Carte scolaire : le Sénat veut sortir de la "méthode Excel"

Un rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat dresse un bilan plus que mitigé du dialogue entre Éducation nationale et élus locaux autour de l'élaboration de la carte scolaire. Alors que la baisse des effectifs scolaires entraîne des décisions souvent mal vécues sur le terrain, elle propose de renforcer les mesures de dialogue et d'anticipation. 

La question de l'évolution démographique et de ses répercussions sur la carte scolaire n'en finit pas de susciter travaux et propositions. Quelques semaines après que le Congrès des maires 2025 a accouché d'idées iconoclastes en la matière (lire notre article du 19 novembre), c'est au tour de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat d'adopter un rapport sur le sujet. Intitulé "La compétence scolaire des collectivités territoriales", il constate que l'élaboration de la carte scolaire est trop souvent vécue comme un "couperet" par les communes et avance des pistes pour plus de concertation et d'équité en la matière.

Le constat des sénateurs n'est toutefois pas nouveau. Leur travail rappelle d'ailleurs qu'il y a bientôt dix ans, en 2016, un rapport du sénateur Alain Duran prônait déjà une contractualisation pour refondre la carte scolaire. Aujourd'hui, alors que le premier degré a perdu près d'un demi-million d'élèves de 2017 à 2024, et qu'à l'horizon 2029 autant vont disparaître des bancs des écoles, la question de la carte scolaire et des fermetures de classes pèse comme une épée de Damoclès au dessus de la tête d'élus locaux conscients que l'avenir de leurs communes dépend du maintien d'une école sur leur territoire, particulièrement en milieu rural où le rythme des fermetures est plus soutenu.

Un protocole non contraignant

La prise de conscience est bien réelle et les outils se sont multipliés pour tenter de faire dialoguer maires et Éducation nationale. Mais de ces initiatives, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat tire un piètre bilan. Les conventions de ruralité, censées associer les élus à la réflexion sur l'évolution du tissu scolaire ? Elles n'ont pas été pérennisées. Le conseil départemental de l'Éducation nationale (CDEN), où les élus locaux devraient pouvoir être associés aux décisions ? Ils sont "trop souvent réduits dans les faits à une chambre d'enregistrement". Les observatoires des dynamiques rurales, lancés à la rentrée 2023-2024 ? Ils n'ont pas été créés partout et quand ils existent, ils "restent souvent le théâtre de discussions qui n'ouvrent pas suffisamment de perspectives sur l'évolution de la carte scolaire". Quant au tout récent protocole d'accord signé entre l'Éducation nationale et l'Association des maires de France (lire notre article du 6 mai), qui vise à projeter sur trois ans les effectifs scolaires et à associer davantage les élus locaux à la prise de décision, il est "dépourvu de valeur juridique contraignante", regrettent les rapporteurs.

In fine, "ouvertures et fermetures de postes procèdent encore souvent d'une approche arithmétique, établie à l'échelle nationale". Une approche qui se base essentiellement sur le calcul du taux d'encadrement des élèves qui, de surcroît, ne comptabilise pas systématiquement les enfants de moins de trois ans comme il le devrait et creuse un décalage "de plus en plus important" entre les seuils d'ouverture et de fermeture de classes, rendant les réouvertures plus difficiles quand une commune connaît une remontée de sa population scolaire.

Tenir compte des investissements des communes

Après une décennie de revendications de la part des élus locaux, les quatorze propositions de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat tentent d'aller plus loin. Ainsi, pour dépasser une vision "court-termiste", elle prône l'adoption, tous les six ans, d'une loi de programmation établissant une stratégie pour l'école du premier degré. Pour sortir de la "méthode Excel", elle préconise de réviser le règlement intérieur des CDEN afin de permettre aux élus locaux de fixer des points à l'ordre du jour. Elle en appelle encore à des mesures de bon sens : appliquer de manière "effective" l'article L. 113-1 du code de l'éducation, qui prévoit la prise en compte des enfants de moins de trois ans dans les prévisions d'effectifs scolaires, et supprimer l'écart entre les seuils d'ouverture et de fermeture de classes afin qu'une classe fermée puisse rouvrir une fois les effectifs revenus à leur niveau antérieur.

Parce que les territoires ruraux sont particulièrement pénalisés, les sénateurs demandent également d'instaurer des critères "qualitatifs complémentaires" au taux d'encadrement, comme la prise en compte du nombre de classes multiniveaux et du nombre de niveaux par classe mais aussi des temps de transport et d'attente des écoliers. Enfin, le rapport demande des mesures d'anticipation, comme la production systématique d'une étude d'impact sur l'attractivité et la vitalité des territoires ruraux avant toute fermeture de poste ou la prise en compte des investissements engagés par les communes, en particulier lorsqu'ils sont susceptibles de déboucher sur une croissance démographique.

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis