AESH : nouvelle grève et une proposition de loi sénatoriale visant un statut de fonctionnaire de catégorie B
Une nouvelle grève et des manifestations d'AESH, organisées ce 16 décembre 2025 à l'appel d'une intersyndicale de l'éducation, visent à demander à nouveau la création d'un corps de fonctionnaires de catégorie B pour ces personnels. Au Sénat, une proposition de loi, dont l'examen en commission débutera mercredi 17 décembre 2025, propose justement cette intégration dans la fonction publique et détaille son organisation. Lundi 15 décembre, l'association "Une école inclusive pour tous" a attaqué devant la justice administrative une dizaine de rectorats pour les forcer à embaucher des AESH.
© @Fr_Bechieau
A la suite d'un nouvel appel intersyndical national, les AESH avaient été appelés à se mettre en grève et à manifester pour obtenir la création d'un corps de fonctionnaires de catégorie B, ce 16 décembre 2025, jour du Comité social d'administration ministériel consacré au budget et veille de la publication du rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les défaillances des politiques publiques de prise en charge du handicap. Selon ce rapport parlementaire, le ratio moyen d'élèves par équivalent temps plein d'AESH, à 6,8 en 2024, constitue "un indice fort de l'état de saturation des effectifs déployés".
"Métier essentiel, majoritairement féminisé maintenu dans des conditions indignes"
Dans un communiqué commun du 12 décembre 2025, les organisations syndicales (FSU, Unsa, CFDT-EFRP, CGT Éduc'action, Snalc et SUD-Éducation) font valoir une revendication qui "répond à une urgence sociale et éducative" et qui est "soutenue massivement par la profession et par l'ensemble de la communauté éducative", une pétition ayant récolté plus de 83.000 signatures.
Elles demandent "l'ouverture immédiate de négociations" afin de "passer à l'acte", 11 ans après la création du métier d'AESH, qui compte aujourd'hui plus de 86.500 équivalents temps plein et dont les missions "sont désormais indispensables à l'école inclusive".
Pourtant, dénoncent les six syndicats, "ce métier essentiel, majoritairement féminisé, est maintenu dans des conditions indignes : temps de travail incomplet, rémunérations sous le seuil de pauvreté, absence de réelle reconnaissance". C'est pourquoi "le discours institutionnel sur l'inclusion et sur l'égalité femmes-hommes ne peut plus soutenir cette contradiction".
Une proposition de loi discutée le 17 décembre
Une proposition de loi qui vise "à intégrer les accompagnants des élèves en situation de handicap dans la fonction publique et à garantir une meilleure inclusion des élèves en situation de handicap et à besoins éducatifs particuliers" sera discutée par la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport du Sénat le 17 décembre 2025, avant une discussion en séance publique le 7 janvier 2026.
Déposé par plusieurs sénateurs le 31 juillet 2025, le texte, composé de cinq articles, prévoit que les AESH intègrent la fonction publique, dans la catégorie B. Ils "exerceront leurs missions durant le temps scolaire, la pause méridienne et le temps périscolaire mais aussi, si besoin, en internat, et seront rémunérés sur la base d'un temps plein". Les notions de temps périscolaires et en internat étant d'ores et déjà constatées par certains syndicats en cas d'adoption du texte.
Ces personnels suivront une "formation théorique et pratique préalablement à leur entrée en fonction et seront affectés "dans l'académie dans laquelle ils ont passé leur concours".
Quant aux AESH en exercice au 1er janvier 2026, ils bénéficieront de la validation des acquis de leur expérience, dans les conditions de droit commun.
La proposition de loi ajoute que les collectivités territoriales se verront obligées, "lors de la construction ou de la réhabilitation d'un établissement d'enseignement public du premier et du second degré, de délibérer sur la possibilité de réserver un local adapté aux différents dispositifs nécessaires à l'accueil des élèves en situation de handicap ou à besoins éducatifs particuliers".
Pour rappel, une proposition de loi similaire avait été portée à l'Assemblée nationale fin 2022 mais n'avait pas abouti. Lors de ces précédents débats parlementaires autour d'une possible intégration des AESH dans la fonction publique en mars 2025, Élisabeth Borne, qui était à l'époque ministre de l'Éducation nationale, s'était prononcée contre. "La question posée avant de réfléchir à un statut de la fonction publique, c'est [celle de] l'organisation globale de notre école inclusive demain, qui permette de créer des emplois à temps plein qualifiés avec des perspectives professionnelles, sur la base desquels on pourra ensuite réfléchir à la base du statut qui va avec", avait déclaré Élisabeth Borne.
Depuis septembre 2019, les AESH sont recrutés en CDD de 3 ans, puis, si la valeur professionnelle et la manière de servir sont jugées satisfaisantes, sont renouvelés en CDI à l’issue de ces trois années. Toutefois, en CDD ou en CDI, les 140.000 AESH restent des contractuels alors que leurs emplois correspondent à des besoins permanents. Selon des chiffres de l'Education nationale, à la rentrée de septembre, près de 49.000 élèves en situation de handicap étaient en attente d'un tel accompagnement (dont plus de 7.500 dans l'académie d'Aix-Marseille, la plus mal dotée en la matière), sur 352.000 élèves notifiés pour un accompagnement, soit une moyenne de 14% d'élèves non-accompagnés.
Ce métier souffre d'un manque d’attractivité : rémunérations trop faibles, notamment en raison des temps incomplets - à peine 1.000 euros net par mois pour la plupart des AESH à 24 heures hebdomadaires -, conditions de travail difficiles, formation insuffisante, perspectives d’évolution très faibles, mobilité géographique quasi- inexistante…Ce manque d'attractivité génère logiquement une pénurie d'AESH et une surcharge de travail pour chaque AESH. Ce contexte engendre un turn-over très important : démissions, licenciements pour inaptitudes, ruptures conventionnelles sont de plus en plus nombreux.
Handicap à l'école : une association saisit la justice pour obtenir des embauchesL'association "Une école inclusive pour tous" attaque devant la justice administrative une dizaine de rectorats pour les forcer à embaucher des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) afin de "faire cesser un manquement", a-t-on appris le 15 décembre 2025 auprès de son avocat. Ces recours déposés devant les tribunaux administratifs visent à ordonner, sous peine d'astreinte financière, aux rectorats de "faire cesser sous trois mois un manquement", à savoir les heures d'AESH dont devraient bénéficier des élèves mais qui ne sont pas effectuées, a expliqué Maitre Julien Bayou, avocat de l'association. "L'intérêt c'est que l'association se fasse porte-étendard pour les personnes non adhérentes", a-t-il ajouté, soulignant le caractère inédit, selon lui, de cette "action de groupe", après de nombreux recours individuels remportés "un peu partout". Les recours, qui s'appuient sur la loi du 30 avril 2025 sur l'action de groupe, et demandent aux tribunaux d'ordonner 100.000 euros d'astreinte par mois de retard. |