Aménagement numérique : l'Etat attendu sur l'équilibre des RIP

Si la France devrait être couverte à 95% d'ici la fin de l'année 2025, les défis sont encore nombreux pour la filière des télécoms afin d'achever le chantier. Et une partie de ces défis, à commencer par la pérennité des réseaux d'initiative publics (RIP), ne pourront être résolus sans une volonté gouvernementale. Le sujet était au cœur de l'université de la transition numérique des territoires qui s'est achevée ce 17 septembre 2025 à Dijon.

95%, c'est le taux de couverture en fibre optique qu'annonce l'Arcep pour la fin de l'année. "Et fait marquant, il est identique pour les trois zones – publique, Amii/Amel et denses", a souligné Laure de La Raudière, présidente de l'Arcep, lors de l'Université numérique des territoires qui s'est tenue à Dijon ces 16 et 17 septembre 2025. Au total, 3 millions de prises restent à construire dans le cadre des investissements programmés. Parmi les retardataires, certains sont annoncés comme la Bretagne. Il y a aussi le cas de Mayotte où la présidente a déploré le doublonnage du RIP, soutenu par l'État, par des investissements d'Orange - ce qui pourrait "remettre en cause l'équilibre du RIP". Quant aux obligations de complétude en zone privée (Amii, Amel), la présidente s'est contentée de rappeler la" vigilance" de l'autorité et les mises en demeure qu'elle a adressées ces derniers mois à Orange. Elle s'est cependant gardée de tout pronostic sur le respect des objectifs fixés par l'autorité avant leur échéance, qui interviendra dans les prochaines semaines.

L'adoption de la fibre en hausse

"Couvert" ne veut cependant pas dire "abonné à la fibre". À court terme, cette adoption est la principale préoccupation des RIP. Ceux-ci doivent impérativement engranger des recettes au moment où les subventions de l'État se tarissent. 
Parmi les cibles prioritaires, les entreprises, qui offrent un tableau contrasté. Le sondage de Covage, publié pour l'occasion, révèle que 83% des entreprises sont désormais équipées en fibre (+8 points par rapport à 2024), dépassant pour la première fois le taux d'adoption du grand public (79% selon l'Arcep). En outre, dans la continuité de ce que l'on constate pour les déploiements, le gap entre les zones urbaines et rurales se comble. Néanmoins, 30% des entreprises non fibrées déclarent ne pas vouloir basculer volontairement. Pourquoi ? L'utilité de la fibre n'est pas encore bien perçue (50%) et 16% ne savent pas s'ils sont éligibles. Et si les offres se sont diversifiées et les coûts ont baissé, leur lisibilité pour les TPE n'est pas évidente.

La communication prend de l'ampleur

Ces réticences sont inquiétantes à l'heure où des centaines de communes s'apprêtent à éteindre définitivement le réseau cuivre. Le sujet reste peu connu des Français et la "communication" fait partie des demandes récurrentes des acteurs de la fibre. Or, incontestablement, les choses bougent. Après l'opération presse menée en solo par Orange en février 2025 (notre article du 29 janvier 2025), la filière s'est mobilisée. Cet automne, TF1 et France 2 vont diffuser un spot pour promouvoir les avantages de la fibre par rapport à une technologie ADSL, amenée à "prendre sa retraite". Financé par Altitude Infra, Axione, Lumière, Orange Concessions et XpFibre, il respecte un principe de neutralité commerciale en étant estampillé de la Marianne de l'État avec un renvoi vers le site de la DGE  treshautdebit.gouv.fr. Est-ce suffisant ? Ce n'est pas certain et les industriels espèrent que "l'État prendra le relais", les élus ajoutant le souhait que "les opérateurs commerciaux mettent la main à la poche". 

La fin du cuivre comme accélérateur

La fin du cuivre sert ensuite "d'accélérateur", souligne Ilham Djehaich, la présidente d'Infranum, en obligeant à "apporter des réponses rapides à des sujets en instance". C'est notamment le cas des raccordements complexes, ces derniers logements où il n'existe pas de génie civil pour raccorder le local. 
Dans les communes des lots 1 à 3, l'État a prévu une aide accessible via un dispositif précisé par décret cet été (voir notre article du 23 juillet 2025). L'ouverture de ce guichet est annoncée pour le 29 septembre, avant une communication massive au Congrès des maires. L'aide est cependant soumise à des conditions de ressources et le fond est limité à 16 millions d'euros. Si Infranum espère qu'il sera "pérennisé", il ne règle qu'un nombre de cas limité : celui des particuliers situés dans une zone RIP où le cuivre est arrêté. Or il s'agit d'un sujet national, concernant toutes les zones et tous les types de clients. XPfibre avance le chiffre de "100 millions d'euros à mobiliser d'ici 2030" pour les traiter. Dans cette période de vaches maigres, il est cependant peu probable que ce financement sera dégagé. Du reste, sur plusieurs RIP comme ceux de Lumière ou d'Axione, on explique déjà traiter des raccordements complexes "par dérogation", en attendant un cadre national.

Un cadre pour la résilience des réseaux

Plus généralement, le besoin d'une "direction politique" devient urgent pour gérer l'après plan THD. Au-delà du financement des prises manquantes, "l'équilibre des RIP et la résilience des réseaux" figurent sur le haut de la pile des dossiers à traiter par le futur titulaire du portefeuille télécom estime Patrick Chaize, sénateur et président de l'Avicca. Ces deux sujets sont d'ailleurs étroitement liés. La résilience pèse en effet sur les négociations en cours sur la grille tarifaire des RIP, censée actualiser les coûts qu'ils subissent et objet d'une consultation publique de l'Arcep (notre article du 28 juillet 2025). 
La multiplication des aléas climatiques de ces derniers années - comme dernièrement le méga incendie dans l'Aude où des communes n'ont pas eu le temps d'inaugurer un réseau fibre déployé en aérien - inquiète légitiment les opérateurs d'infrastructure. 
Le souhait d'Infranum est "d'intégrer les surcoûts d'entretien générés par les aléas climatiques", tels que l'infra. L'addition pourrait cependant être jugée trop salée par les opérateurs commerciaux. Aussi industriels et collectivités, à la peine face aux grands fournisseurs d'accès, en appellent une nouvelle fois à l'État. Avec pour ligne rouge de garantir une péréquation nationale, seule condition pour assurer la pérennité des RIP et éviter les tarifs différenciés par territoire évoqués par XPfibre. Au-delà des arbitrages sur la grille de l'Arcep, Patrick Chaize estime qu'il a là un "choix politique". Et si le futur gouvernement ne fait rien, le sénateur promet "une initiative parlementaire".

 

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