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Conférences régionales du sport : un projet de décret laisse les collectivités sur leur faim

Un projet de décret précise le fonctionnement des futures conférences territoriales du sport et de leurs conférences des financeurs. Si l'ensemble reste marqué par un cadre strict calqué sur l'organisation de l'Agence nationale du sport et apporte peu de réponses à la question essentielle du financement, la création de commissions techniques pourrait ouvrir la voie à des politiques sportives territoriales différenciées. 

Les contours des futures conférences territoriales du sport et de leurs conférences des financeurs se précisent. Un projet de décret dont Localtis a obtenu copie détaille le fonctionnement de ces organes composés de cinq collèges, dont un représentant les collectivités.
La loi n°2019-812 du 1er août 2019 relative à la création de l’Agence nationale du sport portait création au plan territorial des conférences régionales du sport et des conférences des financeurs du sport. D'après le projet de décret, les conférences régionales du sport devront établir, pour une durée maximale de cinq ans, un projet sportif territorial "à partir d’un diagnostic partagé". 
Ce projet sportif territorial comprendra trois volets. Tout d'abord un bilan de l’offre sportive existante sur le territoire régional et l’identification des territoires et des publics présentant un déficit d’accessibilité à cette offre. Ensuite, un programme comportant les mesures et les actions à mettre en œuvre au regard notamment des objectifs visés par la loi du 1er août 2019 : sport pour tous, haut niveau, sport professionnel, équipements sportifs structurants, réduction des inégalités d'accès, sport adapté, lutte contre les violences et discriminations dans le sport, et bénévolat. Le projet de décret reprend par ailleurs la formule de la loi selon laquelle ce programme devra tenir compte à la fois des "orientations nationales" et des "spécificités de chaque territoire". Enfin, le projet de chaque conférence régionale comprend les modalités de suivi du programme d’action.

Cadre imposé

La conférence régionale du sport travaillera selon un cadre imposé, que ce soit à travers les thématiques obligatoirement abordées ou le respect des orientations nationales. Autrement dit, les collectivités territoriales ne semblent pas disposer de marge de manœuvre pour s'emparer sur chaque territoire d'une compétence spécifique.
Cette mise en place correspond-elle aux attentes des associations d'élus ? On se souvient qu'à l'automne dernier, l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes) avait souhaité que le texte à venir mette les collectivités "au centre du jeu" de façon à se "prémunir d’une approche jacobine descendante et hiérarchique, qui ferait de la gouvernance territoriale, la simple déclinaison régionale de l’agence nationale". L'Andes affirmait alors qu'il était  "sans doute aisé de dégager une mission de coordination pour chaque collectivité en matière de politique sportive". France urbaine, de son côté, demandait que "la structuration sportive locale fasse preuve d’agilité, au nom de l’expérimentation et de la différenciation territoriale", et dispose "d’une autonomie de décision suffisante". Aucune disposition de ce type ne figure dans le projet de décret. 
Co-auteur en 2018 d'un rapport sur la réforme de la gouvernance du sport, le consultant Patrick Bayeux estime que "les dispositions du projet de décret sont à l'opposé de ce qui avait été imaginé pour faire des conférences régionales du sport des organes de concertation". Selon lui, "ce système va scléroser plutôt que fluidifier".

Financement automatique ?

En ce qui concerne les conférences des financeurs du sport, le projet de décret précise que celles-ci auront trois missions. Premièrement, définir les seuils de financement à partir desquels les projets d’investissement et les projets de fonctionnement doivent lui être soumis pour examen et avis. Deuxièmement, émettre un avis relatif à la conformité de chaque projet qui lui est soumis aux orientations définies par le projet sportif territorial. Troisièmement, identifier les ressources pouvant être mobilisées par chacun des membres de la conférence.
On peut déduire du premier point que, sous certains seuils, des financements d'équipements ou des subventions passeront "sous le radar" de la conférence des financeurs. En d'autres termes, le "pot commun" appelé de leurs vœux par de nombreux élus n'existera que pour certains projets et le "guichet unique de dépôt des projets d’investissement et de fonctionnement", prévu dans le projet de décret, ne bénéficiera a priori qu'à ceux-là.
Du deuxième point on retiendra qu'il s'agit d’émettre un avis relatif à la conformité d'un projet aux orientations définies par le projet sportif territorial, et non, plus directement, de décider d'octroyer ou non un financement. Cela revient-il à dire que tout projet conforme au projet sportif territorial doit automatiquement être financé sans que les financeurs aient à se prononcer plus avant ? Le projet de décret ne va pas plus loin sur ce point pourtant essentiel. Le risque serait, bien évidemment, de faire des conférences des financeurs de simples chambres d'enregistrement. 
Enfin, le troisième point ne tranche pas le débat du financement. On se souvient que le Conseil d'Etat avait critiqué le fait que l'Etat était le seul contributeur financier de l'Agence nationale du sport, constituée sous forme de groupement d'intérêt public (GIP), tout en partageant le pouvoir avec d'autres acteurs. Au niveau régional, le projet de décret n'offre aucune garantie en termes de financement.

Une porte étroite pour la différenciation

Pris entre le respect des dispositions de la loi et la nécessité, paradoxale, de ne pas imposer la souplesse, le projet de décret sur les déclinaisons régionales de l'ANS donne l'impression de ne pas pousser la logique de nouvelle gouvernance du sport assez vite ni assez loin. Selon nos informations, une disposition du futur texte pourrait toutefois ouvrir la porte aux avancées que les collectivités appellent de leurs vœux. Il est en effet prévu que les conférences des financeurs "instituent une commission technique d’examen des dossiers, composée des représentants de chaque collège, chargée de proposer des avis motivés à la conférence des financeurs". La composition et les modalités de fonctionnement de cette commission technique seront prévues dans le règlement intérieur de chaque conférence des financeurs. C'est cette porte étroite que les acteurs locaux devront pousser pour obtenir plus de déconcentration et de différenciation.