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Handicap - Accessibilité : en commission, l'Assemblée relève le niveau d'exigence

Après le Sénat, qui l'a adopté le 2 juin en première lecture (voir nos articles ci-contre du 26 mai 2015), c'est au tour de l'Assemblée de se pencher sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées. L'examen du texte a commencé par la commission des affaires sociales, qui a adopté, le 24 juin, une petite vingtaine d'amendements (sur les 41 déposés), dont quelques-uns significatifs.

L'Assemblée revient sur le mécanisme d'adaptabilité des logements sociaux

Bien que les débats dans les deux chambres se sont déroulés dans un climat largement consensuel, la commission des affaires sociales de l'Assemblée a défait plusieurs dispositions adoptées par le Sénat, y compris certaines votées avec l'avis favorable du gouvernement. Ainsi, un amendement (n°AS36, sur l'article 3) supprime la disposition ouvrant aux bailleurs sociaux la possibilité de pratiquer l'adaptabilité des logements, autrement dit de produire des logements conçus pour être facilement adaptables - moyennant des travaux réduits - en cas de location à une personne handicapée.
L'amendement sénatorial avait pourtant été déposé en des termes identiques par le groupe RDSE (Radiaux de Gauche) et par Les Républicains, et sous-amendé par le gouvernement, qui en avait accepté le principe. Pour justifier cette suppression, le rapporteur de la commission - Christophe Sirugue, député (PS) de Saône-et-Loire - a fait valoir plusieurs arguments : la disposition supprimée place la personne handicapée en situation de demandeur (au contraire de l'accessibilité universelle) ; elle crée des situations d'aléa moral, "puisque l'attribution d'un logement ayant bénéficié de ces dérogations à une personne handicapée entraînera davantage de frais pour le bailleur" ; elle ne fait pas la preuve des gains réels qu'elle pourrait apporter en termes de diminution du coût de construction des logements sociaux. La discussion risque donc d'être serrée en commission mixte paritaire (le gouvernement ayant déclaré l'urgence, il n'y a aura pas de seconde lecture).

Alignement des tarifs des transports adaptés

La commission a en revanche adopté un amendement déposé par des députés Radicaux de gauche (AS5, art.3) qui rétablit un avis conforme de la commission départementale consultative de la protection civile, de la sécurité et de l'accessibilité lorsque le préfet se prononce sur la validation d'un schéma directeur d'accessibilité-agenda d'accessibilité programmée (SDA-Ad'AP) ne concernant pas les services de transport ferroviaire d'intérêt national. En d'autres termes, le préfet perd son pouvoir d'appréciation (même si, en pratique, il est rare qu'il passe outre aux avis de cette commission).
La commission a également adopté une disposition nouvelle (AS 12 rect., art.3), elle aussi présentée par une députée radicale. Celle-ci prévoit que "l'autorité organisatrice de transport ne peut pratiquer un tarif supérieur à celui applicable aux autres voyageurs pour le transport à la demande mis en place pour les personnes handicapées dans un même périmètre de transport urbain". Il s'agit en l'occurrence d'éviter une "double peine" pour des personnes handicapées et condamnées à payer plus cher pour un service de même nature que les personnes valides, qui peuvent recourir à des transports non adaptés. Si cette disposition répond bien à l'esprit - à défaut de la lettre - de l'accessibilité universelle, elle pourrait avoir des conséquences sur les subventions d'équilibre versées aux services de transport adapté.

Extension de l'obligation d'aménagement des arrêts de transports scolaires

Dans le même esprit, la commission a voté deux amendements identiques présentés par le rapporteur et par un député du groupe Les Républicains (AS38 et AS10, art.5 bis) ouvrant aux parents d'un enfant handicapé scolarisé à temps partiel la possibilité de "demander la mise en accessibilité des points d'arrêt de ce réseau les plus proches de son domicile et de l'établissement scolaire fréquenté". Jusqu'à présent, l'article L.3111-7-1 du Code des transports réservait cette possibilité aux parents d'un enfant handicapé scolarisé à temps plein.
Enfin - et sans surprise - trois amendements identiques (AS37, AS14 et AS21, art.9) du rapporteur et de députés des groupes Radicaux et Ecologistes ont supprimé l'article 9 introduit par le Sénat. Celui-ci entendait autoriser les établissements recevant du public (ERP) privés à déduire de leur impôt sur les sociétés ou sur le revenu jusqu'à 40% de la valeur des biens amortissables acquis pour une mise en accessibilité. Lors du débat au Sénat, le gouvernement avait émis un avis défavorable, en considérant que "mettre en œuvre le dispositif de cet amendement reviendrait à accorder une prime à ceux qui ont traîné les pieds jusque-là".
Après ce passage en commission des affaires sociales, le projet de loi sera débattu en séance publique les 2 et 3 juillet 2015.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées (adopté en première lecture par le Sénat le 2 juin 2015, examiné par l'Assemblée nationale les 2 et 3 juillet 2015).

 

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