CFP post-2027 : "La réponse de l’État reste attendue sur plusieurs points clés"

Dans une lettre datée du 19 septembre, Carole Delga et Renaud Muselier ont fait part au président de la République de la "très vive inquiétude" des régions françaises à l'égard du projet de cadre financier pluriannuel (CFP) post-2027 présenté par la Commission européenne. A l'approche du congrès de Régions de France, Magali Altounian, conseillère régionale, présidente de la commission Europe, crédits européens et relation avec les institutions de l’Union de la région Paca, rappelle les enjeux, en relevant que la réponse de l'État reste pour l'heure attendue, singulièrement sur le rôle des régions dans la gouvernance des fonds.

Localtis - Face au projet de budget pluriannuel post 2027 présenté par la Commission, Renaud Muselier et Carole Delga ont récemment appelé le président de la République à la rescousse (lire notre article du 30 septembre). La réponse reçue est-elle à la hauteur des attentes ? Sur quelles forces, tant au Conseil qu'au Parlement, la France peut-elle a priori s’appuyer ?

Magali Altounian, conseillère régionale, présidente de la commission Europe, crédits européens et relation avec les institutions de l’Union de la région Paca - Le président Renaud Muselier et la présidente Carole Delga ont effectivement interpellé le président de la République dans une lettre commune, exprimant la très vive inquiétude des régions françaises face au projet de cadre financier pluriannuel post-2027 présenté le 16 juillet 2025 par la Commission européenne [lire notre article]. Ce projet prévoit une baisse significative des crédits alloués aux politiques historiques de l’Union européenne, notamment la cohésion et la politique agricole commune (PAC), ce qui pénaliserait fortement la France.

Le Comité européen des régions, où je siège en tant que présidente de commission (Civex), vient ainsi d’adopter une nouvelle résolution d’urgence à l’unanimité, dénonçant le risque de recentralisation des fonds et d’une mise en concurrence, au sein de chaque État membre, entre les politiques relatives à l’agriculture, à la pêche, et à la cohésion, pour obtenir des financements au sein d’un pot commun rétréci par rapport aux politiques actuelles.

Dans ce contexte les régions françaises ont uni leurs voix avec leurs homologues européennes au sein de la coalition EURegions4Cohesion. En couplant leur mobilisation individuelle, celle de Régions de France, et de la coalition européenne, elles mettent en évidence les angles mort de cette proposition : régression du principe de subsidiarité et des bases de la solidarité européenne, risque de recentralisation des fonds européens et de mise à mal de la démocratie, transfert des arbitrages financiers sensibles au niveau des États membres, simplification conçue du seul point de vue de la Commission, sans véritable logique de co-construction. En parallèle, elles forgent des propositions concrètes pour que la refonte – nécessaire – du cadre financier pluriannuel, permette de déployer les priorités européennes de manière performante, sans tomber dans les écueils d’une Europe qui tournerait le dos à ses territoires.

La réponse de l’État reste attendue sur plusieurs points clés, notamment la défense du rôle des régions dans la gouvernance des fonds.

Si l'architecture des fonds proposée par la Commission devait être retenue, la large autonomie qui serait a priori laissée aux États membres dans la gestion des nouveaux plans de partenariat nationaux et régionaux ne serait-elle pas de nature à rasséréner, alors que le Premier ministre plaide pour une nouvelle étape de la décentralisation ? Ne serait-ce pas là l’opportunité de pousser la logique de décentralisation des fonds à son comble ?

Effectivement, il faut que l’État continue à faire confiance aux régions qui ont prouvé leur compétence et leur efficacité dans la gestion des fonds européens sur la période 2014-2020 et sur la période en cours 2021-2027 et approfondir la logique de guichet unique des fonds européens au niveau des régions. Elles sont clairement identifiées aujourd’hui comme la porte d’entrée des fonds européens par les citoyens et acteurs locaux. Il est nécessaire de capitaliser sur l’expertise acquise par les régions.

Les plans de partenariat nationaux et régionaux, sur le papier, pourraient s’inscrire dans une logique de décentralisation avancée, et c’est bien pour cela que les régions plaident pour que l’État fasse ce choix…

Les États-membres qui piloteront l’élaboration des nouveaux plans de partenariat nationaux et régionaux auront à démontrer qu’ils allouent les fonds de manière à conduire les réformes clés attendues par l’UE ; dans un contexte budgétaire tendu à tous les niveaux, la crainte est de voir les fonds européens orientés en priorité vers les politiques nationales que l’État peine à financer. Également, le risque existe que les États-membres reprennent intégralement la main et laissent les régions dans un rôle de simple exécutant. Par ailleurs, dans le contexte de la baisse des crédits européens dédiés à la politique de cohésion, la question d’avoir des enveloppes suffisantes pour les besoins de la cohésion au niveau régional se pose de manière prégnante.

Plus que dans cette nouvelle architecture, la principale menace ne réside-t-elle pas précisément dans la réduction des fonds qui pourraient être accordés aux politiques historiques de l’UE — PAC, soutien aux régions en transition dans le cadre de la politique de cohésion... —, au risque de faire de la France davantage encore l’un des principaux contributeurs nets de l’UE ?

La France, déjà contributeur net, risquerait de l’être encore davantage, sans retour équitable pour ses territoires. Le rôle majeur de la politique de cohésion ou de la PAC n’est plus à démontrer. Leur arrêt ou leur diminution viendrait clairement compliquer ou empêcher la réalisation des projets sur le territoire. Dans un contexte de tension budgétaire à tous les niveaux, sans les fonds européens, certains projets ne se feraient tout simplement pas.

En effet, les fonds européens gérés par les régions, de manière exemplaire en région Provence-Alpes Côte d’Azur avec 100% des fonds consommés sur 2014-2020 et une programmation 2021-2027 déjà bien avancée, bénéficient à de nombreux projets sociaux, économiques, agricoles ou d’infrastructures, dans les domaines des transports, de la santé, de la décarbonation, de la recherche ou de l’innovation…

Il faut que les territoires et acteurs des territoires français puissent continuer à bénéficier de crédits européens afin de favoriser leur développement, stimuler l’innovation et transformer l’Europe de façon structurelle sur le long terme.

En outre, la politique de cohésion rapproche l’Europe des territoires et des citoyens. Elle est le visage concret de l’Europe.

 

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