Congrès des maires – Tri à la source des biodéchets : quelques conseils pour des maires à la peine

Obligatoire à compter du 1er janvier prochain, le tri à la source des biodéchets reste une véritable préoccupation pour les maires, comme en témoigne leur présence, nombreuse, au point-info consacré à ce sujet au congrès des maires. Si beaucoup de collectivités ne seront pas au rendez-vous, il n’est jamais trop tard pour bien faire.

"Organiser une réunion sur les biodéchets pour ses administrés, c’est l’assurance d’avoir une salle remplie", vante Odile Bégorre-Maire, vice-présidente de la communauté de communes du bassin de Pompey (54). Visiblement, cela fonctionne également avec les élus. En témoigne le point-info consacré ce 21 novembre à ce sujet au congrès des maires de France, qui lui aussi a fait salle comble. Le programme promettait il est vrai de "démêler le vrai du faux dans les obligations légales". Finalement, le sujet ne fut pas abordé : l’obligation pour les collectivités de fournir à leurs administrés une solution de tri à la source des biodéchets à compter du 1er janvier 2024 n’a pas été remise en cause. Sur le stand de l’Ademe, le ministre Christophe Béchu rappelait l’échéance, quand bien même tout le monde sait qu’elle ne sera pas respectée (voir notre article du 28 juin). 

Communiquer, sans tarder et sans s’arrêter

Une nouvelle fois (voir notre article du 19 octobre), plutôt que de se faire sermonner, les élus ont pu bénéficier de quelques conseils pour les aider à déployer leur dispositif. On reste loin du secret de cuisine, tant les "facteurs clés de succès" mis en avant sont connus. "Communiquer avant. Communiquer pendant. Communiquer après", exhorte Cécile Gotteland, déléguée générale du réseau Compostplus. Elle insiste singulièrement sur l’importance de le faire en amont du déploiement des dispositifs de collecte, et en prenant soin de bien rappeler les enjeux —  "de rappeler à quoi ça sert" — pour avoir une chance "d’embarquer les citoyens". Morgane Gorria, directrice du recyclage organique chez Paprec, la rejoint pleinement : "Il faut se rappeler pourquoi on le fait", martèle-t-elle, en indiquant aux élus que cela fera sans doute partie "des actions qu’ils seront fiers d’avoir mis en œuvre dans dix ans". "35% de notre poubelle est parfaitement recyclable. Tout le monde le sait. Pourtant, cela fait des années que l’on ne se pose pas la question. On se la pose désormais pour une bouteille plastique, que l’on emporte chez soi faute de pouvoir la jeter dans une poubelle idoine dans les rues de Paris, mais on ne se la pose toujours pas pour une peau de banane", observe-t-elle. "Soyez courageux", lance-t-elle aussi aux élus, en préconisant "de garder en tête qu’il n’y a toujours que les râleurs qui s’expriment".

Communication globale

Pour Odile Bégorre-Maire, "cette communication doit être globale, sur le geste de tri en général et pas seulement sur les biodéchets". Le tout "en continuant de souligner que c’est simple de trier". Sur ce point, elle en veut d’ailleurs pour preuve que "les citoyens savent très bien faire la différence. On ne retrouve pas tout et n’importe quoi dans les poubelles". "Et les erreurs de tri se réduisent lorsque les collectivités fournissent les sacs", complète Cécile Gotteland. Odile Bégorre-Maire estime ainsi que le discours sur les erreurs de tri tenu par certains de ses collègues ne constitue "qu’un prétexte pour ne rien faire" et se réjouit qu’ "à compter du 1er janvier prochain, nous allons, enfin, tous pouvoir tenir le même discours". Elle concède toutefois que pour convaincre les citoyens plus récalcitrants, il n’y aura "que le coût. Il va falloir dire les vrais prix !".

Importance cruciale du choix des lieux d’apports volontaires

Autre conseil qui tombe sous le sens, en théorie du moins : choisir les lieux d’apports volontaires avec discernement. Ni trop loin — "il faut qu’ils soient sur le chemin habituel des gens", précise Odile Bégorre-Maire ; ni trop près — dans ce cas, l’élu est vite rappelé à l’ordre, relève-t-on. Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette (91), attire en outre l’attention sur le fait que ces points (ou une collecte) semblent nécessaires y compris pour les citoyens qui compostent, dans la mesure où ces derniers peinent encore à inclure les déchets carnés. S’agissant du compostage, les intervenants tiennent par ailleurs à dissiper une inquiétude : s’il est individuel, il ne pose pas de problème de compétences : "C’est de la prévention des déchets, pas de la collecte". L’on conseille néanmoins, "en bonne intelligence", de prévenir l’intercommunalité. En revanche, s’il est "industriel", alors "il relève de la compétence du syndicat ou de la structure intercommunale".

Décret "socle commun" : la messe est dite ?

Une fois les déchets collectés, reste à les valoriser. Si Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville et président de Méthéor (voir notre article du 28 avril), vante les mérites de la méthanisation, il souligne "la nécessité d’avoir des volumes suffisants pour pouvoir faire tourner un digesteur". "C’est compliqué en dessous de 20 à 30.000 tonnes de matière organique par an", estime-t-il. Reste encore, en bout de chaîne, à produire le compost idoine, "normé", pour être susceptible de retourner à la terre. Le décret "socle commun" se faisant toujours attendre, les élus restent dans l’expectative. Pour Morgane Gorria, c’est un faux problème car, pour elle, la messe est dite : "La ligne de conduite, on l’a déjà. Il faut regarder le sens de l’histoire, en tenant compte des réglementations françaises successives. Cela ne doit pas être un blocage." Elle ajoute qu’avec "le règlement européen (de 2019), on a déjà une bonne vision de ce que l’on peut remettre au sol". Mais certains préféreront tout de même attendre de voir le décret avant de s’engager.

 

Amorce plaide inlassablement pour un soutien financier

"Depuis plusieurs mois (voir notamment notre article du 28 juin), Amorce ne cesse d’alerter les pouvoirs publics des difficultés que les collectivités rencontrent dans la mise en œuvre opérationnelle de ce nouveau service public" (le tri à la source des biodéchets), rappelle l’association dans un communiqué du 20 novembre. En intégrant le développement du compostage, elle estime que "le surcoût moyen du tri à la source des biodéchets généralisé est de l’ordre de 10 euros par habitant sur dix ans". Considérant par ailleurs que la taxe d’enlèvement des ordures ménagères a augmenté de 10% en 2023 comme en 2022, l’Association en conclut qu’"aucune collectivité ne peut arriver seule à organiser un service ambitieux de nature à répondre aux engagements pris dans la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire". Pour l’heure, l’association prêche dans le désert. Elle n’en a pour autant pas encore perdu la voix. Amorce plaide ainsi à nouveau "pour un soutien financier à la hauteur des coûts supportés par les collectivités chargées de ce service". Concrètement, elle demande, dans le cadre de la loi de finances pour 2024, "un dispositif d’aide de 450 millions d’euros par an pendant 5 ans, par affectation des recettes de TGAP pour atteindre au plus vite une généralisation effective du tri à la source des biodéchets pour tous les Français".