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Perspectives - 2011, année de l'intercommunalité ?

Alors que les débats sur le conseiller territorial et les compétences ont largement rythmé l'actualité 2010 du monde local, c'est en réalité le volet intercommunalité de la réforme territoriale récemment promulguée qui devrait marquer les premiers mois de 2011. Car là, les choses démarrent concrètement. Et tout de suite. Le contexte financier plus que tendu imposé aux collectivités sera lui aussi certainement prégnant.

Le dernier Conseil des ministres de 2010 est venu, ce mercredi 22 décembre, apporter une petite piqûre de rappel aux quelques distraits qui auraient eu tendance à oublier, entre autres parce qu'il en est moins question depuis quelques semaines, que l'inépuisable sujet de débat de l'année qui s'achève – et même déjà de l'année précédente ! – deviendra en 2011 un vrai sujet concret.
De quoi s'agit-il au juste ? Tout simplement de la loi du 16 décembre… autrement dit la réforme des collectivités. Mais pas de ses volets les plus controversés, à savoir la création du conseiller territorial et la question des compétences. Le premier n'est prévu que pour 2014. En sachant qu'il lui manque toujours un élément : le tableau de répartition des nouveaux élus, que le Conseil constitutionnel a retoqué, et dont le gouvernement va donc devoir préparer une nouvelle version, vraisemblablement dans le cadre du futur projet de loi sur les conseillers communautaires, dont l'examen est programmé après les cantonales de mars 2011. Quant au volet des compétences, et à son corollaire, les financements dits "croisés" (ou cofinancements), qui ont pourtant eux fait également couler beaucoup d'encre, les échéances se sont elles aussi finalement éloignées. Et sérieusement diluées… Si, officiellement, la faculté des départements et des régions à financer ensemble les projets des communes et EPCI disparaît, cette perspective n'est plus programmée pour 2012 mais pour 2015. Et encore, cette interdiction ne s'appliquera qu'en l'absence d'un schéma d'organisation des compétences et ne concernera ni les champs du sport, du tourisme et de la culture ni les opérations "d'intérêt régional" – une notion suffisamment vague pour y faire entrer pas mal de projets.
Non, ce dont il a été question ce 22 décembre à l'Elysée, c'est d'intercommunalité. Et donc de la mise en oeuvre des dispositions de la réforme des collectivités relatives à l’intercommunalité. Il s'agissait, au passage, de la première communication en Conseil des ministres du nouveau ministre délégué en charge des Collectivités, Philippe Richert, venu succéder à Alain Marleix… ou à Michel Mercier, tant ce dernier avait été placé, durant les mois précédant le remaniement, en première ligne pour défendre le projet de réforme, notamment face aux diverses associations d'élus locaux dont les congrès se sont succédé durant l'automne.

Tout va démarrer très vite

Soulignant que "la refonte de la carte intercommunale constitue l’une des mesures essentielles de la loi du 16 décembre", Philippe Richert en a rappelé "le triple objectif" : rattachement des dernières communes isolées, rationalisation du périmètre des EPCI existants, suppression des syndicats "devenus obsolètes". Et a aussi rappelé que tout cela allait démarrer très vite puisque c'est avant le 31 décembre 2011 que les préfets devront, "en étroite concertation avec les élus locaux", avoir élaboré "un schéma départemental de coopération intercommunale qui sera aussitôt mis en oeuvre". "Le préfet aura un rôle prépondérant uniquement en cas de litige, mais tout le reste dépendra de la commission et aboutira à une coproduction commission-préfet", assure le ministre. Quoi qu'il en soit, beaucoup de choses vont donc se passer durant les trois premiers mois de l'année.
Fin novembre, lors du Congrès des maires - première rencontre nationale d'élus locaux après l'adoption définitive de la réforme par le Parlement -, plusieurs intervenants ont effectivement insisté sur le fait que les élus municipaux avaient tout intérêt à se préparer dès maintenant aux prochaines échéances. Et qu'en tout cas, l'année 2011 sera déterminante à plus d'un titre. Il a par exemple été rappelé par la voix d'Eric Jalon, directeur général des Collectivités locales (DGCL), que les nouvelles CDCI (commissions départementales de la coopération intercommunale) seront constituées dans les trois mois suivant la promulgation de la loi. Or, "si les élus veulent se faire entendre, il faut qu'ils investissent pleinement les CDCI", conseille Michel Verpeaux, professeur de droit public. "La composition de la CDCI sera déterminante", a de même prévenu Christophe Sirugue, maire de Chalon-sur-Saône et rapporteur de la commission intercommunalité de l'Association des maires de France (AMF), insistant plus globalement sur "la place que les élus prendront" dans un contexte où le préfet disposera de "pouvoirs assez exceptionnels". Le tout avec, en ligne de mire, la préparation du document de référence pour le devenir de chaque EPCI - à savoir, donc, les schémas départementaux de coopération intercommunale. Sur certains territoires d'ailleurs, on a déjà pris les devants. En Ille-et-Vilaine, par exemple, des "réunions d'information et de réflexion" à destination des élus sont régulièrement organisées depuis fin 2008. "Il s'agit d'informer sur la loi pour que chacun soit prêt et que dans chaque EPCI les élus puissent réaliser un bilan, réfléchir à leur projet d'avenir. Tout cela pour avoir une copie à proposer au préfet, ne pas le laisser en préparer une à notre place", a expliqué Françoise Gatel, présidente de l'association des maires de ce département. Un exemple à suivre, sans doute.

Pénurie des ressources

Ce même 93e Congrès des maires a toutefois témoigné du fait que la réforme des collectivités n'était finalement peut-être pas la toute première préoccupation du bloc local. En tête de liste figure plutôt la question des ressources financières, comme en a témoigné la résolution générale adoptée à l'issue du congrès. Avec des demandes nombreuses et précises à l'adresse du gouvernement : assouplissement des règles de liaison des taux, indexation des ressources de remplacement, suppression de la prise en charge par les collectivités du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, rétablissement du niveau d'autonomie fiscale existant avant la réforme de la taxe professionnelle, maintien des financements partagés en investissement et fonctionnement… Si, depuis, la loi de finances pour 2011 est venue apporter quelques signes apaisants (lire ci-contre notre article "Loi de finances 2011 : l'espoir est-il sauf ?"), le monde local semble ne parler presque que de cela – de la raréfaction de la ressource… Ce fut en tout cas, plus encore que lors des années précédentes, le leitmotiv de 2010.
Un mois tout juste avant le Congrès des maires, celui des départements en avait lui aussi témoigné. A preuve, la résolution adoptée à l'unanimité par l'Assemblée des départements de France (ADF) ne portait pratiquement que sur un seul sujet : le problème du financement des trois allocations de solidarité (APA, PCH et RSA) qui étrangle aujourd'hui totalement les départements (lire ci-contre notre article "Le social, c'est de l'argent !"). Le congrès lui-même n'avait parlé que de cela ou presque. Et ce alors que l'on aurait pu supposer que la réforme des collectivités serait au coeur des débats.
Même l'Association des régions de France (ARF), sans doute la plus remontée contre la réforme des collectivités, n'a eu de cesse – là encore notamment lors de son congrès, début novembre – de mettre en avant la pénurie des ressources. Et singulièrement des ressources fiscales. Avec la réforme de la taxe professionnelle, les régions ont en effet perdu une bonne part de leur autonomie fiscale, ainsi que la totalité des impôts ménages qu'elles percevaient jusqu'ici.
Mettre en place "une conférence nationale des exécutifs renouvelée [qui] soit la véritable instance de concertation entre les élus et l'Etat" afin que "l'année 2011 [soit] mise à profit pour proposer une véritable et ambitieuse troisième étape de la décentralisation", concluait la résolution générale des maires. En ces derniers jours de 2010, difficile d'affirmer que ce voeu deviendra autre chose qu'un voeu pieux.

 

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