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RH / Management - Comment les agents et leurs managers s'adaptent-ils à la "nouvelle donne territoriale" ?

Réforme territoriale, baisse des dotations de l'Etat : que perçoivent les agents ? La dernière étude de l'Observatoire social territorial (OST) de la Mutuelle nationale territoriale (MNT) propose un décryptage de leurs attitudes, mais surtout des pistes pour aider les collectivités à piloter au mieux cette transformation.

Confrontés aux effets de la réforme territoriale et de la baisse des dotations de l'Etat, comment les agents envisagent-ils leur avenir et celui de la fonction publique territoriale ? Parue fin avril, la dernière étude de l'Observatoire social territorial (OST) de la Mutuelle nationale territoriale (MNT) sur la "Nouvelle donne territoriale" s'efforce de capter leur point de vue et de proposer des pistes pour passer du "bricolage social" sur la réforme à un pilotage global du changement des organisations.
A partir d'une enquête nationale sur tous les niveaux de collectivités impactées par les réformes, réalisée dans quinze communes de différentes strates, neuf intercommunalités, six conseils départementaux (ruraux et urbains) et six conseils régionaux, l'auteur, Jérôme Grolleau, décrypte la construction des attitudes des agents, en faisant appel notamment aux outils de la sociologie des organisations. L'ensemble de son analyse et de ses conclusions visent à aider les agents à se réapproprier cette "nouvelle donne", et invitent à transformer les organisations plutôt que de les réformer.

Donner du sens à la réforme territoriale

L'auteur relève tout d'abord que, comme la réforme territoriale ne laisse personne indifférent, elle "polarise des attitudes marquées" : pour les uns, elle ouvre vers un possible renouveau, pour les autres, elle amorce une spirale négative. Il note que les agents considérant la "nouvelle donne" comme un possible renouveau montrent "une prise de recul" dans leur raisonnement. Ils procèdent à un "auto-diagnostic sans complaisance de la FPT : lourdeur, cloisonnement, abus, absentéisme, faible réactivité, etc." Les agents transfèrent le "potentiel dynamique" de la nouvelle donne du champ institutionnel vers le champ du fonctionnement interne et attendent sur ce point un changement de cap radical. Ils construisent ainsi par eux-mêmes, analyse l'auteur, une "perspective pour l'action publique locale dans laquelle ils puissent se projeter" : ils "donnent le sens que la réforme ne donne pas".
Le mode de raisonnement inverse se construit sur un passif : "dévalorisation salariale, accentuation de la charge de travail et du rendement, faible reconnaissance..." Ces agents redoutent une rupture d'équilibre, d'entrer dans une spirale négative et mécanique, comme dans un engrenage. Face à cette situation, le statut demeure plus que jamais un rempart. Il continue de sécuriser, il permet de relativiser la situation : "On n'exclut jamais totalement que la situation puisse être positive à terme." La mobilité et la formation sont également fortement réinvesties. C'est une manière de se réapproprier sa trajectoire, en "prenant les choses en main" et en anticipant.

Les managers à la croisée des chemins

Pour les managers, la tension entre les deux pôles est vécue de manière très sensible "sans qu'au final ils s'orientent vers l'un ou vers l'autre", générant un sentiment de perplexité. Ils reconnaissent très généralement "la nécessité d'une rationalisation économique et d'une évolution significative des modes de fonctionnement" au sein des collectivités. Mais ils sont en première ligne face aux réactions des agents, souvent en incertitude sur leur propre devenir et doutent plus fortement que les autres des capacités de l'univers territorial à se transformer, du fait du "poids du politique, de la structure, des habitudes, et des enjeux de pouvoir".
Le lien avec la direction est alors mis à l'épreuve et s'avère déterminant, souligne Jérôme Grolleau : si la place du manager est niée, c'est le court-circuit et il se désengage ; s'il doit mener seul les conséquences de la réforme auprès de ses agents, cette "délégation-abandon" accentue la tension. Enfin, si le manager est associé dès l'amont au processus de transformation, "l'épreuve partagée renforce le lien" : "on intègre mieux la stratégie et ils intègrent mieux le terrain", relève ainsi un cadre d'une ville moyenne lors d'un entretien.

Transformer les organisations plutôt que de les réformer

De ce fait, l'auteur estime que le management joue un rôle essentiel dans la façon dont la réforme peut être finalement vécue. Il suggère de transformer le système managérial selon deux axes. Tout d'abord en instituant de nouvelles pratiques dans le fonctionnement régulier de l'organisation, en donnant des "signes de rupture" dès les premières réorganisations, par une communication "renforcée, directe et transparente", en associant au maximaum les managers et les agents à l'élaboration de la nouvelle organisation, et en instaurant de nouveaux dispositifs d'accompagnement managériaux et RH.
Le manager doit également contribuer à transformer progressivement les modes de fonctionnement, en introduisant des dispositifs qui "redonnent la main" aux agents et à son équipe : analyse collective des pratiques professionnelles, "co-construction des solutions",  ou encore "espace d'initiatives négocié".