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Ruralité - Vers un Commissariat à l'égalité des territoires

La ministre de l'Egalité des territoires et du Logement a installé, lundi, une commission chargée de créer en février 2013 un Commissariat général à l'égalité des territoires. Un commissariat interministériel destiné à englober l'actuelle Datar et d'autres institutions comme le SGCIV. Il travaillerait tant sur le rural que l'urbain. Les attentes sont très fortes chez les maires ruraux qui sortent d'une série de rencontres avec différents ministres.

Disparu des radars depuis quelques mois, l'aménagement du territoire refait surface. Cécile Duflot a en effet installé, lundi 10 septembre, une commission chargée de réfléchir à la création d'un "Commissariat général à l'égalité des territoires" placé sous l'autorité du Premier ministre. Une création qui pourrait intervenir en février 2013… à l'occasion des cinquante ans de la Datar, a indiqué la ministre du Logement et de l'Egalité des territoires devant les douze membres de cette commission qui remettra ses conclusions en décembre. Un rapport intermédiaire sera présenté en octobre. "On a besoin, au moment de la nouvelle étape de la décentralisation, de muscler les outils de l'Etat sur les territoires, de rationaliser les moyens du ministère et de conduire une réflexion stratégique sur l'égalité des territoires", justifie-t-on au cabinet de la ministre.
Depuis sa prise de fonction, Cécile Duflot a surtout été accaparée par le logement alors qu'elle était très attendue pour le reste. Avec cette commission, présidée par Thierry Wahl, inspecteur général des finances, elle entend réoccuper ce terrain laissé en friche, selon elle "depuis une dizaine d'années". Il faut "contrebalancer d'abord les dégâts d'une politique qui, sous couvert de compétition et d'excellence supposées, a favorisé les centres au détriment des périphéries, les territoires puissants au détriment des plus faibles", dénonce-t-elle dans la lettre de mission adressée aux membres de la commission.

La Datar devra faire sa mue

Une chose est sûre : le commissariat devrait s'occuper en même temps d'aménagement du territoire et de politique de la ville. Dans cette optique, la Datar va devoir faire sa mue, indique-t-on encore dans l'entourage de la ministre. Elle pourrait se voir associer les services du SGCIV (Secrétariat général du Comité interministériel des villes). En fait, toutes les administrations qui gravitent autour de ces deux thématiques pourraient être mises à contribution. La ministre demande en effet à la commission "d'examiner si nécessaire les scénarios de regroupement d'organismes, d'institutions et de directions pouvant concourir efficacement à la constitution du commissariat".
La commission devrait aussi émettre des recommandations pour simplifier les différents outils dont le commissariat pourrait être en charge : directives territoriales d'aménagement, opérations d'intérêt national, prime d'aménagement du territoire (PAT) et aides à la réindustrialisation, sans oublier le serpent de mer de la géographie prioritaire devenue "sans cohérence". S'agissant de la PAT, celle-ci a "perdu en route son objectif", a déploré la ministre, "pour être orientée vers le soutien quasi exclusif à la préservation de l'emploi, dans une vision court-termiste".
Cécile Duflot souhaite que l'égalité des territoires soit "placée de façon préventive au cœur de toutes les politiques publiques". Elle a assuré que son ministère parlerait désormais "avec tous les territoires et non plus seulement quelques-uns". Mais il en faudra sans doute davantage pour convaincre des maires ruraux qui attendent plus que des mots.

Juge de paix

"Nous constatons qu'il n'y a pas davantage de ministère ou de mission interministérielle à l'aménagement du territoire. Il y a fort à parier que c'est comme toujours une vision urbaine qui primera", avertissait l'Association des maires ruraux de France (AMRF) dès le mois de mai. Après les élections législatives, au mois de juin, un collectif d'une quinzaine d'associations d'élus et du monde rural avait réclamé la création d'un ministère de la ruralité, parallèlement à celle du ministère délégué à la Ville, "non pour des raisons de simple symétrie, mais parce que l'aménagement du territoire français doit être abordé à la fois de façon globale et complémentaire". 
Or, à l'issue d'une série de rencontres avec différents ministres (voir ci-dessous), le président de l'AMRF, Vanik Berberian, dit ne toujours pas savoir qui, de Cécile Duflot ou de Stéphane Le Foll, le ministre de l'Agriculture, est réellement en charge de la ruralité au sein du gouvernement… Pour le maire de Gargilesse-Dampierre (Indre), la prise en compte des territoires ruraux n'est "toujours pas naturelle". "On l'a vu avec les emplois d'avenir : si les territoires ruraux ont finalement été pris en compte, ce n'était pas le cas initialement", fait-il remarquer. "Vouloir corriger les écarts entre les habitants des villes et les habitants des champs serait un bon signal", ajoute Vanik Berberian, qui réclame des dotations plus fortes pour le rural. Selon lui, la prochaine loi de finances sera le "premier juge de paix sur les intentions du gouvernement".  

Michel Tendil

Les maires ruraux reçus par les ministres : des "signes forts" restent attendus

"Globalement, nous sommes plutôt contents de l'écoute dont nous avons bénéficié, nous ne sommes en revanche pas certains d'avoir été réellement entendus par tous", résumait Vanik Berberian à l'issue du dernier de ses rendez-vous avec des membres du gouvernement. Les représentants de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) ont en effet été reçus à Matignon par Jean-Marc Ayrault (voir ci-contre notre article du 5 septembre) mais aussi, successivement, par Vincent Peillon, Stéphane Le Foll, Cécile Duflot, Fleur Pellerin et, en dernier lieu, Marilyse Lebranchu et Anne-Marie Escoffier. Deux autres rencontres sont encore prévues : avec Jérôme Cahuzac pour parler budget et donc finances locales… et avec Manuel Valls ou un représentant du ministère de l'Intérieur pour parler élections et modes de scrutin (sachant que ce sujet est bien piloté par la place Beauvau et non, contrairement aux autres projets de réformes institutionnelles touchant les collectivités, par Marilyse Lebranchu ou Anne-Marie Escoffier). Les questions d'éducation et de TIC restent visiblement en tête des préoccupations de l'association.

Education – La concertation sur la refondation de l'école lancée par Vincent Peillon, à laquelle l'AMRF a été invitée à prendre part, est "une bonne chose", assure Vanik Berberian. "En tout cas, c'est la première fois que cela se fait et cela manquait vraiment. On peut y voir l'amorce d'un mode de gouvernance différent et on devrait être plutôt gagnants, même si il faut aller plus loin", assure-t-il. Les maires ruraux ont notamment demandé au ministre de l'Education une réforme des conseils départementaux de l'Education nationale (CDEN) dont le fonctionnement actuel serait symptomatique du peu de cas fait aux collectivités et à leurs élus : alors que le CDEN - qui réunit représentants de l'Etat, élus locaux, syndicats d'enseignants, parents d'élèves - serait aujourd'hui une simple chambre d'enregistrement concernant les ouvertures et fermetures de classes, son fonctionnement pourrait être modifié afin d'en faire l'indispensable "lieu de débat" sur l'éducation à l'échelle départementale, estime Vanik Berberian. Celui-ci insiste aussi, voire surtout, sur la nécessité de revoir "la partition entre financeurs de l'éducation" – autrement dit essentiellement entre Etat et collectivités. "Une étude que nous avons réalisée il y a un an avec l'Andev et le SNUipp montrait qu'il y a un écart de un à dix dans les moyens dont disposent les écoles en fonction des communes. Vous trouvez cela normal ?", lance-t-il. L'association a par ailleurs évoqué avec le ministre la question du fameux article 89 de la loi du 13 août 2004, à savoir la question du forfait communal (financement obligatoire par les communes des écoles privées extérieures), demandant toujours que les conditions actuelles de dérogation soient élargies pour pouvoir bénéficier également aux communes dont le RPI (regroupement pédagogique intercommunal) n'est pas adossé à un EPCI. L'AMRF a également remis sur le tapis l'enjeu du numérique à l'école, son président soulignant entre autres combien "le tableau numérique représente une révolution pédagogique" mais estimant que ces outils numériques devraient être financièrement pris en charge par l'Etat.

Très haut débit – De numérique, il en a évidemment aussi été question avec Fleur Pellerin, la ministre déléguée chargée des PME, de l'Innovation et de l'Economie numérique. De numérique et, plus précisément, de très haut débit, qui continue de représenter, pour l'AMRF, "la priorité des priorités". "Cela conditionne tout le reste" en termes de développement des territoires ruraux et de vie quotidienne des habitants, insiste Vanik Berberian, citant l'exemple des "agriculteurs qui doivent nécessairement télécharger les formulaires de la PAC" ou consulter en ligne les cours et marchés. "Le ministère de Fleur Pellerin a bien conscience de ces enjeux et les dernières annonces en date sur le plan national très haut débit [voir par exemple notre article du 31 août, NDLR] vont plutôt dans le bon sens", résume-t-il, poursuivant : "Il y a des fonds, mais qui ne sont pas utilisés. Il faut impérativement redonner une dimension d'intérêt général au déploiement du très haut débit comparable à celle qui avait prévalu lors de l'électrification du pays…"

Dotations – Le combat des maires ruraux sur ce terrain n'est pas nouveau mais l'association a apparemment décidé de s'en ressaisir à l'approche du projet de loi de finances pour 2013 : plaider en faveur d'un montant par habitant de DGF équivalent quelle que soit la taille de la commune, alors que ce montant "varie aujourd'hui du simple au double" entre une commune de moins de 500 habitants et une ville de plus de 200.000 habitants (voir aussi notre article du 24 juillet). Vanik Berberian réexplique : "On a longtemps accepté la chose… Mais aujourd'hui on en a assez. On nous rétorque toujours que les villes doivent faire face à des charges de centralité. Mais il existe aussi des coûts dans l'autre sens – ces charges qui pèsent sur les communes rurales en matière par exemple de patrimoine ou d'activités de nature qui bénéficient aux habitants des villes. Sans oublier évidemment les charges de ruralité liées à la gestion de l'espace, qu'il s'agisse de voirie ou d'assainissement." Comme elle l'avait déjà fait savoir à l'issue de son entretien avec le Premier ministre, l'association soutient que faute d'un "signe fort" du gouvernement sur ce point, elle appellera les maires à n'exécuter que la moitié des missions qu'ils exercent en qualité de représentants de l'Etat : envoi des registres d'état civil, délivrance des permis de construire… "Ce n'est pas une boutade", assure Vanik Berberian. Rendez-vous le 26 septembre lors de la présentation du projet de loi de finances au Comité des finances locales (CFL) pour savoir si un début de rééquilibrage de la DGF aura été esquissé par le gouvernement, même si l'association compte aussi sur les parlementaires – elle a écrit aux députés en ce sens – pour faire évoluer les choses. L'AMRF sait toutefois que sur ce terrain de la DGF, elle risque fort de se retrouver un peu seule face aux autres associations d'élus locaux présentes au sein du CFL...

Modes d'élection – L'AMRF plaide pour la suppression du seuil de 3.500 habitants pour le scrutin de liste sans panachage aux élections municipales, en sachant que le gouvernement, dans le cadre de sa future réforme des modes de scrutin, pencherait vers un abaissement du seuil à 1.500 habitants. Dans la foulée, l'association réitère son "opposition totale à une élection au suffrage universel direct des délégués intercommunaux" et, sachant qu'un nouveau mode d'élection pour l'échelon départemental est dans les tuyaux, insiste sur la nécessité de "réduire les écarts de taille existant entre cantons". Tout cela sera évidemment à affiner dès que l'on en saura plus sur les intentions du gouvernement en matière de décentralisation. Pour l'heure, "on est un peu dans le brouillard", reconnaît Vanik Berberian, qui suppose que Marilyse Lebranchu et sa ministre déléguée tiennent à donner la part belle au Sénat en laissant se dérouler les états généraux de la démocratie territoriale des 4 et 5 octobre avant d'en dire plus sur le ou les projets de loi en préparation.

Claire Mallet

 

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