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Fonction publique territoriale - CNFPT : la Cour des comptes revient à la charge

Dans un rapport qu'elle n'a pas encore publié, la Cour des comptes s'intéresse au Centre national de la fonction publique territoriale. Tout en notant des progrès, elle décerne plusieurs cartons jaunes. Et recommande au pouvoir national de contrôler plus étroitement l'établissement.

Lors de contrôles rendus publics en 2002, 2007, puis 2011, la Cour des comptes avait appelé le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) à faire mieux dans la mise en œuvre des formations et avait pointé des défaillances dans sa gestion. Dans un nouveau rapport bouclé en mai dernier, mais non encore publié, la Cour maintient la pression sur l'établissement public chargé de la formation du 1,9 million d'agents territoriaux.
Les magistrats constatent certes des améliorations sensibles. Le CNFPT a "significativement augmenté son activité de formation", écrivent-ils. Ainsi, il a organisé 2.408.200 journées de formation en 2013, contre 1.953.599 cinq ans plus tôt. Cependant, ce résultat ne représente que 53% du nombre des jours de formation dispensés aux agents des collectivités (le restant des jours étant organisé par les collectivités elles-mêmes, ou d'autres organismes).

Dématérialisation en progrès

La Cour note par ailleurs des progrès quant à la qualité des formations et de la relation avec les stagiaires. Le CNFPT a ainsi dématérialisé ses catalogues de formation, les agents pouvant s'inscrire en ligne aux sessions de formation. De plus, de nouveaux services numériques sont proposés aux stagiaires et le déploiement d'outils pédagogiques innovants s'accélère. Par ailleurs, la Cour note des "progrès tardifs mais sensibles de l'évaluation" des formations.
Toutefois, "une nouvelle progression de l'activité est possible", assure la Cour. Qui a plusieurs idées pour y parvenir. Elle incite notamment l'établissement à intensifier l'organisation des formations durant certains mois où celles-ci sont moins nombreuses (six mois de l'année voient se réaliser plus de 70% de l'activité).
La Cour suggère encore au Centre d'ouvrir plus largement et gratuitement ses portes aux agents non-titulaires de droit public. Elle recommande aussi qu'il prenne mieux en charge financièrement les formations destinées aux jeunes en "emplois d'avenir".

Train de vie, avantages… dans le viseur de la Cour

Sans réduire sa qualité de service, le CNFPT pourrait contribuer à la réduction des déficits publics, considère la Cour. Qui semble faire peu de cas de la décision prise en novembre dernier par l'établissement de réduire volontairement ses ressources de 7 millions d'euros (voir notre article du 7 novembre 2014). Chaque année, le budget du CNFPT dégage un excédent, observe la Cour. C'est ce constat qui, on s'en souvient, avait amené les juges de la rue Cambon à recommander, en 2011, la baisse du taux de cotisation de 1 à 0,9%. Une recommandation suivie d'effets pour le seul exercice 2012, puisque la loi de finances rectificative d'août 2012 avait ensuite rétabli la cotisation à son niveau initial.
Les magistrats suggèrent de nombreuses pistes d'économies concernant le budget du CNFPT. Outre une meilleure maîtrise des frais de personnels et de communication, il est conseillé de mieux encadrer les avantages en matière de logement de fonction ou de remboursement de frais de transport dont bénéficient certains agents. La prime de restauration (accordée aux agents du Centre en plus de tickets restaurants), l'organisation de coûteux séminaires, les indemnités des élèves de l'Institut national des études territoriales (Inet) et celles des délégués régionaux sont aussi dans le collimateur de la Cour.

La cotisation… fragile juridiquement

Pour réduire les dépenses de fonctionnement, la Cour préconise aussi de renforcer les mutualisations avec les autres fonctions publiques, aux niveaux national et local, pour la mise en œuvre des formations.
La Cour recommande plusieurs clarifications. D'abord, un texte devrait, selon elle, préciser juridiquement les conditions de prise en charge des frais de déplacement et de restauration des stagiaires. Le CNFPT peut les fixer librement à des taux se situant en dessous des taux de droit commun définis par l'Etat, regrette-t-elle.
Les magistrats vont plus loin, demandant une clarification du cadre juridique même du CNFPT. Qualifiée en juillet 2011 par le Conseil constitutionnel d'"imposition de toute nature", la cotisation perçue par le CNFPT mérite un cadre plus clair. La possibilité pour l'établissement de percevoir lui-même cette cotisation est d'ailleurs fragile juridiquement, ajoutent-ils. Qualifié en 1989 par le Conseil constitutionnel d'établissement public national, le CNFPT dispose en pratique d'une très grande liberté d'agir, ne rendant de comptes ni aux administrations centrales de l'Etat ni au Parlement, alors qu'il est financé par des prélèvements obligatoires, observe encore la Cour.

"Conception jacobine"

Celle-ci suggère que soit engagée "une réforme législative" visant à mieux encadrer les conditions de fixation et d'utilisation des ressources du CNFPT qui sont issues de la cotisation et à "définir un cadre conventionnel avec l'Etat par lequel l'établissement serait amené à rendre compte au gouvernement et aux collectivités territoriales mandantes" pour l'exercice de ses missions obligatoires.
"Il s'agit du rapport le plus positif reçu par l'établissement depuis sa création", a réagi le CNFPT dans un communiqué. En regrettant toutefois qu'il "comporte des erreurs de fait, de droit ou d'appréciation, voire des contresens".
Quant aux propositions concernant le régime juridique de l'établissement et de la cotisation, elles relèvent d'une "conception jacobine" faisant fi "du principe de libre administration des collectivités et du paritarisme", déclare le CNFPT.