La construction de logements étudiants, un enjeu majeur sur tout le territoire

Le marché des logements étudiants en France est en tension, avec une offre insuffisante face à la demande croissante. Si la construction de nouveaux logements est une priorité, la réhabilitation du parc existant reste encore trop marginale… Décryptage des enjeux et des solutions pour accélérer la construction et la rénovation de logements adaptés aux étudiants.

L’immobilier à destination des étudiants, un marché toujours plus tendu
 

Un déficit structurel de logements

Sur les 3 millions d’étudiants que compte la France, seulement 11 % vivent dans un logement dédié1, qu’il s’agisse :

  • d’un logement étudiant (tout logement destiné aux étudiants, public ou privé) ;
  • d’un logement social réservé aux étudiants (logement HLM à loyer modéré, sous conditions de ressources) ;
  • d’une résidence universitaire privée (logements gérés par des acteurs privés, avec services intégrés).  

Ils sont 44 % à être logés au sein du parc diffus, c’est-à-dire dans des logements qui ne leur sont pas réservés : en colocation, en location ou logé chez un proche propriétaire au sein du parc immobilier privé. Des chiffres qui peuvent surprendre, mais qui s’expliquent par une offre immobilière largement insuffisante pour les étudiants et pas assez attractive, notamment en termes d’implantation géographique ou de salubrité
 

Des disparités territoriales marquées  

Si la situation est généralisée sur l’ensemble du territoire, elle se cristallise particulièrement sur certaines zones comme l’Île-de-France et la Métropole de Lyon, qui comptent un grand nombre d’étudiants pour trop peu de logements. Résultat : des prix à la location qui s’envolent, et des appartements insalubres qui trouvent preneurs, faute de mieux.

Le marché de l’immobilier à destination des étudiants est en très forte tension, et la situation ne s’arrange pas au fil des années… En effet, le nombre d’étudiants a bondi de 41 % entre 1999 et 2024, tandis que le parc de logements des CROUS (Centre Régional des Œuvres Universitaires et Scolaires) s’est étendu de 20 % seulement.  

Une offre qui reste très insuffisante, d’autant que plus de la moitié des étudiants quittent le secteur du domicile familial pour entrer dans l’enseignement supérieur, et n’ont donc pas la possibilité d’être logés chez leurs parents ou un proche.

 

Un besoin de réhabilitation, mais encore trop peu d’initiatives concrètes


La rénovation, une réponse aux enjeux énergétiques et économiques ?

L’offre de logements étudiants demeure insuffisante, tandis que ceux existants se dégradent. Malgré les besoins urgents de réhabilitation sur l’existant, ce type de projets, souvent jugés coûteux, est délaissé au profit de la construction en neuf.  

Les créations de nouveaux logements ne résolvent pas le problème de pénurie de logements étudiants pour autant. Et pour cause, les anciens immeubles vétustes sont abandonnés au profit des nouveaux, ne permettant pas d’augmenter la capacité du parc immobilier. Pourtant, la réhabilitation de l’existant est un réel enjeu. Elle permettrait :

  • de loger un plus grand nombre d’étudiants dans de meilleures conditions ;
  • d’adapter ces biens aux nouvelles normes en vigueur en matière de rénovation énergétique ;  
  • de renforcer leur étanchéité, les rendre moins énergivores et plus confortables pour leurs habitants.


Un manque d'incitation pour les porteurs de projets ?  

Ces rénovations permettraient de répondre aux difficultés à trouver de nouveaux espaces disponibles qui soient à la fois proches des lieux d’enseignement et accessibles en transport. Ces emplacements prisés se paient cher, et contribuent à la flambée des loyers.

Entre 2016 et 2024, sur l’ensemble des prêts signés par la Banque des Territoires, 97 % des opérations concernaient de la création de logements et 2,5 % seulement consistaient à rénover des bâtiments existants. Les derniers 0,5 % étant consacrés au financement d’un transfert de patrimoine — c'est-à-dire le passage d'une propriété d'une entité à une autre — ou à un changement d’usage du bâtiment. Une timide amélioration en faveur de la réhabilitation est tout de même observée en 2024, avec 3,5 % de prêts dédiés à la rénovation et 94 % de prêts consacrés à de la production en neuf.

 

Des aides à la rénovation encore trop peu sollicitées pour les logements étudiants

La Banque des Territoires s’engage au quotidien pour aider à financer la réhabilitation, y compris du parc de logements étudiant, à travers des solutions comme l’Eco-prêt. Cette offre bonifiée et attractive financièrement est encore trop peu sollicitée, car les projets de réhabilitation thermique qui pourraient en bénéficier sont peu nombreux.

La cause de cette faible sollicitation pourrait s’expliquer par le coût. En effet, malgré l’existence de nombreuses aides et subventions, l’opérateur doit prendre en charge une partie des travaux qui peut s’avérer élevée. Ce coût ne peut pas être répercuté sur le prix du loyer, qui doit rester abordable pour une population étudiante aux revenus modestes. Un réel problème de modèle économique, auquel le gouvernement prévoit d’apporter des réponses d’ici fin 2027. Bien que peu engagé, l’Eco-prêt reste néanmoins une aide attractive qui peut s’avérer très utile lorsqu'elle est bien employée.

En parallèle, la Banque des Territoires a renforcé son engagement à travers le programme AGiLE (« Agir pour le logement étudiant ») lancé le 13 mai, qui vise à créer ou réhabiliter 75 000 places de logements étudiants d'ici 2030 grâce à une enveloppe de 5 milliards d'euros. La Banque des Territoires intervient en prêts et en fonds propres, soutenant les résidences étudiantes des secteurs public et privé, comme en témoigne le premier partenariat concrétisé avec Uxco Group. Ce plan, qui complète les objectifs gouvernementaux, répond à la pénurie de logements tout en intégrant les enjeux de transition écologique.
 

De nouvelles perspectives avec la loi de finances 2025 ?

La feuille de route de la loi de finances 2025 fixe en effet des objectifs en matière de production de logements étudiants, à raison de 35 000 logements abordables supplémentaires d’ici 2027.  

En parallèle, Elisabeth Borne a annoncé 12 000 réhabilitations de logements CROUS, toujours à horizon 2027. Un objectif qui pourra être atteint grâce à une étroite collaboration entre :

  • les associations de collectivités ;  
  • le Cnous (Centre National des Œuvres Universitaires et Scolaires) ;
  • l’USH (Union Sociale pour l’Habitat) ;  
  • France Universités ;
  • les bailleurs intermédiaires et les promoteurs ;  
  • la Banque des Territoires. 

Il faut trouver des solutions pour accompagner au mieux les projets. Les pouvoirs publics agissent déjà pour encourager ces initiatives, avec la délivrance d’agréments de logements sociaux et une dynamique très forte sur le périmètre étudiant. Il existe de nombreux leviers à activer, et le financement en prêt en fait partie.

Marie Losset, Responsable Service Habitat Spécifique, Banque des Territoires Direction des Prêts

La Banque des Territoires, un acteur clé du financement  

La Banque des Territoires intervient sur un périmètre précis, qui intègre les logements sociaux fléchés pour les étudiants, ainsi que les résidences universitaires, excluant les résidences et logements privés des projets de financement éligibles.  

Au-delà de la rénovation, son offre consiste essentiellement en financement de prêts, comme le Prêt Locatif Social (PLS) qui permet de financer l’achat et la construction de logements locatifs sociaux destinés aux étudiants.  

En 2024, 215 millions d’euros ont été investis dans le développement des résidences étudiantes, principalement pour la construction de nouveaux logements. Une part plus réduite a été consacrée à la réhabilitation, souvent à l’issue d’un accompagnement au plus près des porteurs de projets au sein des territoires.

Certains étudiants sont boursiers, ont un apport financier, mais n’ont pas de garants ou ont des difficultés à se loger. La Banque des Territoires agit pour faire émerger des solutions intermédiaires qui leurs sont adressées, avec des loyers qui s’approchent des loyers du parc privé.

Marie Losset, Responsable Service Habitat Spécifique, Banque des Territoires Direction des Prêts

Sources

1  Fnau - Fédération Nationale des Agences d'Urbanisme, "LOGEMENT ÉTUDIANT : OBSERVER POUR DÉCIDER", mars 2023, page 9.

 

 

Les experts

Marie Losset

Responsable Service Habitat Spécifique - Banque des Territoires Direction des Prêts

Diplômée de Sciences Po Toulouse et de l'Institut régional d'administration (IRA) de Metz, Marie Losset rejoint le Groupe Caisse des Dépôts en 2010 en tant que chargée des ressources humaines. Elle occupe ensuite tour à tour les postes d'analyste financier, de cheffe de projet Logement Social, de responsable du pôle Conception et Adaptation de l'Offre Logement Social, de chargée de développement territorial, et de responsable Grands comptes OLS. En mars 2024, Marie Losset est nommée responsable du Service Habitat Spécifique.

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