Vers des services coordonnés de l'offre médicosociale : une transformation d'ampleur
Au-delà des nouveaux établissements et services qui sont créés dans le cadre du plan 50.000 solutions, la transformation de l'offre médicosociale implique un changement de logique de la part des établissements et services, des professionnels et de l'écosystème partenarial. L'ambition : passer d'un paysage structuré par l'offre à une approche servicielle et territorialisée, destinée à apporter une réponse globale – et partenariale - aux besoins et attentes des personnes.
© Capture vidéo Anap / Charlotte Parmentier-Lecocq, Céline Poulet, Benjamin Voisin et Magali Guégan
Fixée par la conférence nationale du handicap de 2023 (voir notre article), l'ambition de transformation de l'offre médicosociale consiste à passer "d’une logique de place à une logique d’offre de services coordonnés" pour mieux répondre aux besoins et attentes des personnes. Cette évolution "concerne aussi pleinement le secteur du grand âge tant les défis sont similaires : prévenir les ruptures de parcours, proposer des réponses souples, graduées et surtout respecter la liberté de chaque personne", a affirmé la ministre en charge des personnes âgées et des personnes handicapées, Charlotte Parmentier-Lecocq, le 8 décembre 2025 en ouverture d'une webconférence organisée par l'Agence nationale de la performance sanitaire et médicosociale (Anap). Ce temps d'éclairage et de présentation de pratiques a accompagné la sortie d'un nouveau guide de l'Anap consacré aux services coordonnés.
Une approche intégrée et modulaire qui commence à se développer
Il s'agit d'"un véritable changement dans les pratiques des professionnels avec une logique de décloisonnement et également d'un repositionnement de l'acteur médicosocial dans un écosystème aux côtés de la personne qui va mobiliser ces différentes prestations", a indiqué Benjamin Voisin, adjoint à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Dans le champ des personnes âgées, cette évolution se traduit par le déploiement de centres de ressources territoriaux qui sont portés par des Ehpad et des services à domicile (SAD). Dans le champ du handicap, des "établissements intégrés" et le fonctionnement en "mode dispositif" se développent depuis une dizaine d'années – il s'agit par exemple, pour un établissement ou service social ou médicosocial (ESSMS), d'assurer à la fois un accueil dans ses murs et un accompagnement en milieu ordinaire. Mais "cette modularité ne concerne encore que 25% des établissements pour jeunes et 3% des établissements pour adultes", selon l'inspection générale des affaires sociales (Igas) qui a publié en mars dernier un rapport de cadrage sur la transformation de l'offre.
"Il faut qu'on sorte en définitive d'un modèle de l'établissement all inclusive, c'est-à-dire tous les services concentrés au même endroit, pour promouvoir l'approche sociale du handicap basée sur la désinstitutionnalisation", a résumé Céline Poulet, secrétaire générale du comité interministériel du handicap, lors du webinaire. Selon elle, "l'offre se transforme" déjà avec la mise en place de "services de soutien par domaine de vie des personnes" - scolarisation, logement, santé, hébergement, emploi, vie intime, citoyenneté…
Permettre "l'autodétermination" des personnes
C'est de son point de vue un renversement de posture pour le secteur médicosocial : "Quand on rentre dans une plateforme de services coordonnés, on rentre sur une offre de prestations qui est choisie par les personnes, (…) on n'est pas sur l'offre qui est délivrée par un établissement."
Fondée sur l'évaluation des besoins des personnes et "un soutien à l'autodétermination" – notamment via des moyens de communication adaptés aux différents handicaps -, cette offre "combine les trois modalités d'accompagnement que sont l'hébergement, l'accueil de jour et l'accompagnement en milieu ordinaire pour ne pas avoir de rupture et de personnes figées dans l'accompagnement", avec une "modularité dans le temps" (dans une même semaine ou au fil des ans pour s'adapter aux besoins), a expliqué Magali Guégan, inspectrice de l'inspection générale des affaires sociales (Igas).
Sectorisation par zones d’intervention prioritaire
Cette approche est ainsi décloisonnée – d'où la proposition de l'Igas d'aller vers une autorisation unique -, mais également territorialisée. "D'une part parce qu'une structure qui est beaucoup plus ouverte doit nécessairement avoir des partenariats avec le droit commun" et, d'autre part, il s'agit d'avoir "à terme une territorialisation de l'offre et des zones prioritaires d'intervention" pour mailler le territoire en fonction des besoins et éviter toute zone blanche, selon Magali Guégan.
Ainsi, le développement d'une offre de services coordonnés en Seine-et-Marne conduit à mettre en place une sectorisation "en zones d’intervention prioritaire" par ESMS, ce qui signifie par exemple que "chaque enfant en situation de handicap, de même qu’il a obligatoirement une école de rattachement, a obligatoirement un ESMS de rattachement", peut-on lire sur le site de la MDPH 77. "La MDPH finalement impose une orientation sur un infraterritoire, la plateforme devient alors un interlocuteur unique à la fois de la famille mais aussi de l'ensemble des acteurs qui gravitent autour de l'enfant, l'Education nationale, la ville, les services de type périscolaire, les clubs de sport, etc.", a présenté Hélène Marie, directrice de la direction départementale 77 de l'ARS Île-de-France.
Des moyens nécessaires pour transformer également le milieu ordinaire
C'est le principe de "responsabilité populationnelle", auquel s'ajoute un mouvement de "déspécialisation" avec des ESMS désormais autorisés dans quatre grandes familles de spécialités (troubles du neuro-développement, troubles psychiatriques, handicap moteur et polyhandicap, troubles sensoriels).
L'objectif est également de s'appuyer sur ces plateformes pour favoriser le "transfert de compétences vers le droit commun", afin que les environnements ordinaires deviennent de plus en plus "inclusifs", a ajouté Magali Guégan. Cela suppose de dédier des ressources suffisantes à cette dimension inclusive, alors que "les moyens ont été ciblés sur le médicosocial" – avec le plan 50.000 nouvelles solutions -, a observé Stef Bonnot-Briey, pilote de la commission accompagnement des personnes du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Et pour cette dernière, "l'élan" de transformation ne doit pas porter pas uniquement sur l'offre médicosociale mais bien sur "la société tout entière".