financières sur le long-terme, et également d’acteurs « tiers de confiance au service de l’intérêt général ». C’est la raison pour laquelle la Banque des Territoires se positionne auprès de cet écosystème et souhaite y jouer un rôle important.
Elle peut en effet répondre aux besoins de conseils en ingénierie de projet (stratégie de flux, coopération territoriale, faisabilité, choix du mode de gestion et structuration financière), et de financements du secteur des déchets côté public et privé, sur fond de volumes d'investissements importants ou via des offres ciblées de prêt long terme.
En 2024, elle a ainsi missionné EGIS pour réaliser à 100 % l’étude juridico-financière d'un projet d’insertion par l’activité économique à Mayotte, porté par ALOMAYJOB et sa filiale labellisée ESUS, LVD Environnement, visant à créer une usine de valorisation du plastique de 1 200 tonnes par an. La même année, elle a également soutenu la Cité de l’Économie Circulaire dans les Ardennes, en confiant au cabinet OXALIS l’accompagnement complet des acteurs du territoire pour structurer collectivement leur projet de gestion des flux de déchets et de ressources.
Grâce à son expertise pluridisciplinaire et à son ancrage territorial, la Banque des Territoires accompagne les collectivités dans leurs projets de traitement des déchets, tout en jouant un rôle de tiers de confiance auprès des autorités délégantes.
Cela suppose de proposer des offres adaptées au marché et de développer la connaissance du secteur et de son fonctionnement au sein du réseau.
La Banque des Territoires soutient les collectivités locales dans le traitement et la valorisation de leurs déchets
Nos investissements pour la gestion et la valorisation des déchets
La Banque des Territoires a en effet une position clé auprès des collectivités qui ont, de leur côté, un rôle fondamental dans le développement d’économies circulaires au service de territoires plus durables, plus attractifs et inclusifs, et qui disposent à travers leurs compétences en matière de déchets de leviers forts dans ces domaines. Elles occupent ainsi une fonction essentielle via certaines de leurs prérogatives, mais aussi, en tant qu’ensemblier de leur territoire.
L’offre de la Banque des Territoires consiste à apporter des fonds propres et quasi-fonds propres à des projets de prévention, traitement et valorisation des déchets. Elle intervient sur des projets publics, via les délégations de service public notamment, mais également sur des projets totalement privés.
À titre d’exemple, le groupe a eu l’occasion d’intervenir sur de multiples initiatives.
- Des plateformes de tri des déchets, à l’instar de celle portée par la SCOP Demain à Lons-le-Saunier, qui révolutionne le recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Alliant savoir-faire humain, juxtapositions de process mécaniques et nouvelles technologies, cette ligne apporte des réponses aux grands enjeux de la filière : miniaturisation des flux, dépollution et séparation des déchets contenant des substances chimiques dangereuses.
- Des opérations de recyclage comme celle de la Société guyanaise de Recyclage (SGR), du recyclage de véhicules hors d’usage en Guyane où nous avons su intervenir malgré un montant limité.
- Des opérations de valorisation énergétique, tant sur des objets publics comme à Nice ou Toulouse, que totalement privées comme sur le projet de valorisation énergétique des CSR de Novasteam.
- L’entrée au capital de sociétés en forte croissance, proposant des services innovants de lavage de gaz, d’air et de fumées avec récupération d’énergie, ou collecte et tri de déchets des activités de construction, mais aussi des structures positionnées sur la prévention des déchets à travers la réparation et le reconditionnement du parc existant, à l’instar de Vesto, qui développe une nouvelle filière industrielle de reconditionnement de matériel professionnel de restauration.
Nos prêts pour accompagner les collectivités locales
La Banque des Territoires, engagée pour la biodiversité, propose des prêts pour financer les investissements de long-terme dans le secteur des déchets.
- Le Prêt Transformation écologique pour financer les projets dédiés dans tout ou partie du cycle de valorisation des déchets (collecte, tri, traitement) recouvrant la chaîne de valeur conduisant à la transformation d’un déchet matériel en un autre produit, un matériau ou une énergie.
- Le Prêt Renouvellement Urbain (PRU), dédié aux projets publics et privés situés en géographie prioritaire (Quartier Politique de la Ville, Action Cœur de Ville, Petite Ville de Demain).
En 2024, la Banque des Territoires a principalement financé des projets de construction d’usine, centre de tri et valorisation des déchets, acquisition de locaux de collecte de déchets. Dans ce cadre, 19 projets ont été signés pour un montant de 236 M€.
Nous finançons également les acteurs publics (collectivités, syndicats mixtes…), mais aussi les opérateurs privés réalisant l’investissement dans le cadre d’une commande publique, ou intervenant dans le cadre d’une géographie prioritaire.
La consignation pour sécuriser vos projets de gestion des déchets
La garantie financière peut être consignée pour exercer son activité et couvrir les coûts suivants :
- Installations Classée pour la Protection de l’Environnement (ICPE) (pour les collectivités et les entreprises publiques locales) ;
- transport transfrontalier de déchets (pour les entreprises) ;
- traitement de déchets pour les éco-organismes.
Au milieu des enjeux écologiques et économiques, la gestion des déchets s'impose comme un levier stratégique pour les collectivités et les acteurs du secteur. Les collectivités locales assument une responsabilité clé dans cette dynamique, en impulsant et accompagnant des projets innovants sur leurs territoires. Avec une feuille de route ambitieuse pour les années à venir, c’est tout un écosystème qui s’engage vers un modèle plus sobre, plus circulaire et durable, au service d’une croissance économique respectueuse de l'environnement.
FAQ : Questions/réponses
Quel rôle jouent les entreprises françaises dans la mise en place d'un modèle d'économie circulaire ?
Les entreprises françaises sont des acteurs majeurs de l’économie circulaire, qu’elles font progresser grâce à des pratiques durables : l’écoconception, la réparation, le réemploi et le recyclage.
L’innovation joue un rôle clé dans cette transition avec le développement de la méthanisation ou la production de combustibles solides de récupération. En outre, le secteur de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) favorise l’insertion professionnelle à travers des activités de tri et de réemploi.
Quels sont les principaux indicateurs en France pour mesurer l'efficacité de l'économie circulaire ?
En France, l’efficacité de l’économie circulaire se mesure via des indicateurs clés. Le taux de recyclage vise un objectif ambitieux : atteindre 65 % des déchets non dangereux d’ici 2025.
En parallèle, la réduction de l’enfouissement constitue une priorité, avec une baisse ciblée de 50 % à la même échéance. Autre levier : la valorisation énergétique des déchets, qui a connu une progression de 59 % en dix ans et représente aujourd’hui 6 % du traitement global.
Enfin, l’essor des matières premières secondaires, comme les aciers issus à 50 % du recyclage, témoigne des avancées concrètes vers un modèle plus circulaire.
Comment s'articule la transition vers une économie circulaire avec la croissance économique du territoire français ?
La transition vers une économie circulaire s’inscrit dans la dynamique de croissance du territoire. En réduisant la dépendance aux matières premières, elle renforce la résilience économique en créant des emplois locaux non délocalisables.
Elle développe également de nouvelles filières industrielles plus durables. Les collectivités locales, elles, déploient des infrastructures adaptées et soutiennent activement des projets porteurs de transformation sur leurs territoires.

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Antoine Bellanger
Responsable d’investissement, pôle Production d’énergie, Département Transition écologique à la Direction de l’investissement
Antoine rejoint la Banque des Territoires en 2021 après 7 ans d’expérience en procédures collectives et restructuration financière au sein du service contentieux de la Caisse des Dépôts. Antoine est diplômé de l’Université de Sceaux (Droit de l'entreprise et Union Européenne).

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Linda Reboux
Responsable du pôle Environnement, Département Transition écologique à la Direction de l'investissement
Diplômée de l’ESSEC, Linda Reboux intègre le groupe Caisse des Dépôts en 2012 après une première expérience en fusions-acquisitions. Passionnée par la finance à impact, elle a d’abord travaillé sur un projet de fonds de préservation des espaces naturels, avant de rejoindre le pilotage des participations stratégiques de la CDC. Depuis 2017, elle est Directrice d’investissement à la Banque des Territoires, et actuellement en charge d’une équipe autour des enjeux d’environnement (transition agricole et alimentaire, économie circulaire, eau, biodiversité…).