Aires marines protégées : la France veut limiter le chalutage de fond, sans convaincre les ONG

Le gouvernement a annoncé ce 8 juin, à la veille de la troisième conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc 3) organisée à Nice, un renforcement de ses aires marines protégées, avec une limitation du chalutage de fond sur 4% des eaux hexagonales. Mais beaucoup d'ONG restent sur leur faim.

"La France sera au rendez-vous de ses responsabilités", a affirmé la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher ce 8 juin en dévoilant "la stratégie dédiée à la protection des fonds marins en France hexagonale". La veille au soir, dans un entretien à la presse régionale, Emmanuel Macron avait admis que le chalutage de fond, une technique de pêche au filet très décriée, qui racle le fond de la mer, "vient perturber la biodiversité et des écosystèmes qu'il faut apprendre à protéger".

Objectif : 4% des eaux françaises hexagonales sous protection forte d'ici fin 2026

La ministre a parlé d'une "accélération sans précédent de la protection forte" du domaine maritime français, le deuxième du monde avec 11 millions de km2. "D'ici fin 2026, les zones où les fonds marins sont ou seront fortement protégés représenteront 4% des eaux françaises hexagonales (sans l'outre-mer, ndlr), contre 0,1% aujourd'hui", a-t-elle souligné.

Dans ces zones, toutes les activités "ayant un impact sensible sur les fonds marins", dont le chalutage de fond et l'extraction minière, seront interdites, a-t-elle dit. Il s'agit selon la ministre de mieux protéger les zones de canyons et coraux profonds, les herbiers, le maërl (algue calcaire, souvent appelée "corail breton") et autres habitats marins sensibles. Ces zones ont été définies en concertation avec les pêcheurs et les scientifiques.

"Et toutes les activités susceptibles de compromettre les objectifs de protection de cette biodiversité exceptionnelle seront analysées et restreintes voire interdites." La ministre cite le mouillage de plaisance, le nautisme sans oublier "les sources de pollution d’origine terrestre". 

Plans de lutte contre les pollutions d'origine terrestre associant les collectivités

D’ici à la fin 2026, "les cœurs de parcs nationaux et des réserves naturelles nationales hexagonales s’aligneront sur cette réglementation". Par ailleurs, le niveau de protection des autres aires marines protégées sera "renforcé", annonce Agnès Pannier-Runacher, "pour qu’elles puissent se porter candidates à une labellisation en protection forte". Elles devront notamment se doter d’un "plan de lutte contre les pollutions d’origine terrestre engageant les collectivités locales et les parties prenantes". En outre, dans les parcs qu’il gère directement (parcs nationaux et réserves naturelles), l’État lancera un processus de labellisation internationale et incitera les collectivités gestionnaires d’aires marines protégées à faire de même "à des fins d’exemplarité, de transparence et de progrès, en visant l’horizon 2030".

En prenant en compte l'outre-mer, les zones sous protection forte doivent atteindre 14,8% du domaine maritime mondial, grâce au renforcement de la protection d'une énorme zone de Polynésie française (900.000 km2), annoncée par le gouvernement local.

Des ONG toujours très remontées

Ces annonces n'ont toutefois pas convaincu les ONG, qui réclament depuis des années l'interdiction du chalutage de fond. "C'est très décevant", a estimé François Chartier, de Greenpeace. "Ce qu'ils veulent passer en ‘protection forte’, ce sont des zones qui ne sont déjà pas chalutées parce que le relief ou la profondeur ne le permettent pas", a-t-il affirmé. Greenpeace plaide pour une interdiction du chalutage de fond dans l'ensemble des aires marines protégées françaises. À ce jour, 33% des eaux françaises sont couvertes par au moins une AMP, mais la plupart d'entre elles autorisent toutes les pratiques de pêche.

Le chalutage de fond a ainsi été pratiqué pendant 17.000 heures dans les aires marines protégées françaises en 2024, selon un rapport publié en mai dernier par Oceana, qui appelle à bannir la pratique. "On reste un peu sur notre faim, même si c'est positif sur l'intention de vouloir s'attaquer au problème", a estimé Nicolas Fournier, directeur de campagne chez cette ONG.

"Une zone de protection forte doit impliquer une interdiction totale de la pêche et exclure toutes les pratiques destructrices. En continuant à 'adapter' les règles, la France s'éloigne de ces principes pourtant largement reconnus à l'échelle internationale", a critiqué le WWF dans un communiqué

À l'inverse, le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) s'est réjoui que la stratégie du gouvernement prenne "en considération les enjeux des marins-pêcheurs français", défendant des décisions "au cas par cas", selon les zones.

Dans un communiqué diffusé dimanche matin, l'association Bloom avait dénoncé "l'imposture de la politique de protection maritime de la France", évoquant des annonces s'apparentant à un "statu quo". Selon les éléments diffusés dimanche, les nouvelles zones interdites au chalut de fond en France hexagonale représenteraient environ 15.000 km2.

 

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